Rapport Cyclope
La Chine, chef d’orchestre indétrônable

Alors que la Chine s’impose sur tous les marchés agricoles, la mise en place de la nouvelle réforme de la Pac 2023/2027 pourrait affaiblir les capacités d’exportation de l’Union européenne et l’isoler.

La Chine, chef d’orchestre indétrônable

La Chine est le premier pays importateur de céréales au monde. L’empire du Milieu a acheté 51 millions de tonnes (Mt) de grains (blé, maïs, orges, sorgho etc.) durant la campagne 2020/2021. Et d’après le Conseil international des céréales (CIC), il s’apprête à en acheter au moins 43 Mt durant la prochaine campagne. Pour la suite, « il est impossible de savoir si la hausse vertigineuse des importations chinoises de céréales vise seulement à reconstituer des stocks et à nourrir le cheptel porcin en pleine croissance où si cette hausse est l’amorce d’un mouvement de fond », a déclaré Philippe Chalmin, coordinateur de l’édition du Cyclope 2021 « les marchés mondiaux ». Dans ce dernier cas de figure, les millions de tonnes de céréales importées en plus en Chine s’ajouteraient aux 100 Mt de graines de soja et aux quantités d’oléagineux déjà achetées chaque année.

Pour 2021/2022, la question de l’approvisionnement des marchés agricoles ne se pose pas. On se dirige de nouveau vers une production record de grains estimée à 2.164 Mt, selon le CIC, en hausse de 50 Mt sur un an. Mais si la Chine accroît ses importations les années suivantes, elle ne manquera pas d’influencer les déroulements des campagnes commerciales et faire pression sur les prix.

Or, l’Union européenne pourrait alors ne plus être un acteur majeur sur les marchés céréaliers. « Une étude – peut-être un peu orientée puisqu’elle émane du ministère de l’Agriculture américain (USDA) – estime que la mise ne place de la Pac et de la stratégie de la fourche à la fourchette de la Commission européenne entraînerait une baisse de 12 % de la production agricole européenne avec 48 % de diminution pour la production céréalière, 60 % pour les oléagineux, 20 % pour le sucre… », déplore Philippe Chalmin.

Pas à l’abri d’une nouvelle épidémie 

En 2021, l’empire du Milieu « qui représente désormais le quart de la consommation mondiale de viandes, est déterminant dans les équilibres futurs du marché mondial des viandes », analyse Jean-Paul Simier, contributeur du Cyclope 2021.  « La Chine restera fortement acheteuse de viandes car son économie repart fortement ». En fait, elle cherche toujours à combler son déficit en viandes porcine, ovine, bovine et de volailles.

Toutefois, la production mondiale de viande bovine reculera en 2021 notamment en Australie, en Inde et aux Etats-Unis. Sur le marché du porc, seuls les pays indemnes de peste porcine pourront approvisionner le marché chinois. À ce jour, seul le continent américain est dans ce cas. Mais si l’épidémie de peste se répand en Europe, la Chine se détournera du marché des Vingt-sept et les cours du porc s’effondreront. Le marché mondial de la viande ovine sera aussi piloté par la demande chinoise. Mais comme la Nouvelle-Zélande et l’Australie approvisionneront l’empire du Milieu, l’Union européenne n’aura pas à craindre la concurrence océanienne sur son marché intérieur.

La hausse des prix des céréales et des oléoprotéagineux pourrait freiner l’expansion de la production mondiale de volailles. Toutefois, « portée par la nouvelle demande asiatique et surtout chinoise, elle continuerait à croître », défend Jean-Paul Simier.

539 Mt (+ 7 Mt sur un an) de lait seraient produites dans le monde en 2021. La moitié de la croissance de la collecte sera réalisée dans cinq pays exportateurs et dans l’Union européenne à Vingt-sept (158,1 Mt ; +0,6 Mt essentiellement en Irlande). « La crise sanitaire devrait continuer à peser sur les filières laitières en 2021, notamment sur les différents débouchés », assure Jean-Paul Simier. Or la conjoncture des prix en 2020 a été favorable. Les effectifs des troupeaux croissent aux États-Unis et les rendements en lait progressent. En Argentine et en Océanie, le retour des précipitations a stimulé la production de fourrages.