Innovation et société
Les promesses du pâturage connecté…

En Haute-Saône, le Gaec des Herbues a équipé deux de ses vaches de collier GPS connecté, dans le cadre de la charte « Lait Grand Pâturage » de la fromagerie Milleret.

Les promesses du pâturage connecté…
Une balise GPS couplée à un émetteur GSM permet d’envoyer la position de la vache tous les quarts d’heure pour une meilleure traçabilité du temps passé au pâturage.

Depuis le printemps dernier, cinq élevages laitiers de Haute-Saône participent à une expérimentation innovante dans le domaine du suivi du pâturage : deux vaches de chaque troupeau sont équipées d’un collier GPS qui émet un signal tous les quarts d’heure, ce qui permet de renseigner l’emploi du temps du troupeau. Le Gaec des Herbues fait partie de ce groupe. « Nous élevons 65 vaches montbéliardes, à 9.200 kg de moyenne, pour une référence laitière de 600.000 litres, vendu à la fromagerie Milleret », détaille Aymeric Rouge, associé à son père sur cette exploitation familiale. La ferme est signataire, avec quatre autres du secteur, de la Charte « Lait de grand pâturage », une démarche que les éleveurs ont élaboré collégialement, sous la houlette de la fromagerie, pour essayer de tirer parti de deux atouts forts de leurs élevages : leur proximité avec l’entreprise de transformation (elles sont situées dans un rayon de 12 km) et la pratique du pâturage, perçue très favorablement par les consommateurs. « L’idée de valoriser ceux qui prennent le temps d’organiser le pâturage – c’est une gestion – nous a plu. À vrai dire, mis à part l’aliment certifié sans OGM, on n’a pas modifié nos pratiques, chez nous les vaches ont une grande parcelle de 15 ha en libre accès, elles sortent dès le mois de mars, de jour comme de nuit, et reviennent au bâtiment quand elles veulent, par exemple quand il fait trop chaud ». Le bâtiment à ossature bois, largement ouvert, offre en effet un abri aussi bien en cas d’intempéries que de fortes chaleurs. En contrepartie du respect du cahier des charges, les producteurs engagés voient leur lait bénéficier d’un prix supérieur.

Une première en France

L’outil Chronopature, qui permet de collecter les données relatives aux déplacements du troupeau, est actuellement en phase de développement et d’expérimentation. « C’est une solution développée par l’entreprise Adventiel, qui est déjà notre fournisseur de logiciels, explique Rémi Vacelet, responsable collecte chez Milleret. Sous cette forme, c’est une première en France. Le principe est d’automatiser la collecte des données, ce qui facilite les déclarations et améliore la traçabilité du temps passé par les vaches au pâturage, ainsi que la transparence vis-à-vis des consommateurs. Le cahier des charges prévoit au minimum 180 jours de pâturage par an, sachant qu’une journée de pâturage, c’est six heures dehors. Or dans la réalité, l’enregistrement du temps passé au pâturage au jour le jour est assez lourd pour les éleveurs. En fonction des événements météo, on peut avoir des journées incomplètes… ».

Engagements sociétaux

Les cinq élevages engagés dans la charte produisent 2,5 millions de litres de lait destinés à être transformé en ‘’Ortolan grand Pâturage’’. Le produit, malgré toutes ses qualités, peine encore à se faire une place sur un créneau très concurrentiel, celui des ‘’ovales’’, ces fromages onctueux à pâte molle et à croûte fleurie. L’objectif des 100 tonnes par an n’est pas encore atteint, mais la fromagerie Milleret entend bien mettre en avant les engagements sociétaux de ses producteurs pour se différencier. « Nous allons communiquer sur les réseaux sociaux de la fromagerie sur la possibilité de suivre le quotidien des vaches connectées, explique Laurie Curty, chef de produit. Une campagne de publicité de 15 jours ciblée sur Google devrait permettre de faire découvrir l’ortolan grand pâturage, avec des bons de réduction ».

Alexandre Coronel

Pâturage vraiment synonyme de bien-être ?

Pour le consommateur moyen, le pâturage est synonyme de bien-être pour les vaches laitières. L’outil d’évaluation Tibena Lait, mis au point par Terrena, permet d’analyser l’influence de cette pratique sur une trentaine de critères (liberté, absence de faim et de soif, absence d’inconfort, propreté des animaux, absence de stress, possibilité d'exprimer les comportements de l'espèce, absence de douleur, de blessures et de maladies, etc.). Si le confort de couchage est amélioré par l’accès au pâturage (pas de collisions avec le matériel, meilleure qualité du lever et propreté des flancs), l’accessibilité à un abri et à l’abreuvement s'est dégradée au pâturage, révèle l’étude. En effet, l’emplacement et la quantité des abreuvoirs ne permettent pas toujours un accès aussi égalitaire qu’en bâtiment. Sur le poste boiteries - santé des pieds - et les blessures (lésions, gonflements, dépilations), les notes étaient meilleures chez les vaches ayant un accès au pâturage au printemps. Elles jouissaient également d’une meilleure santé durant l’hiver, avec par exemple, moins de complications au vêlage. Les vaches ont présenté une plus grande distance de fuite lorsqu'elles étaient logées en pâture que lorsqu'elles étaient au bâtiment. Les comportements sociaux et autres que sociaux ne changent pas ou peu selon qu’elles aient accès ou non au pâturage. Le recours au pâturage n’a pas montré d’influence sur la note d’état corporel des animaux, ni sur la prévalence des diarrhées, ni sur l’état émotionnel. « L'importance du recours au pâturage pour le consommateur et son intégration en tant que critère de choix se justifie, mais les résultats sont nuancés. Ce travail a permis de dégager des axes zootechniques de progrès au sein des élevages, notamment sur la détection précoce des boiteries. D'autres études devront être menées pour approfondir ces résultats », conclut-on.