Visite du président de la FNSEA
71 questions à Arnaud Rousseau

Cédric Michelin
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Mercredi 9 octobre dernier, à l’heure de notre bouclage, Arnaud Rousseau finissait sa tournée entre Saint-Eusèbe, Buxy et Chalon. 150 agriculteurs et viticulteurs lui ont poussé nombre de questions. Voici ses réponses, même si seules toutes les nuances de ses propos méritaient d’être retranscrite. Car du local à l’Europe, les réponses sont toujours teintées de détails parfois incompréhensibles, en dehors de bien maitriser le sujet, à l’image des sections et commissions qui composent le réseau FNSEA. Le tour en 71 questions sans ordre d’importance.

71 questions à Arnaud Rousseau

Vos convictions ?

A.R. : Je veux promouvoir ce métier d’agriculteur qui a du sens, et que tous en vivent, car s’il n’y a pas d’abord des revenus, le reste est se raconter des fariboles.

Comment y parvenir ?

A.R. : Avec la construction des filières, sachant qu’ici la zone élevage n’est pas la même que celle des Bretons, qui n’est pas la même des Vendéens.

De quelle sorte d’agriculture ?

A.R. : Tout le monde a des idées, surtout à Paris, qui aime l’image de la sueur et de la douleur. Ça me fatigue. Le message est : la production Française est de qualité et elle a un prix. Et on n’est pas forcé d’aller gratter le sol avec ses mains.

Dans un marché ouvert ou fermé ?

A.R. : On n’est pas pour la fermeture des frontières, mais pas non plus pour le tout libre-concurrence. On dit non au Mercosur. Par contre, je crains qu’on nous la fasse à l’envers.

Côté urgence sanitaire ?

A.R. : L’État nous dit comprendre l’urgence de la FCO, MHE… mais dit aussi que les caisses sont vides. On veut des PGE avec bonifications.

En élevage, on décapitalise ?

A.R. : En France, la consommation de viandes tire les marchés et pas la même en vins. L’inverse d’ici.

Les marchés ici aussi s’effritent ?

A.R. : Mais il n’y a pas de chute libre, il n’y a plus pléthore d’animaux, mais beaucoup disait qu’à 5€/kg, plus personne n’achèterait de viandes.

En ovins ?

A.R. : C’est une vraie préoccupation avec déjà 50% d’importation et le boisseau des FCO 3 et 8 plus mortelles. On a obtenu une enveloppe de 75 millions d’€. On a besoin de chiffres les pertes directes et indirectes.

Et le pouvoir d’achat des Français ?

A.R. : Le drame du ventre plein. L’alimentation ne doit pas être cher de +10 cts mais aucun problème pour le dernier portable à 1.000 €.

Et pour la simplification ?

A.R. : La simplification administrative ne sera pas simple mais ne coutera rien aux finances publiques et plein de petits ruisseaux font un fleuve.

Et pour les budgets agricoles ?

A.R. : des baisses sont prévues alors que les budgets de l’environnement explosent.

Et pour la Pac ?

A.R. : Je ne sais pas mais ce sera un combat sur le budget et la gouvernance. Mais n’ayez pas honte de toucher ces aides qui sont des subventions à l’alimentation. Tous les grands pays le font : USA, Chine, Brésil…

Où en est le projet de loi d’orientation agricole (PLOA) ?

A.R. : Planté par la dissolution. Et il faudra trouver une majorité avec un gouvernement instable. Tout n’est pas formidable. Il y a des trucs biens pour pondérer l’environnement. On travail sur une loi entreprenariat agricole.

Et pour installer des éleveurs ?

A.R. : Des mesures fiscales et sociales sont dans le PLFSS pour 150 millions d’€, représentant la moitié des minimis, ciblé élevage. Si voté ou 49.3, cette loi de Finances sera opérationnel l’an prochain pour maintenir le cheptel.

Et pour reprendre une ferme familiale ?

