Cru Saint-Véran
Une vraie dynamique collective

Cédric Michelin
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Le 2 avril à la cave de Prissé au soir, le cru saint-véran se réunissait. Des demandes de modification de cahier des charges ont été adoptées. Trois cépages accessoires pourraient faire leur entrée après approbation par l’Inao. En même temps que la reconnaissance des premiers crus ?

Une vraie dynamique collective

Sans plus tarder, le président de l’ODG, Vincent Nectoux livrait son rapport moral « après avoir pris la succession de Kevin (Tessieux) en juillet 2023 », qu’il remerciait chaleureusement d’avoir officié pendant 8 ans à la tête du cru, avec trois gros dossiers sur son podium qui ont « créé une vraie dynamique collective » : la grande Saint-Vincent tournante, les 50 ans du cru et le lancement du dossier du classement en premiers crus. D’ailleurs, l’Inao en personne félicite le cru, car la « base de données va servir de base de travail » même à l’Institut national de l’origine et de la qualité. Pour autant, Vincent Nectoux appelait à ne pas relâcher les efforts. Et ce, même si la récolte 2023 est « confortable et généreuse ». Simon Ravaud présentait les chiffres clés de la récolte 2023. Avec 732 ha revendiqués (-4 ha), la production grimpe à 46.353 hl, contre 43.977 hl en 2022 et même 25.354 hl en 2021, victime du gel. En 2023, pas d’aléa majeur permettant un beau rendement de 63 hl/ha en moyenne avec des volumes de VCI chez beaucoup.

Pour la commission technique, Stéphane Martin revenait ensuite sur la lutte contre la flavescence dorée. Votée en assemblée générale, une résolution demande à « essayer la prospection individuelle sur la commune de Davayé ». Une proposition qui sera portée par la CAVB auprès des services sanitaires de l’État (Sral, préfecture de région…). Une telle expérimentation a déjà été autorisée sur les communes de Prissé et Chasselas. L’objectif étant de repérer les pieds infectés sans attendre pour les arracher et limiter si possible les traitements insecticides en contrepartie. D’ailleurs, toujours sur Davayé, la demande est faite de passer à « zéro traitement ». « Il faut maintenir la prospection pour obtenir zéro traitement », insistait Stéphane Martin, qui sait qu’un foyer sévit malheureusement au Sud de la Saône-et-Loire, autour de Saint-Amour. Comme l’avait expliqué plus tôt Vincent Nectoux, plus (trop) le choix aujourd’hui, « on se partage l’espace avec des associations et des riverains. Il nous faut garder une belle image », sans non plus tombé dans l’angélisme béat.

Trois cépages accessoires

Avec le durcissement des règlements et normes environnementales, les distances de sécurité pour les personnes présentes au moment du traitement et les résidents (DSPPR, ex-Zones de non-traitement riverains) sont sous la vigilance des collectifs. Ces derniers ne cherchant pas à comprendre si la maladie de la flavescence dorée est une maladie de quarantaine pour la vigne avec lutte obligatoire décrétée par le préfet pour éviter la contamination mortelle. C’est pourquoi, la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne travaille avec le reste de la profession sur les cépages résistants (lire aussi en page HH). Mais aussi « en vue d’adaptation climatique », rajoutait Véronique Lacharme, technicienne CAVB.

Le cru saint-véran a voté l’intégration dans son cahier des charges de cépages accessoires « connus et Bourguignons » déjà pour l’heure : le pinot blanc, le pinot gris et l’aligoté. Ces cépages se retrouvent ainsi autorisés en AOC bourgogne, mâcon et viré-clessé. De quoi permettre de continuer les replis en respectant la hiérarchie des vins de Bourgogne. Des pourcentages seront définis pour les assemblages, mais l’idée est, par exemple avec l’aligoté, « de ramener de la fraîcheur à nos vins blancs sans en modifier la trame » organoleptique. Une possibilité ouverte que chacun pourra choisir ou non dans son parcellaire et son chai. « Du nord au sud, on a une diversité de producteurs qui ont forcément des visions différentes. On doit trouver des équilibres sur tous les dossiers », avait expliqué philosophe Vincent Nectoux. Le vote le prouvait avec 31 pour et 25 contre ces cépages accessoires. L’histoire ne disant pas si c’est contre les cépages ou le pourcentage autorisé en assemblage. L’Inao devra trancher maintenant.

