Lundi 14 septembre à Vaudebarrier sous une chaleur caniculaire, le Conseil départemental de Saône-et-Loire a annoncé une nouvelle série d’aides pour lutter contre les sécheresses à répétition. Bien que destinées à tous, ces annonces visent plus particulièrement les agriculteurs en première ligne du changement climatique.

Jusqu’à 48.000 € d’aide !

Même si désormais les Départements n’ont plus la compétence "agricole" (missions confiées aux Régions depuis la loi NOTRe en 2015), le Conseil départemental de Saône-et-Loire ne compte pas laisser tomber ses agriculteurs ni ses viticulteurs face au changement climatique. Conscient de l’interminable sécheresse 2020, rendez-vous était donc donné sur l’exploitation de Benoît Bernigaud à Vaudebarrier pour clairement le signifier. Depuis mi juin, Benoît roule de l’eau toutes les semaines pour abreuver ses bêtes. Ce jeune agriculteur est à la tête d’une exploitation passée de 120 vaches à veaux à 70, restructurée avec un atelier de 30 brebis et visant une plus grande autonomie sur ses 140 ha de terres et de prés. Du travail en plus donc et surtout de l’argent en moins puisque devant notamment prendre régulièrement sur le réseau adduction d’eau potable, depuis que de nombreuses sources se sont taries.

Réflexion globale

Il s’agit en réalité de la troisième année de sécheresse consécutive. Dès 2018, le Conseil départemental avait voté un plan Sécheresse - sous forme de prêts d’honneur à taux zéro - qui avait aidé environ 1.300 exploitations pour un montant total de 13 millions d’euros. En 2019, le remboursement des échéances avait été repoussé d’un an. « Nous proposerons cette possibilité de repousser encore d’un an les annuités pour ceux encore en difficulté, non de façon généralisée mais sur la base du volontariat », annonçait André Accary, président du Conseil départemental. Plus largement, le Département participe aussi aux réflexions sur le « fonctionnement global des exploitations » en lien avec la Région Bourgogne Franche-Comté pour des investissements à plus long terme.

80 % de 60.000 €

Car si ces mesures d’urgence sont salutaires et répondent à un besoin « concret pour acheter des aliments et nourrir son bétail », cela ne résolvait pas ce problème d’eau. « Il faut surtout que les exploitations agricoles soient plus autonomes en eau et puisent moins sur le réseau, pour diminuer leurs factures et charges », analysait Frédéric Brochot, vice-président en charge de l’Agriculture. Le Département va donc financer des réserves d’eau à 80 % avec un plafond de 60.000 € par dossier agricole. Il s’agit uniquement de systèmes de récupération d’eau pluviale. Pour les particuliers, la prime de 500 € sera doublée à 1.000 € donc (lire aussi encadré). « On est vraiment dans le cadre du plan Environnement voté en juin 2020 et dans sa déclinaison concrète », expliquait André Accary. Pour lui, les dossiers seront simples à remplir pour une plus grande efficacité. Pour l’heure, l’enveloppe allouée au total est de 1 million d’€ pour soutenir ces investissements « mais on pourra voir plus tard comment décliner » si plus de besoins se faisaient ressentir. L’objectif est d’aller vite pour équiper un maximum d’exploitations d’ici la fin de l’année afin de profiter des pluies hivernales pour remplir les citernes souples ou autres cuves.

Garantir un minimum

Car il faut le rappeler, de sécheresse, il n’est pas encore vraiment question à proprement parler mais plus d’un « décalage des pluies, abondantes en hiver parfois et lors d’orages, avec de longues pauses entre ». En agriculture, le mauvais temps est celui qui dure, a-t-on coutume de dire. Il faut donc se montrer « pragmatique » et stocker plus l’eau de pluie : à l’heure actuelle, « à peine 2 % peut-être » de ce qui tombe du ciel. André Accary espère aussi voir d’autres collectivités emboîter le pas du Département. « L’idée derrière est de voir ce type d’initiative portée sur l’ensemble des territoires », mentionnant d’autres études et projets notamment du côté des Communautés de communes. La chambre d’agriculture et les organisations professionnelles du département y travaillent aussi, comme le confirmait Jean-Jacques Lahaye. « Merci au Département pour avoir trouvé une part de la solution pour nous permettre de faire des réserves d’eau », débutait l’éleveur de Neuvy-Grandchamps. Mais il prévenait que le combat contre le changement climatique ne fait que commencer : « au-delà, nous devons aller vers plus d’autonomie pour nos élevages qui manquent aussi de fourrage, introuvable aujourd’hui. Il faut un minimum d’eau et de fibres pour garantir un minimum de production », rappelait-il (lire aussi en page 2). La décennie à venir va donc être celle de tous les défis : du renouvellement des générations à l’adaptation au changement climatique.

Circuits courts, incendies... et autres enjeux de société

« Ce dispositif est destiné aux éleveurs, aux céréaliers, aux viticulteurs… et aussi aux maraîchers car nous avons identifié que l’eau pouvait constituer un frein à l’installation », insistait Frédéric Brochot. Une situation qui fait de cette filière, « un vrai point faible en Saône-et-Loire » pour le développement des filières courtes, notamment pour approvisionner en légumes les collèges, prenait-il pour exemple.
Par le passé, le Département a déjà financé des réserves d’eau mais dans un autre cadre, celui de la lutte contre les incendies. Le Département a équipé en citerne souple les pompiers pour avoir des réserves d’eau dans les zones sans réseau d’eau.
Enfin, comme le rappelait la conseillère départementale, Josiane Corneloup, « un particulier consomme jusqu’à 150 l d’eau en moyenne par jour. Si l’on peut utiliser l’eau de pluie ne serait-ce que pour la moitié des usages, ce serait une énorme économie. L’impact de la récupération de l’eau est un véritable enjeu de société et pas seulement pour les agriculteurs ».