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Concevoir des robots en phase avec les attentes des agriculteurs

Concevoir des robots en phase avec les attentes des agriculteurs
Concepteurs, vendeurs et utilisateurs de robots agricoles ont pu échanger lors lors des Assises internationales de l’autonomie agricole. ©LG

Si le nombre de robots agricoles vendus ne cesse d’augmenter, il convient d’être clair sur leurs capacités, afin de ne pas décevoir les agriculteurs. « Nous devons être conscients des forces et des faiblesses de nos produits pour pouvoir le dire aux acheteurs », estime Ole Green, P.-D.G et fondateur d’Agrointelli. « Au départ, les éleveurs ont par exemple acheté des robots laitiers, dans l’objectif de faire des économies de main-d’œuvre. Ils ont parfois été déçus, car la robotique, c’est une autre façon de travailler. Leur approche sur le terrain doit être différente, et c’est à nous, constructeurs, de le leur dire », estime-t-il. Chuck Baresich, agriculteur en Ontario au Canada et directeur général d’Haggerty AgRobotics abonde dans ce sens. « Certains fabricants font des promesses qu’ils ne pourront jamais tenir. C’est dommage, car des robots sont conçus pour des tâches très spécifiques et il est important de le dire », affirme le céréalier. Dès lors, comment donner envie aux agriculteurs d’acheter un robot ? Que recherchent-ils lorsqu’ils prennent la décision d’investir dans ces nouvelles technologies ?

Des robots rentables

Thomas Beach, P.-D.G. d’Autonomous Agri Solutions au Royaume-Uni, estime que « ce qui est important, c’est la durabilité financière ». « Nous savons que les solutions de désherbage, au laser par exemple, sont des robots très lents. Pour faire en sorte que le retour sur investissement soit convenable, il faut qu’ils soient en action 24 heures sur 24. Les coûts d’acquisition de ces équipements sont énormes. Nous faisons donc fonctionner le robot Robotti d’AgroIntelli dans les champs, et les agriculteurs nous payent à l’hectare. L’objectif, à long terme, est qu’ils soient propriétaires », explique-t-il. La sécurité est un enjeu primordial, tant pour le fabricant que pour l’utilisateur. Mais trop de sécurité peut également nuire au bon fonctionnement et à la rentabilité de cette technologie. C’est le constat unanime porté par les intervenants. « Nous avons fait preuve de prudence à l’excès, car personne ne voulait être le fabricant du robot qui aurait entraîné un accident », reconnaît Ole Green. Chuck Baresich abonde : « Il y a des robots qui sont trop sécurisés. Les concepteurs ont parfois été trop précautionneux au début. Si nous ne pouvons pas laisser le robot en autonomie, quel est son intérêt ? » questionne-t-il. Pour Gaëtan Séverac, co-fondateur de Naïo Technologies : « Le défi est d’arriver à intégrer la sécurité et la simplicité. Il faut que nous gardions à l’esprit que le robot doit pouvoir être utilisé par les agriculteurs. Il ne faut donc pas qu’il s’arrête en permanence ». Toutefois, il faut, selon lui, que le robot soit utilisé pour effectuer la tâche pour laquelle il a été créé. « Nous devons être très clairs avec les agriculteurs, afin qu’ils sachent quand ils peuvent utiliser leur robot, et quand il faut qu’il y ait une supervision ou non. Nous devons dire que notre robot sera sûr et fonctionnel dans telle ou telle situation. » Chuck Baresich reconnaît qu’il y a parfois confusion. « Les robots électriques sont des plateformes très légères. Nous avons alors l’impression qu’ils sont moins dangereux que d’autres machines, car ils ne font pas de bruit. Pour le coup, les agriculteurs ne font pas toujours aussi attention qu’ils le devraient, car la dangerosité d’une machine ne se mesure pas au bruit qu’elle fait. »

De plus grandes attentes

Dire à des agriculteurs qu’il va falloir qu’ils se forment pour pouvoir utiliser ces robots peut les dissuader d’investir. Dès lors, les robots sont-ils réellement faciles d’accès ? Chuck Baresich relativise. « Si l’on ne sait pas se servir d’un tracteur, c’est difficile. Puis, on s’habitue à une marque. Et lorsqu’on change de marque, il faut s’habituer à nouveau au fonctionnement de la nouvelle. C’est exactement pareil en robotique. Mais une fois que l’on a compris, cela n’a rien de difficile. Même si les nouvelles technologies peuvent être compliquées à appréhender pour certaines personnes », admet-il.  « Les robots répondent entre 80 et 90 % de mes attentes. Il y a parfois des curiosités. Nous avons eu par exemple un robot beaucoup trop grand, ou un autre qui n’avait pas de crochet. Nous ne pouvions donc pas le monter sur une remorque. Ce sont surtout des petites choses auxquelles le concepteur n’a pas pensé qui posent un problème. » D’autant que les agriculteurs ont souvent des attentes plus fortes pour ces nouvelles technologies. Acheter un robot agricole est un investissement important pour les agriculteurs, et ce d’autant plus que cela leur demande de revoir leur façon de travailler. Mais fabricants comme utilisateurs semblent bien conscients des enjeux qu’il reste à relever, pour continuer le développement de ce secteur au service de l’environnement et des agriculteurs. 

Louise Gal