Réaction Jérémy Decerle
Jérémy Decerle : « Pour plus de patriotisme alimentaire »

Jérémy Decerle : « Pour plus de patriotisme alimentaire »
Jérémy Decerle, agriculteur en Saône-et-Loire et eurodéputé. ©MBalfin

Jérémy Decerle eurodéputé depuis juillet 2019, a entre autres participé au chantier de la nouvelle programmation de la Pac dont il se montre plutôt satisfait et dont il tient à défaire certains raccourcis : « Nous avons essayé, et je pense que l’on n’a pas trop mal réussi, à conserver une dimension économique avec un niveau d'aide directe assez stable pour ne pas trop secouer les exploitations. Quand on entend que 80 % des aides vont à 20 % des agriculteurs, ce n'est pas vrai. L'autre aspect de cette Pac, c'est la dimension environnementale que l'on a voulu davantage axer sur des objectifs de résultats et un peu moins sur des objectifs de moyens. » L'eurodéputé évoque les changements en cours sur les conditions d'attribution des aides. « Auparavant elles étaient intégralement indexées sur la surface, dès lors qu'une personne avait un lopin de terre elle pouvait toucher des aides Pac. Nous, nous avons demandé qu’elles soient plutôt conditionnées au travail des agriculteurs. Ça avance et on est train de transformer l'essai. »

Une crise peut en cacher une autre

En réponse aux récentes mobilisations, Jérémy Decerle a ainsi appelé à plus de « patriotisme alimentaire ». Une crise peut en cacher une autre, et derrière la crise agricole, c’est celle de la reconnaissance de toute une profession qu’il dénonce. Questionné sur les réelles marges de manœuvre du gouvernement pour faire appliquer les annonces de Gabriel Attal qui seraient du ressort européen, Jérémy Decerle salue, bon gré malgré, le recours inédit aux préfets pour garantir leur mise en place. Il le concède toutefois volontiers, les règles du jeu à Bruxelles ne sont pas les siennes. Indifférent aux « oppositions stériles entre institutions européennes », l’eurodéputé n’en est pas moins critique à l’encontre de la Commission européenne qu’il juge trop empreinte d’élitisme et déconnectée des réalités. « La problématique vient de la Commission européenne, c’est elle qui écrit les textes. On ne peut pas signer d’une main le Green deal et de l’autre le Mercosur », s’indigne-t-il. Jérémy Decerle le répète, il veut en changer « l’état d’esprit et les règles ».

« Il y a un manque de pragmatisme »

Jérémy Decerle est d'abord un élu au service de la profession, hostile à l’opposition des modèles agricoles. Avec une verve teintée de bon sens paysan, il s’en porte garant, les agriculteurs ont toujours suivi le mouvement, mais trop, c’est trop, s’insurge-t-il face au florilège de normes environnementalistes détachées de pragmatisme. C’est avec le même ton acerbe qu’il s’en prend aux « hurluberlus écologistes » : « Ce sont eux qui nous font du mal. Il y a un manque de pragmatisme. On ne fait pas de la monoculture de maïs pour se faire plaisir. On le fait parce qu'il y a une demande, il y a une économie derrière, des gens et des animaux qui mangent ! » Jérémy Decerle n’a pas hésité à voter contre l’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande. Et de concéder : « je considérais cette fois-ci que l'agriculture n'était pas bien traitée ».

Margaux Balfin