ASSISES
Bio : Marc Fesneau soutient la demande, pas encore la production

En ouverture des Assises de la bio, le ministre de l'Agriculture a promis des fonds pour la communication et le développement des filières. La porte semble en revanche fermée pour des aides conjoncturelles.

 

Bio : Marc Fesneau soutient la demande, pas encore la production
Marc Fesneau, le ministre de l'Agriculture, a ouvert les Assises de la bio qui se sont tenues le mardi 6 décembre à Paris.

« Moment assez particulier », « rupture de tendance », « crise conjoncturelle ou structurelle » : lors d'un discours aux Assises de l'agriculture biologique, le 6 décembre, Marc Fesneau a confirmé les turbulences traversées par le secteur de l'agriculture biologique. Une situation qui, a-t-il insisté, « n'est pas le produit seul de l'inflation », alors que le ralentissement s'est fait sentir dès la fin des confinements. Comme il l'avait déjà évoqué récemment à l'Assemblée ou au Sénat, l'heure est en tout cas pour le ministre au développement de la demande. Devant toute la filière, Marc Fesneau a donc promis à l'Agence bio une enveloppe de 750 000 euros, qui permettra de lancer d'ici la fin de l'année une nouvelle campagne de communication « complémentaire » à celle de « Bioréflexe », lancée en mai. « La question est de savoir quel écho cette annonce aura chez les interprofessions, et si elles doubleront elles aussi leurs financements par rapport à la précédente campagne », s'est interrogé Philippe Camburet, président de la Fnab. « Ce n'est pas encore Noël, mais presque la Saint-Nicolas », a réagi de son côté la directrice de l'Agence bio, Laure Verdeau, auprès de nos confrères du Monde. Côté filière, 2 millions d’euros (M€) de reliquat du fonds Avenir bio seront « dédiés à la structuration des filières trop peu développées », notamment le porc, a annoncé le ministre. Le projet de loi de finances, a-t-il rappelé, prévoit plus généralement une pérennisation des crédits accordés par France Relance au fonds Avenir bio, pour un montant de 13 M€ au total. Alors que plusieurs syndicats avaient dénoncé la réduction de l'offre dans les rayons des supermarchés, le ministère de l’Agriculture veut aussi « essayer de travailler avec la grande distribution, qui a sa responsabilité ». « La distribution n'a jamais été associée aux campagnes de promotion, il pourrait s'agir d'une piste », a proposé Philippe Camburet.

Plan avenir bio repoussé d'un an

Dans ce contexte inédit depuis dix ans, Marc Fesneau a aussi choisi de repousser d'un an la révision du plan national Ambition bio, dont la mouture actuelle se termine fin 2022. En vue du prochain plan, sur la période 2024-2027, le ministre a même promis des fonds supplémentaires à l'Agence bio « pour engager d'ici la fin de l'année des études préparatoires visant à avoir une compréhension plus fine de la crise ». Ces premiers résultats alimenteront une étude prospective plus large courant 2023, afin d'alimenter le nouveau plan, et « aboutir à des scénarios de développement de l'agriculture biologique en 2040 ». L'annonce n'a sans doute satisfait qu'à moitié l'Agence bio, dont la direction espère toujours obtenir un budget pérenne de communication semblable à celui des interprofessions, de l'ordre de 20 à 30 M€ annuels. De même à la Fnab, on craint que le délai supplémentaire de discussions sur le plan national et l'attente des résultats de l'agence ne fassent retomber les débats lancés ces dernières semaines face à la crise. « Dans le cadre de la loi d'orientation, nous aurions pu démarrer plus rapidement les travaux sur l'installation, la transmission en bio, sans attendre les conclusions des études », a regretté Philippe Camburet. La Fnab avait par ailleurs demandé dans un communiqué de déclencher des outils de gestion de crise. « La baisse de la demande a généré des mécanismes dits de réduction volontaire de la production », a rappelé la fédération nationale de l’agriculture bio. Devant l'ensemble des acteurs du bio, Marc Fesneau a semblé fermer la porte à ce type de mesure, invitant à considérer « le sujet global dans l'ensemble des filières, avec une descente en gamme et une tension sur les prix ».

Le rendez-vous manqué d'Egalim

Concernant l'application de la loi Egalim, « nous sommes encore loin des objectifs », a regretté le ministre, alors que seuls 6 % du volume de commande de la restauration collective serait certifié bio. Pour autant, Marc Fesneau est demeuré plutôt évasif sur la manière d'appliquer les 20 % de bio dans les cantines, se contentant d'en appeler à la « volonté politique » des élus locaux. « Certaines collectivités se sont engagées avant que l'État apporte sa force de contribution », a-t-il rappelé. Et si le ministère de l'Agriculture propose près de plus de 40 % de produits bio dans ses restaurants, un « travail de conviction », a admis Marc Fesneau reste à mener dans les autres ministères et institutions publiques. À la FNSEA, Étienne Gangneron, vice-président en charge du bio, continue de défendre une application plus stricte d'Egalim, tout en reconnaissant que « le dossier est devenu compliqué avec l'inflation ». Et d'autres demandes du syndicat n'ont pas obtenu de réponses durant le discours du ministre, notamment sur l'utilisation des crédits non-consommés pour la conversion, alors que les engagements semblent marquer le pas en 2022. « Julien Denormandie avait promis que les crédits restants seraient orientés vers l'agriculture biologique », a rappelé Étienne Gangneron. Sur les 340 M€ prévus en moyenne par an sur la période 2023-2017, jusqu'à 100 M€ pourraient ne pas être débloqués face au ralentissement des conversions, selon la FNSEA. Une enveloppe qui pourrait être redirigée « vers les fermes existantes, pourquoi pas au travers d'une MAEC sur le maintien, grâce à un assouplissement du cadre européen » a proposé Étienne Gangneron.

I.L