Fiers d’être éleveurs bovins en BFC
Une charte d’avenir pour les éleveurs, leurs prairies et la filière

Cédric Michelin
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La signature a bien failli être annulée tant les tensions sur la mauvaise gestion des fonds Feader par la Région rendent chaque réunion avec la profession potentiellement explosive. Vendredi 10 novembre à Jalogny a finalement été signée une charte d’avenir pour les éleveurs, leurs prairies et la filière. De quoi rester « fiers d’être éleveurs bovins en Bourgogne-Franche-Comté » et surtout mobiliser tout le monde pour relever les défis futurs, à commencer par le besoin de renouveler les générations d’éleveurs. Il va falloir repartir sur le bon pied maintenant...

Une charte d’avenir pour les éleveurs, leurs prairies et la filière
De g. à d., Florent Point, Emmanuel Bernard, Christian Decerle, Yves Largy, Marie-Guite Dufay, Michel Joly, Marie-Jeanne Fotré-Muller, Bernard Lacour et Martial Marguet.

Invitée à conclure la journée dédiée à l’élevage allaitant le 10 novembre à Ferm’Inov à Jalogny, la présidente de Région s’empêtrait dans des explications sur les fonds Feader et se voyait brusquement interrompu par le président de la chambre régionale d’agriculture. En effet, Christian Decerle ne décolère pas de voir que l’administration régionale est non seulement « incapable » de gérer, mais surtout qu’elle accumule toujours plus de retards et a trop longtemps refusé la main tendue de la profession. « C’est consternant d’avoir transformé en défaite ce qui était une véritable victoire collective du monde professionnel agricole », qui avait réussi à obtenir +28 % de budget en plus par rapport à la précédente programmation. Visiblement sonnée, Marie-Guite Dufay manquait de tomber dans les deux marches de l’estrade avant de remonter pour la signature, où toutes et tous tentaient de desserrer les dents. Dommage car la journée s’est jusque-là parfaitement déroulée avec une matinée tournant autour des expérimentations menées à Jalogny et une après-midi tournée sur l’économie de la filière.

Reste que chacun veut maintenant avancer. Si d’autres chartes collectives d’engagement sont appelées à voir le jour (lait…), la première du genre est donc celle prônant « ensemble, un engagement pour les éleveurs de bovins à l’herbe ». L’après-midi avait en effet cherché à dessiner les orientations de la filière, fruit du long travail prospectif « Imaginer demain. Agir aujourd’hui. Ensemble vers 2040 » (lire nos précédents articles). Pour la filière viande et les éleveurs, cela peut maintenant se résumer en un slogan : « fiers d’être éleveurs bovins en Bourgogne-Franche-Comté ».

« Construisons les avenirs ensemble »

Car pour Christian Decerle, la Bourgogne-Franche-Comté peut être fière, « derrière ses deux races symboliques », la montbéliarde et la charolaise, se trouve de « longues histoires de femmes et d’hommes, de passion, d’opérateurs… qui ont œuvré pour implanter l’élevage », ses prairies et ses paysages. Comme il avait été évoqué dans les présentations de l’après-midi (lire nos prochaines éditions), il n’était pas question de minimiser les crises et défis, passés et futurs, qu’il reste à passer « à l’heure d’un renouvellement des générations d’éleveurs qui n’est pas gagné ». Un message loin d’être défaitiste, au contraire, il appelait à un sursaut pour que la « Région soit au coude à coude avec l’État » et que la mise en œuvre de cette charte soit un « message d’espoir pour tous les jeunes agriculteurs » d’aujourd’hui et de demain. Pour le président de l’Institut de l’Élevage (Idele), Martial Marguet, éleveur dans le Doubs, « l’élevage a des avenirs, construisons les ensemble ». C’est bien ce que s’efforce de faire la profession depuis toujours, à l’image de Ferm’Inov à Jalogny, qui accueille désormais plus d’une quarantaine de partenaires, dont l’Idele. Ce qui faisait dire à Bernard Lacour, président de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire que « réfléchir à plusieurs têtes » autour de l’expérimentation est d’autant plus important et innovant avec des partenaires issus de la filière formation, « des MFR jusqu’aux écoles d’ingénieurs ».

