Agrisolidarité
Conjurer le mal-être sous toutes ses formes

Cédric MICHELIN
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Le 6 juillet, dans les locaux de la MSA Bourgogne à Mâcon se tenait l’assemblée générale de l’association Agrisolidarité. MSA, Chambre d’Agriculture et Conseil Départemental, entre autres, se sont attelés de longue date aux différentes formes de « mal-être » en agriculture. Le Covid-19 et son lot de problèmes ont nécessité une attention de tous les instants. La Saône-et-Loire a même inspiré une mission sénatoriale, à l’origine de future prise en charge certainement.

Conjurer le mal-être sous toutes ses formes

Pour le président d’Agrisolidarité, Jean-Charles Blanchard, la « période est toujours incertaine », lui qui faisait le bilan 2021. Et malheureusement, le « mal-être » n’est pas que lié à des difficultés d’actualités. Agrisolidarité qui met tout en œuvre pour « soulager les agriculteurs en difficulté » a « senti un repli et un isolement » accru par le Covid, bien que moindre en 2021 qu’en 2020. Les bénévoles de l’association et les salariés ont œuvré pour éviter toute dégradation des situations, favoriser un retour à l’autonomie des personnes ou encore soutenu et valoriser les initiatives locales. Car là est bien le cœur du dispositif, la proximité sur le terrain pour repérer, tendre la main et aider ces personnes qui vivent une mauvaise passe.
Le rapport des sénateurs Férat-Cabanel a d’ailleurs souligné nombre de points que travaille Agrisolidarité au quotidien, à commencer par la nécessité « d’une prise de conscience de son mal-être » qui, fort naturellement, « déclenche une prise en compte des difficultés » et une « bienveillance ». Il n’est pas ici question de pitié mais d’une « juste reconnaissance » de la part de femmes et hommes formés à ces problématiques. Jean-Charles Blanchard lançait d’ailleurs un appel aux bonnes âmes pour venir renforcer le maillage des « sentinelles » (lire dans notre prochaine édition). « Les difficultés sont toujours plus nombreuses et complexes, qui vont de pair avec la complexité s’amplifiant de la profession », ne jetait-il pas la pierre, sauf éventuellement à l’administration. Pourtant, les services du Préfet sont conscients et ont mis en place une « cellule mal-être » qui sera le pendant des « cellules Réagir » créées au niveau national et regroupant les associations existantes un peu partout. L’objectif étant de partager « une même vision » de « solidarité ».

Identifier et signaler tôt

Mais qu’est-ce qui fait ou provoque ce mal-être au juste ? Difficile de répondre bien qu’Agrisolidarité cherche à toujours plus identifier des critères d’alerte. Si l’empathie des proches est le premier réseau, côté organisations agricoles, forcément plus facilement quantifiable, le facteur économique et financier des exploitations peut être un signe avant-coureur de ces mêmes problèmes humains. Dès lors, la période inflationniste fait craindre « une augmentation des charges, des trésoreries trop justes… ». Dès lors, une goutte de trop peut venir faire déborder le vase à l’image de « la catastrophe de la grêle dans le Charolais touchant les maisons d’habitations et les bâtiments pour loger les animaux l’hiver ». Agrisolidarité comme le reste de la profession et des services de l’État est sur le pied de guerre pour apporter des solutions, compliquées par le manque de matériaux et d’artisans.