A.R. : Le Dutreil agricole n’est pas totalement calé.

Et l'assouplissement des conditions bancaires ?

A.R. : Le niveau de risque de défaillance est très faible comparativement. Et le taux d’encours agricoles n’est que de 6-7% même au Crédit Agricole. Vous pouvez négocier des conditions avantageuses.

Les coopératives paient moins que les privés ?

A.R. : Cela dépend des choix d’entreprises. J’entends que des coops peuvent déconner. Mais je n’oppose pas les modèles. Et si vous n’êtes pas bien dans une coop, vous pouvez en partir. Après, le modèle coopératif a d’autres valeurs.

Et pour la séparation conseil/ventes sur les pesticides ?

A.R. : On veut un projet de loi pour mettre fin au conseil stratégique obligatoire. Et pour la séparation, cela coûte une fortune sans avoir fait la preuve d’amélioration. Mais le Président de la République ne veut pas faire marche arrière. On passera par le Sénat.

Les charges augmentent, que faire ?

A.R. : Cela baisse un poil mais le vrai sujet est le matériel. On adore la ferraille et on préfère payer pour défiscaliser. Mais cela devient déraisonnable avec 35 % de matériels de plus que les Allemands. On tape dans la butte avec Axema, avec le distinguo des tractoristes avec une envolée à 1.000€ le cheval pour le haut de gamme et 70€/h de mécano

Comment faire ?

A.R. : Même en Cuma, les coûts ne sont plus sous contrôle avec la restructuration des concessionnaires. Après, ce sont des choix individuels ou collectifs mais on ne pousse pas au suramortissement.

Tout le monde se sert sur notre dos ?

A.R. : Si vous pensez au GDS, et je mets avec les Fredons sur le sanitaire par exemple, des réflexions nationales pour répartir les charges. Il y a moins de paysans et beaucoup de structures. Mais avec le sanitaire, il vaut mieux garder les savoirs.

Et pour la MSA ?

A.R. : Beaucoup ne savent pas ce qu’il y a dans les cotisations et il faudra bien payé les cotisations vieillesses, maladies… Ce sera pareil dans le régime général. Après une bonne année, c’est mécanique, 18 mois après. Mais la démographie fait qu’on a un régime à l’envers avec 0,18 actif par retraité.

Comment lisser la fiscalité ?

A.R. : Au lieu d’être rincé en année N-1, N-2 ou même N, on demande de réintégrer des critères sanitaires et climatiques – les deux cette année par exemple – dans la dotation amortissement provision (DAP) pour 30 %.

Et la contractualisation EGAlim ?

A.R. : ce n’est pas Byzance mais on ne pas dire non plus que cela à soulever les foules en élevage allaitant.

Des prix administrés minimum ?

A.R. : Cela ne fonctionne même pas dans des pays fermés.

Les manif’ n’ont servi à rien ?

A.R. : Je ne vais pas vous vendre du rêve mais ce n’est pas vrai que rien n’a bougé (GNR, mesures fiscales…)

Qu’en est-ce qu’on ressort en manif’ ?

A.R. : On prendra la décision début novembre après avoir vu les mesures votées dans le PLFSS. Ce n’est pas mûr partout, les vignerons du Sud sont chaud, pas ceux qui font les maïs/ensilages…

Et si on n’épand plus les boues d’épuration des villes ?

A.R. : Il y aura toujours un agriculteur qui pompera les boues pour ses terres.

L’agribashing ?

A.R. : Ras le bol des donneurs de leçon. Nos adversaires de l’écologie politique veulent renaturé, avec des loups, ours… Et on a des militants à l’OFB. Si certains font bien leur boulot, les militants n’ont pas leur place dans la fonction publique déontologiquement.

Comment faire ?

A.R. : Il faut du courage politique. On a aussi demandé à déconcentrer pour que le Préfet se saisisse des contrôles OFB, qu’on ne voit plus depuis les manif’.