Une charte « précurseur » du plan de l’État

La directrice des services agricoles de l’État (Draaf BFC), Marie-Jeanne Fotré-Muller ne voit pas d’autres solutions pour « faire prendre un tournant à la filière ». Elle voit en effet devant elle se dresser des défis jamais vus : s’adapter au changement climatique, développer l’autonomie protéique, trouver de nouvelles formes d’organisations commerciales, gagner des marges économiques, mieux satisfaire les consommateurs… listait-elle. L’État prendra sa part, lui qui a annoncé dernièrement un « grand plan pour l’Élevage ». Elle félicitait les acteurs de la filière régionale, « vous êtes précurseur puisque vous l’avez déjà décliné au niveau régional en mesures très concrètes. Vous avez pris votre destin en main », veut-elle croire.

Quelques minutes plus tôt, Christian Decerle se montrait plus prudent, mais non moins volontaire. « On connaît les limites d’une charte, mais chaque mot de cette dernière a fait l’objet d’un consensus des opérateurs, interprofession, syndicalisme… », vérifiera-t-il les engagements dans la durée (lire encadré).

L’engraissement et les abattoirs renforcés

La présidente de Région, Marie-Guite Dufay ne pouvait qu’être, elle aussi, satisfaite « d’entendre la filière unie autour de la construction d’un système visant à créer de la valeur ajoutée et du revenu ». Car, elle n’oublie pas la peine qu’elle avait eu, notamment lors de son premier mandat, en pleine crise de l’élevage allaitant, « à parler d’engraissement, il y a six ans, le sujet n’était pas mûr ». Si elle se réjouit de ce changement de cap, la Région fixe d’ores et déjà des « objectifs » et mettra en face des « moyens au service de ces objectifs », tenait-elle à rassurer dans le contexte de la polémique des fonds Feader actuelle. Ces « moyens » seront mis au vote « dans le bon tempo » lors de l’assemblée de janvier 2024, promettait-elle. Marie-Guite Dufay précisait sa politique régionale, « l’industrie automobile et l’élevage allaitant ». La Région finalise actuellement une « étude sur l’avenir des abattoirs » et Marie-Guite Dufay s’engageait à fournir « des aides supplémentaires en ingénierie pour rendre nos abattoirs viables et pour un bon maillage au service des éleveurs ».

Étaient donc invités à signer la charte : Marie-Guite Dufay, présidente de la Région, Marie-Jeanne Fotré-Muller, DRAAF et représentant le préfet de région, Christian Decerle, président de la chambre régionale d’agriculture, Yves Largy, président d’Interbev BFC, Michel Joly, présidente de la Fédération régionale bovine, Florent Point, président JA BFC, Emmanuel Bernard, représentant le président de la FRSEA ainsi que Martial Marguet et Bernard Lacour, co-présidents de Ferm’Inov et président de la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire pour ce dernier, qui était aussi l’hôte du jour.

Les quatre grands points de la charte d’avenir

Les quatre grands points de la charte d’avenir

La charte débute par un engagement : « nous – agriculteurs, élus, décideurs politiques de BFC -, nous nous engageons fermement et résolument à promouvoir ce qui fait deux richesses de cette région : nos éleveurs et nos prairies. Les difficultés auxquelles les éleveurs sont confrontés et les adaptations nécessaires de la filière bovine imposent une mobilisation et une responsabilité collectives ainsi que des orientations claires, étayées scientifiquement. Aussi, nous – chambre régionale d’agriculture, Interbev, FRB, JA, FRSEA, Ferm’Inov, conseil Régional, État – nous engageons résolument à agir, très concrètement, sur la base des orientations suivantes » :

1 – Expliquer systématiquement, rappeler et valoriser auprès du grand public, des élus, des collectivités, ce qui fait l’une des richesses de notre région, l’élevage de bovins à l’herbe ;

2 – Préserver la valeur ajoutée de la filière en région et contribuer pleinement, chacun dans nos responsabilités, à sécuriser le revenu des éleveurs ;

3 – Valoriser le métier d’éleveur, et mobiliser tous les moyens disponibles pour assurer la reprise des exploitations, une pour une ;

4 – Accompagner les éleveurs à adapter leurs élevages pour assurer leur pérennité