Caroline et Nicolas Glorieux à Gibles
La chèvre de A à Z… et au-delà

Françoise Thomas
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Caroline et Nicolas Glorieux représentent l’un des nouveaux visages de l’agriculture : une installation en hors cadre familial et un projet reposant sur plusieurs ateliers, complémentaires et/ou menés en parallèle. Ils nous accueillent sur les hauteurs de Gibles, dans le Brionnais, près de leur centaine de chèvres, de leur fromagerie et de leurs 150 poules.

La chèvre de A à Z… et au-delà
Nicolas et Caroline Glorieux dans la chèvrerie qu'ils ont refaite.

Ils sont tous deux originaires du Nord et tous deux y étaient encore ingénieurs, il y a quelques années, chacun dans un domaine différent. Pour Caroline, non issue d’une famille d’agriculteurs, l’envie s’est toujours fait ressentir de s’orienter vers le secteur agricole. Elle est devenue ingénieur agronome mais cela n’était pas malgré tout assez concret : « j’ai toujours eu envie de gérer ma propre structure et toujours eu de l’attrait pour le produit final. Cela aurait pu être le fromage de chèvre comme les fruits rouges ». Nicolas, lui, a penché pour le choix avec élevage. En 2014, la décision est prise de changer de vie et de se mettre en quête « d’une zone sympa où vivre ». Et la décision de quitter la région se fait naturellement : « le coût du foncier dans le Nord est prohibitif…, stipule Caroline. De plus, ils travaillent beaucoup en hors-sol, hors nous voulions associer l’élevage au foncier et être autonomes en fourrage ».

Les bleus du Brionnais

La France entière leur ouvre alors ses bras, et plusieurs secteurs du territoire sont ciblés. Plusieurs visites de fermes à reprendre sont aussi effectuées. « Notre choix s’est rapidement porté sur la ferme des Avoineries car il y a eu un bon contact avec les cédants, le lieu était agréable » et la ferme, déjà en élevage caprin avec transformation fromagère et vente directe, tout de suite opérationnelle.

L’installation du couple est ainsi effective en novembre 2016, après six mois de tuilage avec les anciens fermiers. « Ce qui fut très agréable, c’est qu’ils ont fait confiance aux bleus que nous étions », rapporte aujourd’hui Caroline Glorieux.

Les nouveaux propriétaires ont bénéficié d’une structure déjà bien installée et viable, même si des aménagements et des réorientations n’ont pas tardé à se faire. « Nous avons diminué le nombre de vaches, se souvient Caroline, en en gardant une dizaine ». Depuis les vaches ont définitivement quitté la ferme et un atelier poule pondeuse a rapidement été mis en place. Ils s’approvisionnent désormais en lait de vache chez un collègue éleveur, car la demande est toujours là et fait partie de leur stratégie.

« Notre projet repose véritablement sur plusieurs ateliers : les fromages, les yaourts, les terrines, les œufs. Nous faisons aussi un peu d’accueil et un peu de porcs ». Le prototype même de la ferme non intensive et diversifiée.

De nouvelles orientations

Les grandes évolutions que le couple a apportées à la structure reposent essentiellement sur deux points. « Nous avons choisi d’élargir la gamme de fromages proposés ». Aujourd’hui, la ferme des Avoineries c’est un ensemble d’une vingtaine de fromages et de produits laitiers : pures chèvres et mélangés, fromages cendrés, tomme, crème, yaourts natures et aromatisés, laits pasteurisés, skyr et depuis cet été des glaces au lait de chèvre « avec des goûts spécifiques : miel, fleur d’oranger, spéculoos, etc. ».

Le couple propose aussi des terrines élaborées à partir de ses chevreaux. Pas de transformation sur place, mais cela vient compléter une gamme déjà bien étoffée à laquelle les œufs des poules rousses et leghorn (« pour avoir des œufs de couleurs différentes ») participent bien.

Le second changement fut plus opéré au niveau des circuits de vente des produits : « nous avons développé une autre approche en arrêtant la tournée et en multipliant les différents points de vente, un magasin de producteurs, via Internet, plusieurs marchés et quelques épiceries ». Si cela marche bien et permet de ne surtout pas mettre tous ses œufs dans le même panier, Caroline conçoit que tout ceci reste trop chronophage. « Il va falloir réfléchir désormais à rationaliser tout ceci » et sans doute faire des choix…

Encore à affiner

Côté gestion du troupeau, le couple reconnaît « tâtonner encore un peu » parfois. Il faut dire que les dernières années n’ont pas été simples à gérer pour ces jeunes éleveurs avec la problématique sécheresse et, cette année, le surplus d’humidité. Mais l’avantage de la structure est notamment d’avoir un parcellaire sur 30 ha très regroupé autour de la ferme et en surface suffisante « pour permettre d’être autonome en fourrage ». Le couple se dit aussi très accompagné par les techniciens de la chambre d’agriculture, du centre fromager et d’Acsel aux précieux conseils. « Notre objectif est de conduire quelques chèvres en léger décalage », explique Nicolas Glorieux. Ainsi, en parallèle du gros de la troupe, une vingtaine de chèvres seront conduites plus précocement, quand « un troisième lot sera lui plus tardif, avec les chevrettes de l’année, pour étaler au maximum les naissances et mieux répartir la production de lait ». Le tout pour limiter au maximum la période de rupture de fabrication de fromages entre deux saisons de production.

L’exploitation « s’approche aujourd’hui de la viabilité », il a forcément fallu au couple un temps d’adaptation et cela va encore demander des ajustements, mais les idées sont là et leurs regards venus du Nord leur donnent toujours une prise de recul et une fraîcheur qui ne peuvent que leur permettre d’avancer sur de nouvelles approches.