Fin du Climat côte-rôtie

Point de philosophie en revanche sur le dossier opposant « six vignerons assignés » par l’AOC côte-rôtie dans le Rhône voisin. En effet, en novembre 2023, s’est soldé ce dossier qui empoisonne le lieu-dit côte-rôtie, ainsi dénommé sur le cadastre officiel, sur la commune de Davayé. Malgré la différence de cépage évident (syrah en rouge ; chardonnay en blanc), les vignerons de l’AOC de la vallée du Rhône ont eu gain de cause. L’Inao a jugé que les vignerons bourguignons ne pourront plus utiliser le nom de ce Climat. Après avoir contracté un emprunt auprès de la CAVB qui a assuré la défense, l’heure est venue de payer. Et la facture s’élève à 25.639 € « divisés par trois », en fonction de parts au prorata des préjudices subis quelque part, pour rester dans l’esprit de la défense collective telle que définie dans les statuts de l’ODG. « On a abouti pourtant à une conciliation pour éviter le passage au tribunal. Il n’y a pas de gagnants, pas de perdants. Mais on a perdu le droit d’utiliser ce nom de lieu-dit », ce qui questionnait la salle sur la notion à l’Inao de « revendication des terroirs » par rapport aux droits des marques. Quelles soient ici collective ou privée puisqu’à l’inverse, l’ODG saint-véran (avec le BIVB et Inao) porte un dossier contre un « producteur italien de spiritueux » qui « usurpe » le nom saint-véran, qui est lui protégé par son AOP au niveau Européen. Ces deux dossiers expliquent presque à eux deux pourquoi l’ODG enregistre un « déficit de 18 k€ » sur l’exercice clos et doit augmenter ses cotisations à l’hectare.

Restrictifs pas excessifs 1ers crus

Car l’ODG veut continuer de promouvoir son appellation, surtout « dans un contexte d’inflation et économique pouvant avoir d’importantes répercussions en France et sur nos marchés exports » (lire encadré). Il faudra donc valoriser la jolie BD « pédagogique » des Fondus du vin réalisé par Bamboo ou continuer d’être présents lors des événements tels que les Grands jours de Bourgogne, la Fête des Grands vins à Beaune… « On veut reconstituer notre trésorerie pour continuer nos événements promotionnels et on vous proposera des choses très intéressantes », annonçait Vincent Nectoux, sans dévoiler « les projets communs avec d’autres ODG ».

Ce qui était dévoilé en revanche, c’était l’avancée du dossier 1er cru. « Ça recommence à bouger », motivait Pierre Beaubernard, responsable de cette commission à l’ODG. Commencé en 2010, la fin d’année 2023 a vu plusieurs réunions s’enchaîner : Avec les producteurs, avec l’Inao, pour lister deux responsables vignerons par village, avec des retours de courriers à l’Inao… répondant aux demandes de l’Inao justement. Est-ce le début de la dernière phase ? L’Inao demande de « remettre à jour avec un argumentaire et des données chiffrées » sur la seule période 2017-2022. L’ODG veut y voir un signe positif et va débuter des réunions pour « réfléchir au futur cahier des charges des 1ers crus ». Ce qui amenait une réflexion à l’hôte des lieux, le président de la cave des Terres Secrètes, Michel Barraud : « c’est à l’ODG de choisir ce qu’il s’applique ou pas. Attention, à la course à l’échalote. Il n’y a pas d’obligations de s’infliger des conditions plus restrictives, voire excessives », en comparaison des premiers crus voisins ou en cours, du côté des trois ODG pouilly. Le président du cru, Vincent Nectoux rassurait : « on évitera au maximum les pièges tendus pour avancer sur ce qu’on veut », concluait-il en remerciant l’assemblée et tous les participants aux travaux.