Patrimoine
La transhumance des troupeaux reconnue par l'Uneso

Le Comité intergouvernemental de sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (PCI) de l’Unesco, réuni à Kasane (République du Botswana) a validé, mardi 5 décembre, la candidature de « la Transhumance, déplacement saisonnier de troupeaux ».

La transhumance des troupeaux reconnue par l'Uneso
Au pied du Puy-de-Dôme, à la belle saison, les brebis s’élancent sur les pentes du géant endormi. © Mélodie Comte

Cette candidature à l’Unesco était présentée par l’Albanie, Andorre, l’Autriche, la Croatie, la France, la Grèce, l’Italie, le Luxembourg, la Roumanie et l’Espagne, dans le prolongement de la démarche faite en 2019 par l’Italie, la Grèce et l’Autriche. La décision du comité est le résultat d’un travail collectif de longue haleine initié par la France en 2019, par les acteurs du pastoralisme et de l’élevage regroupés au sein d’un comité de pilotage animé par le Collectif des races locales de massif (Coram). Ce comité réunit des représentants de l’État, des organismes agricoles et d’autres acteurs des territoires. En juin 2020, ce comité avait déjà abouti à une inclusion des savoir-faire et des pratiques de la transhumance en France à l’inventaire national du patrimoine culturel imma­tériel. Une première étape couronnée, depuis mardi dernier, par l’inscription au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco. Jean-Luc Chauvel, éleveur en Haute-Loire, coprésident du comité de pilotage au titre du Coram, a été l’une des chevilles ouvrières du dossier. Il revient sur le chemin parcouru : « En 2017, alors que se tenait à Coblence en Allemagne, une rencontre des bergers d’Europe, nous avons lancé l’idée avec l’Espagne, l’Albanie, la Croatie, l’Autriche, l’Italie et la Grèce de déposer un dossier à l’Unesco. Les Italiens avaient déjà enclenché ce type de démarche, mais qui portait sur les chemins de la transhumance. Notre volonté était d’aller plus loin en faisant reconnaître la pratique dans son ensemble ».

Déplacement saisonnier

La transhumance est un déplacement saisonnier de personnes et de leur bétail entre plusieurs régions géographiques ou climatiques. Chaque année, au printemps et à l’automne, des gardiens de trou­peaux, hommes et femmes, organisent le déplacement de milliers d’animaux le long de sentiers pastoraux traditionnels. Ils conduisent les troupeaux à pied ou à cheval avec leurs chiens et, parfois, en compagnie de leur famille. Pratique ancestrale, la transhumance découle d’une connaissance approfondie de l’en­vironnement et implique des pratiques sociales et des rituels relatifs aux soins, à l’élevage et au dressage des animaux ainsi qu’à la gestion des ressources naturelles. Tout un système socio-éco­nomique s’est développé autour de la transhumance, de la gastronomie à l’ar­tisanat local, en passant par les festivités marquant le début et la fin d’une saison. C’est bien cette alliance entre tradition et innovation « ayant un impact bénéfique sur les écosystèmes, préservant les races locales et améliorant la fertilité des sols et la biodiversité », qui a fait mouche auprès du jury. Olivier Maurin, coprésident du comité de pilotage qui élève des brebis laitières basco béarnaises et des porcs gascons dans les Pyrénées aux portes de la vallée d’Aspe, s’en félicite : « C’est un hommage fort rendu par l’Unesco aux éleveurs, bergers et vachers transhumants qui, par leurs pratiques et leur passion pour leur métier, leurs animaux et leur territoire font vivre cette pratique. C’est cet attache­ment qui permet de préserver des filières de qualité basées sur des systèmes d’éle­vage vertueux, d’entretenir les territoires pastoraux et la biodiversité afin de répondre aux exigences sociétales pour une agricul­ture plus durable ».

Et maintenant ?

Dans le cadre de la démarche d’ins­cription au patrimoine culturel immatériel de l’humanité, un plan de sauvegarde et de valorisation de la transhumance a été également élaboré. Il intègre notam­ment une analyse des risques et des menaces pesant sur la continuité de cette pratique. « Ce plan constitue ainsi un programme opérationnel en faveur de la transhumance devant permettre d’insuffler une politique dynamique en faveur de la connaissance, de la promotion, de la valorisation et de la transmission de cet héritage culturel, y compris avec nos homologues d’autres pays grâce à la mise en place de programmes de coopération internationale. S’engager à préserver la transhumance, cela amènera forcément les États à prendre des décisions plus fermes qu’aujourd’hui vis-à-vis notam­ment de la prédation du loup », résume Patrick Escure, éleveur dans le Cantal, représentant de Chambre d’agriculture France au comité de pilotage.

Équilibre entre usagers de la montagne

L’enjeu du classement est également de donner de la visibilité à une pratique certes ancestrale, mais dont le décor, la montagne, n’est plus désormais le seul apanage des éleveurs, vachers et bergers. « Au-delà du folklore, la transhumance est une activité économique à part entière qui procure un équilibre aux éleveurs dans la gestion de leur exploitation », témoigne Laurent Bouscarat, directeur d’Auvergne Estives. Partie prenante du comité de pilo­tage, il voit dans le classement à l’Unesco, une opportunité pour faciliter le dialogue entre tous les usagers de la montagne, éleveurs et touristes en particulier. « On a besoin de montrer que la transhumance et le pastoralisme façonnent les paysages. En ancrant officiellement la pratique, cela va permettre d’asseoir les devoirs et droits de chacun. »

Sophie Chatenet