Implications familiales en chaîne

Le Charollais était déjà l’arrondissement « qui sollicite le plus » Agrisolidarité historiquement. De manière générale, ce sont les éleveurs allaitants qui sont « sur représentés » chaque année, proportionnellement parlant, devant les viticulteurs et les laitiers. Les céréaliers sont ceux faisant le moins appel à Agrisolidarité.
Dans le portrait-robot que tentait de dresser le technicien d’Agrisolidarité, Florent Cottin, il n’y en a pas vraiment en réalité. Agrisolidarité intervient auprès de celles et ceux « trop loin de la retraite ou qui ont un démarrage d’activité sans réel rythme de croisière » à 64 % des gens donc entre 35 et 65 ans. Si un tiers est seul sans enfant, la "solitude" n’est pas le seul facteur puisque 59 % vivent en couple, dont la moitié a des enfants à charge. Ce qui n’empêche des « liens » évident entre mal-être et « implications familiales » en cascade sur une exploitation.
Dans ce large éventail, 60 sont installés depuis plus de 14 ans, 91 % ne sont plus jeunes installés (reste donc 9 % d’installés) posant la question des engagements financiers trop lourds peut être. 87 % sont en comptabilité réelle. Les comptables sont souvent aux avant-postes du « mal-être » économique déjà et d’ailleurs 80 % des accompagnés par Agrisolidarité sont « endettés à plus de 50 % et 80 % ont un ratio annuité/EBE supérieur à 50 % ». Au final, 60 % des personnes accompagnées par Agrisolidarité ont un « revenu disponible inférieur ou égal à 0 ».

Briser des tabous

Illustration parfaite de personnes perdant pied progressivement ou brutalement, « 71 % des personnes contactées ne touchent pas le RSA, pour diverses raisons, alors que pourtant ils sont parfois éligibles ». C’est là le véritable travail d’Agrisolidarité, trouver des solutions et aussi briser des tabous. L’association accompagne les personnes jusqu’à trois ans de suite (une année renouvelable deux fois si besoin). En 2021, 56 nouvelles personnes ont été contactées et 29 accompagnées. Dès lors, un suivi précis s’enclenche. Pour près de 40 %, l’accompagnement prend fin car l’exploitant n’en a plus besoin. Soit, car la situation s’est améliorée (pour 13 %), soit, car l’urgence est passée, bien que souvent la fragilité demeure (pour 27 %). Dans ce cas, le besoin d’aide peut souvent ressurgir au prochain aléa.
Le redressement judiciaire ne concerne que 10 % des accompagnés. Il n’est pas un tabou et peut permettre - in fine - un réétalement massif des dettes de l’exploitation. Un rendez-vous gratuit d’information à ce sujet est possible pour toute personne intéressée.
Enfin, un quart des exploitants choisissent de cesser leur activité au terme de l’accompagnement et il faut bien le dire, très souvent pour mieux refaire leur vie. Chacun doit faire sienne, la citation de Mandela : « Dans la vie, je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends ».

Autres activités réalisées

- Décembre 2020 : Sortie du Rapport Damaisin qui cite en exemple Agrisolidarité pour ses dispositifs locaux agricoles d’information et d’accompagnement en Saône-et-Loire.
- Février 2021 : Accueil de la mission sénatoriale à Jalogny en présence des sénateurs Françoise Ferrat et Henri Cabanel avec la participation de la Chambre d’Agriculture, d’Agrisolidarité et de la MSA Bourgogne.
- Courant 2021 : Reconduction des conventions signées avec les barreaux de Mâcon et Chalon en 2020 afin de proposer aux exploitants un premier rendez-vous gratuit avec un avocat sélectionné par le barreau en fonction de leur situation.
- Mai 2021 : Organisation et animation d’une réunion régionale sur l’accompagnement
des agriculteurs fragilisés avec les Chambres du Jura, Nièvre, Côte d’Or, Yonne, Doubs, Territoires de Belfort.
- Renforcement de l’équipe d’Agrisolidarité avec 4 conseillers polyvalents.
- Participation aux dix cellules animées par la DDT en présence de l’EDE, de la MSA, du
GDS, de la DDPP, des cabinets comptables CER, ASBFC et Fogex, et de solidarité paysans.
- Après-midi d’information à Buxy le 20 septembre en présence d’une cinquantaine de
personnes ;
- Formation de trois jours sur le changement et la reconversion en octobre et novembre (12 stagiaires).
- Appui au montage de dossiers d’aides AREA (Aide à la Relance des Exploitations Agricoles). Présentation et validations des premiers dossiers.

 

Contact

Florent COTTIN : 06-72-97-07-19