Méthanisation
Le CO2, co-produit qui commence à être valorisé

Cédric Michelin
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Des agriculteurs-méthaniseurs commencent à valoriser un de leurs co-produits, le CO2. Les débouchés pour le CO2 sont multiples et les perspectives d’absorption par les utilisateurs de CO2 sont vastes. Trois agriculteurs-méthaniseurs du Grand-Est vont bientôt en vendre à une PME utilisatrice. 

Le CO2, co-produit qui commence à être valorisé

Le CO2, cette richesse méconnue. Le gaz carbonique est le plus souvent vu sous son aspect fléau en tant que gaz à effet de serre, grand contributeur au réchauffement climatique. Pourtant, des secteurs entiers de l’économie en ont besoin, et déjà des agriculteurs-méthaniseurs s’organisent pour commercialiser du CO2, a-t-on appris à une table ronde organisée par le cluster Biogaz Vallée à Troyes fin 2023.

Du CO2 presque pur

Le CO2 est, rappelons-le, un coproduit de la production de méthane. Dans une installation de méthanisation, le gaz qui émane des substrats fermentescibles est le biogaz, qui contient du méthane, du CO2, de l’eau et quelques impuretés. Un épurateur sépare le méthane pour l’injecter dans le réseau du gaz et le CO2. Celui-ci est jusque-là rejeté dans l’atmosphère, mais un agriculteur-méthaniseur, Baptiste Dubois, a créé, cette année, avec deux cousins une entreprise de capture et de commercialisation du CO2 issu de son unité de production de méthane. Le gaz carbonique sort de l’épurateur à 98,5 % de pureté, il doit être purifié encore pour atteindre 99,99 % pour respecter les exigences du marché alimentaire. Après, il peut être conditionné et vendu. Les trois cousins sont bientôt prêts : « Dès le mois de mars, nous commencerons à vendre à un brasseur », a-t-il indiqué. Le prix de vente du CO2 varie entre 100 et 150 € la tonne, prix départ unité de méthanisation. Pour Baptiste Dubois, les clients les mieux adaptés aux agriculteurs-méthaniseurs sont les PME agroalimentaires, car elles sont réparties sur le territoire, tout comme les unités de méthanisation.

Va-t-on manquer de CO2 ?

Comment trouver un débouché pour un produit aussi répandu que le gaz carbonique ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, les industries utilisatrices de CO2 n’en trouvent pas toujours sur le marché. « Des ruptures d’approvisionnement ont lieu sur le marché parce que des lignes de production d’ammoniac d’usines d’engrais sont parfois en maintenance ou à l’arrêt », a précisé Baptiste Dubois. « La source de CO2 se tarit. Au lieu de fabriquer l’ammoniac (pour les engrais azotés) dans les usines européennes, des industriels des fertilisants achètent l’ammoniac tout fait en provenance d’Australie ou de pays du Golfe », a complété Pascal Rol, ingénieur d’affaires de biométhane de GRDF pour le Grand Est. « Le CO2, qui était disponible, à prix modéré, devient rare, car la stratégie du secteur des engrais a changé », a-t-il ajouté.

Ces industries qui demandent du CO2

Des industries fort diverses demandent du CO2. À commencer par les serres maraîchères pour doper la croissance des plantes et les abattoirs pour étourdir les volailles. Ensuite les industries agroalimentaires : il faut du gaz carbonique pour gazéifier les boissons et assurer la sécurité sanitaire des barquettes de viande. Citons une production d’algues qui est en train de se développer pour élaborer des substances de biocontrôle. L’industrie du recyclage des déchets de béton a besoin de CO2 pour dissoudre le liant (un projet est en cours actuellement). De même pour les teintureries, pour qu’elles rejettent des eaux de lavage moins basiques. Un nouvel usage apparaît : un appareil attire les moustiques et les asphyxie avec le CO2. Le débouché massif qui arrivera demain sera celui du méthane de synthèse (on combine CO2 et hydrogène) et des carburants de synthèse pour avions et pour le transport maritime. Mais ces fabrications d’hydrocarbures seront réalisées dans de grandes usines, approvisionnées plutôt par des industries qui génèrent du gaz carbonique massivement, comme les usines d’éthanol.