RURALITÉ
Commerces et services : Comment se portent les communes rurales ?

Entre le mythe d'un eldorado et celle d'une zone laissée à l'abandon, dépourvue de commerces, de services et de lien social, quelle est la réalité de la vie à la campagne aujourd'hui ? Éléments de réponse.

Commerces et services : Comment se portent les communes rurales ?
Le nombre de débits de boissons est passé de 45 000 en 2011 à 35 000 en 2018, selon la Française des jeux. ©Pixabay

En France, les communes rurales sont largement majoritaires puisqu'elles représentent 88 % des municipalités et concentrent entre un quart et un tiers de la population française. Toutefois, cette proportion aurait tendance à diminuer. En effet, selon la Banque mondiale qui utilise d'autres critères de définition, la part de la population rurale en France serait passée de 22,6 % en 2006 à 19 % en 2020. Un déclin que l'on retrouve également dans les perceptions. En effet, une étude de l'Ifop publiée en 2018 pour Familles rurales relève que 59 % des Français estiment que le monde rural est « en déclin ». En cause ? Un sentiment d'abandon ressenti par 51 % des ruraux. 58 % d'entre eux considèrent en effet que la situation en matière d’accès aux services publics s’est dégradée au cours des dernières années en milieu rural et 59 % partagent cette opinion concernant les commerces de proximité.

L’accès au commerce de proximité

Si l'accès aux commerces et services semble jouer un rôle primordial dans le dynamisme des zones d'habitation, une étude de 2021 réalisée par l’Insee en Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) est révélatrice des inégalités entre villes et campagnes en la matière. Alors que la situation de la région semble similaire à la moyenne nationale (avec 35 % de population rurale), celle-ci révèle qu'alors que 86 % des urbains d'Aura accèdent aux équipements du « panier de la vie courante » 1 en moins de quatre minutes, les ruraux sont seulement 18 % dans ce cas. Et la situation ne semble pas s'améliorer. En effet, selon l'Insee toujours, la part des communes françaises ne disposant plus d’aucun commerce de proximité est passée de 25 % en 1980 à 59 % en 2017. Sous-dotés en commerces et services, les habitants des campagnes doivent souvent s'éloigner pour aller faire leurs courses, boire un café, manger au restaurant, trouver un bureau de poste et a fortiori accéder à un lieu de culture, laissant des villages entiers dénués de ces lieux de rencontre.

Les commerces alimentaires résistent mieux

Pour comprendre l'ampleur de la désertification des campagnes, un chercheur a observé la densité de commerces rapportée à la population. Résultat : les communes rurales comptent en moyenne 28 magasins pour 10 000 habitants contre 63 magasins pour 10 000 habitants dans les communes urbaines2. Toutefois, note Corentin Trieven : « L’écart rural-urbain est moins prononcé dans certains secteurs de l’alimentaire. Les boulangeries, les petites surfaces alimentaires, les boucheries et charcuteries sont aussi nombreuses à la campagne qu’en ville, au prorata de la population ». On trouve également une densité correcte de pharmacies à la campagne, notamment grâce à la réglementation qui régit l'implantation des officines en fonction de la population. À l’inverse, le secteur des équipements à la personne est particulièrement concerné par les inégalités ville/campagne. Les cafés connaîtraient également un net recul, puisque le nombre de débits de boissons est passé de 45 000 en 2011 à 35 000 en 2018, selon la Française des jeux. Les bureaux de tabac sont eux aussi durement touchés, passant de 35 000 en 2002 à 22 000 en 2020, d’après la Confédération des buralistes. Tout comme les bureaux de poste, de plus en plus rares dans les villages (9 300 en 2015 et 7500 en 2020).

L’influence urbaine

Si les campagnes font face à un déclin massif de leurs commerces et services de proximité, les situations ne sont pas les mêmes partout. En effet, la proximité d'une ville conditionne fortement le niveau d'équipement d'une commune. « Les communes rurales périurbaines regroupent plus des quatre cinquièmes de la population rurale. Elles sont aussi les moins bien équipées en commerces avec 22 points de vente pour 10 000 habitants, contre 55 dans les communes rurales hors de l’influence d’une ville », nuance ainsi Corentin Trevien. Avant de détailler : « Le nombre de points de vente par habitant est similaire dans les communes urbaines et dans ces communes rurales les plus éloignées des villes. À l’inverse, dans les communes rurales périurbaines, le nombre de magasins par habitant est très inférieur à celui des communes urbaines… » La raison ? Les ruraux travaillant en ville auraient également tendance à y faire leurs achats, rendant inutile l'implantation d'un certain nombre de commerces dans leurs communes d'habitation. Au risque, cependant, de voir se créer des villages dortoirs.

Leïla Piazza

 

1 « Le panier de la vie courante » regroupe des commerces (boulangeries, supermarchés…), des établissements d’enseignement (écoles, collèges, lycées), des services de soins de première nécessité, des services pour les personnes âgées ou les jeunes enfants.
2 Corentin Trieven, « Commerces et inégalités territoriales » dans l'Étude de l'Insee, « Les entreprises en France » 2017.