Fermoscopie Grandes cultures
La prudence plus que jamais requise

Françoise Thomas
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C’est bien évidemment un état des lieux en demi-teinte que les conseillers de CerFrance71 ont présenté lors de Fermoscopie consacrée aux grandes cultures et aux bovins lait (lire aussi nos précédentes éditions). Ce bilan 2021 et les prévisions pour la suite ont été donnés à la salle des fêtes de Saint-Didier-en-Bresse le jeudi 25 novembre. Des résultats corrects sur plusieurs aspects, mais qui ne doivent pas cacher un réel appel à la prudence.

 

La prudence plus que jamais requise
Les Fermoscopies Lait et Grandes cultures se sont déroulées conjointement à Saint-Didier-en-Bresse.

Si globalement 2021 a été qualifiée « de bon millésime » pour l’agriculture du département par Vincent Landrot, ceci représente une tendance moyenne générale et ne s’applique pas à toutes les productions ni à tous les secteurs.

Ainsi, pour rappel, « 2021 a concentré tous les changements : climatiques, normes environnementales, nouvelles pratiques, nouveaux marchés, etc. », a poursuivi le président de CerFrance 71, sans oublier la perspective de la réforme de la Pac.

Le temps de la réflexion

Les filières comme la viticulture et les grandes cultures ont le plus souffert cette année des aléas climatiques, entre gel tardif et inondations, spécifiquement sur certains secteurs. Cela montre bien à quel point les entreprises agricoles restent dépendantes de la météo, des marchés, des politiques mises en place. « Il n’y a pas de recette miracle, mais une exploitation agricole se doit aujourd’hui d’avoir des performances multifactorielles, d’être performantes sur tous les plans, et de plus communiquer sur ce qu’elle fait et ce qu’elle est », souligne encore Vincent Landrot. CerFrance 71 a tenté lors de ces Fermoscopies d’apporter à la fois son focus sur la situation en cette fin d’année 2021 et ses conseils pour la suite.

Et cette année « de transition, atypique et charnière doit surtout inciter à prendre le temps de la réflexion », ont insisté Émilie Golin et Pascale Laurain lors de la présentation des chiffres à retenir en grandes cultures et en lait.

De grands paradoxes

Fermoscopie 2021 n’a pu que souligner les grands paradoxes de la campagne écoulée. Si les récoltes ont été bien meilleures que l’an passé, les secteurs impactés par les inondations de juillet ont vu leurs résultats ruinés. D’où une importante disparité des chiffres annoncés. Pourtant, le produit repasse la barre des 1.300 €/ha, ce qui n’était pas arrivé depuis 2011… Ce seuil est important à franchir : « en dessous on sait que les exploitations sont fragiles, au-dessus elles retrouvent un peu de sérénité », précise Émilie Golin.

Dans le détail, les charges opérationnelles « restent relativement contenues », à moins de 550 € par ha, « ce qui est cohérent par rapport au potentiel de rendement », rassure Émilie Golin. « Premier levier de rentabilité », cette maîtrise des charges sera d’autant plus importante dans la perspective 2022 « et de la hausse prévisible des engrais ».

Les charges de structures restent elles aussi contenues, sous la barre des 900 €/ha, mais cela reste tendu au regard du produit à mettre en face.

En parallèle, « le résultat s’envole » à 40.600 € par Utaf. « Un bon niveau de performance, souligne la conseillère, avec un retour d’un peu de sérénité et de la rentabilité ». À 38 %, celle-ci retrouve son niveau du début des années 2010. Et si le niveau d’EBE est rassurant à 106.000 € « prudence dans l’utilisation de cet EBE ».

L’analyse des risques économiques et financiers montre cependant que plus de 40 % des exploitations en grandes cultures sont en situation préoccupantes (27 % risque moyen et 17 % risque élevé), la conséquence de « résultats de ces dernières années en dent de scie, dus aux aléas relatifs aux rendements, aux prix, aux charges, etc. », avec peu de stock « et pourtant des investissements et des capitaux engagés conséquents ».

Changement de stratégie

Autre chiffre important, en céréale (et en lait), « trois quarts des exploitations dégagent moins de 20.000 € de revenus » … D’où le message renouvelé « de garder de la souplesse en trésorerie ».

Pour cela, il a été conseiller de se montrer très prudent en termes d’investissement dans le matériel « essayer de ne pas replonger dans la mécanisation pour la prochaine décennie », et aussi de stopper « la stratégie fiscale basée sur la mécanisation ». « Une exploitation rentable ne se juge pas uniquement sur son parc matériel », insiste Émilie Golin.

Vision globale

Globalement l’agriculture départementale « va bien », puisque 78 % des exploitations présentent un risque économique et financier nul ou faible, mais malgré tout 15 % d’exploitations présentent un risque économique et financier élevé.

Une belle dynamique est constatée du côté de l’agriculture bio avec 471 fermes recensées pour 20.000 ha. En grandes cultures, les productions bio ont tendance à mieux résister, « il y a moins de volatilité des cours », par rapport aux systèmes conventionnels.