Et pour les loups ?

A.R. : L’espèce est moins protégée et lorsqu’on a une nouvelle méthode de comptage, on voit les hausses de populations. On veut des autorisations de tirs plus rapides. Mais l’objectif n’est pas zéro loup ou que dans les Alpages. Nos adversaires filment et attaquent tous les arrêtés.

Et pour le soja déforestant ?

A.R. : La FNB n’est pas favorable. Cette traçabilité revient entre 50 et 80 €/tonne. Soyons pragmatiques.

Où en sont les clauses miroirs ?

A.R. : On n’est pas des libéraux. On dit que les contraintes en Europe nécessitent des contreparties pour la production. Il n’y a que 3% des produits qui sont contrôlés à l’entrée de l’Europe et 15 % sont non conformes. On ne veut donc pas discuter du Mercosur qui enquille les machines-outils Allemandes à notre détriment.

Et sur la crise en grandes cultures ?

A.R. : On a toujours connu des mauvaises années mais là, on cumule et il y aura toujours quelqu’un pour piquer vos marchés. De là à ouvrir grand les portes de l’Europe dans les accords, non.

Et en viticulture avec les droits de plantation ?

A.R. : La profession est organisée. À Cognac, c’est le choix du syndicat d’appellation qui les a octroyé. Mais là, c’est un plan social violent qui ne dit pas son nom. On voit aussi qu’on est victime des rétorsions Chinoise ou autres, à la moindre crise.

Et pour les phytosanitaires ?

A.R. : Pas d’interdiction sans solution même si on comprend les problèmes de santé. On a inversé la tendance à l’Europe avec l’Anses pour harmoniser. Dès qu’on a changé aussi l’indicateur de traitement pour se caler sur l’Europe, on a vu nos progrès sur les CMR 1 et 2 qui sont à la baisse. Ce qui ne doit pas empêcher de faire mieux avec moins ou avec le biocontrôle. Cela reste des charges.

Et les ZNT ?

A.R. : Là encore, les ONG attaquent les chartes. Mais on a commencé à 150 m de distance. La juridiction suprême, le Conseil d’Etat a tranché. Pourtant, on est tous conscient que 20-30 % des surfaces disparaitraient.

Quid des assurances ?

A.R. : la question est celles du coût et du déclenchement de l’assurance avec aussi des gens qui perdent tout. On est à la croisée des chemins cette année. La sinistralité augmente avec les aléas climatiques. Beaucoup d’agriculteurs vont arrêter de payer. Il y a beaucoup d’argent public et de la Pac, on a la responsabilité de trouver un système viable et abordable.

Et sur la gestion de l’eau ?

A.R. : Il n’y a pas d’agriculture sans eau. Les inondations du Pas-de-Calais ont été rocambolesque. Je mets un billet que si vous mettez un agent de la DDT et un de l’OFB devant un fossé, ils n’auront pas la même lecture de la loi. Beaucoup on une doctrine idéologique. Maintenant qu’elle est au Ministère de l’Environnement, Agnès Pannier-Runacher doit passer à la pratique.

Et demain sur l’agrivoltaïsme ?

A.R. : Priorité au photovoltaïque sur toiture. Après au sol, c’est la liberté d’entreprendre. Plus largement, on ne veut pas que les taxes carbone soient une charge, comme la traçabilité déforestation, et donc on veut savoir qui paie au final.

Et dans 30 ans ?

A.R. : On ne veut pas subir la même désindustrialisation. Si on perd l’appareil productif, on va le payer cher, plus cher. Et exporter n’est pas un gros mot.

Et sur ces investisseurs fonciers qui font faire ?

A.R. : C’est très français de chercher à contourner les lois de tous les côtés. On fera un point d’étape sur la loi Sempastous. Après, il se fait aussi des expérimentations pour des prises de parts sociales, minoritaires et capées dans le temps, pour aider les jeunes au démarrage pour la reprise des capitaux.