Influenza, importations, charges
Les volailles de chair dans la tourmente

Malgré une consommation dynamique, les mauvaises nouvelles s’accumulent pour la filière volailles de chair : production en baisse de 10 % pour cause d’influenza, recrudescence des importations, flambée des coûts de production.

Les volailles de chair dans la tourmente
Les volailles labelisées sont également concurrencées par des volailles standards élevées jusqu'à 3 kg et commandées spécialement par des grands distributeurs alimentaires directement.

« Les emmerdes, ça vole toujours en escadrille ». La fameuse citation de Jacques Chirac s’applique particulièrement au cas de la filière volailles de chair en cette rentrée 2022. En raison de l’épizootie d’influenza aviaire, la production française de volailles de chair devrait reculer de 9,7 % en 2022 (par rapport à 2021), a annoncé l’interprofession Anvol le 7 septembre.

L’impact de l’épizootie s’est alourdi depuis les premières estimations communiquées fin juin par l’institut technique Itavi (-6 à -7 %). En valeur, les pertes atteindraient presque 500 millions d’euros (M€), dont 370 M€ en sortie d’élevage et 110 M€ d’export de génétique. Quelque 20 millions de volailles, dont 12 millions de volailles de chair ont été abattues pour tenter de freiner l’épizootie.

« L’impact de l’influenza est très inégal selon les espèces », rappelle le président d’Anvol Jean-Michel Schaeffer. Les plus touchées ont été celles très présentes en Pays de la Loire, épicentre de la deuxième vague au printemps, à savoir le canard à rôtir (-30,3 %) et la pintade (-17,7 %), mais aussi la dinde (-17,7 %). Quant au poulet (première volaille produite en France), il a été moins affecté avec une production en recul de 3,3 %. Une baisse suffisante pour empêcher la filière de profiter à plein de la reprise de la consommation.

En 2021, la France est devenue « championne d’Europe des pays consommateurs de volailles », souligne l’interprofession, avec 1,926 Mtéc vendues (+2,1 %). Une croissance liée à la reprise de la restauration et de plus en plus approvisionnée par les importations. Une source de « grande frustration » pour la filière française, selon Jean-Michel Schaeffer. Sur les cinq premiers mois de 2022, les importations de viande de poulet ont représenté 49 % de la consommation française, alerte ainsi Anvol.

« Déferlante » de poulet ukrainien

Le poulet est la première espèce concernée par la « recrudescence des importations » après un ralentissement en 2020 en raison du Covid-19. Sur l’ensemble des volailles, la part des importations se chiffre à 43 % sur les cinq premiers mois de 2022 (contre 34 % en 2020 et 39 % en 2021). Les importations de viande de poulet progressent en provenance de la Pologne (+22 %) et de la Belgique (+21 %, avec une part importante de réexpédition), mais surtout du Brésil (+180 %) et de l’Ukraine (+122 %).

La filière s’estime « piégée » par la suspension pour un an des droits de douane sur le poulet venant d’Ukraine, décidée le 24 juin par l’Union européenne en soutien à Kiev. « Depuis juin, c’est la déferlante », déplore Gilles Huttepain, vice-président d’Anvol, prédisant que les exportations ukrainiennes vers l’UE pourraient atteindre 180.000 t (à comparer au quota d’importations à droit de douane nul prévu à 70.000 t). L’essentiel des importations ukrainiennes n’arrive pas toutefois directement en France, mais transite par un autre État membre européen. Les poulets y sont découpés, ce qui permet d’afficher une origine « UE ». En tout, au premier trimestre 2022, les expéditions ukrainiennes de poulet vers l’UE ont progressé de 54 % (par rapport à 2021).

« Deuxième mur de l’énergie »

Autre source d’inquiétude pour la filière volailles : la flambée des coûts de production. Les industriels devront faire passer d’ici la fin de l’année des hausses de prix allant de 5 à 7 % en raison de la flambée de l’énergie, a encore annoncé Anvol. Une première estimation qui doit être affinée. La hausse des prix du gaz et de l’électricité affecte surtout les transformateurs, et dans une moindre mesure les éleveurs (l’énergie représente 3,4 % du coût de production d’un poulet). « Certaines espèces [de volailles] annoncent jusqu’à 9 % de hausses », précise Gilles Huttepain. Et de relever que « nos compétiteurs sont dans la même situation ».

« Après le premier mur des matières premières arrive le deuxième mur, celui de l’énergie », résume de son côté Jean-Michel Schaeffer. Dans le cadre des renégociations commerciales liées à la guerre en Ukraine, la filière volailles a déjà fait passer entre 30 et 35 % de hausses de prix aux distributeurs. Entre le premier trimestre 2020 et le premier trimestre 2022, le coût de production d’un poulet a gonflé de 45 % à 50 % (sortie élevage), porté notamment par un quasi-doublement du prix de l’alimentation animale (deux tiers du coût de production).