Machinisme
Mieux épandre pour moins polluer

Cédric Michelin
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À l’occasion du 100e SIMA, les Chambres d’agriculture France (les CAF – ex-APCA) ont organisé une conférence sur le thème de l’évolution du matériel d’épandage. Objectif : se mettre en conformité avec les réglementations françaises et européennes de lutte contre la pollution de l’air. 

Mieux épandre pour moins polluer

Premier producteur agricole de l’Union européenne, la France est le deuxième émetteur d’ammoniac. Elle s’est engagée auprès de la Commission européenne à réduire la volatilisation de l’ammoniac de 13 % d’ici 2030. Les principaux postes d’émissions d’ammoniac (NH3) provenaient en 2020 de l’apport d’engrais et d’amendements minéraux (26 %), de la gestion des déjections bovines au bâtiment (24 %), d’animaux à la pâture (16 %), d’apports d’engrais et d’amendements organiques (19 %). Des chiffres à prendre avec des pincettes tant les estimations changent et dépendent du mode d’agriculture.

Pour atteindre ses objectifs, la France est en train de rédiger une mise à jour du Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques, appelé Prépa. Ce plan prévoit que 60 % des lisiers épandus aujourd’hui avec des buses palettes, le soient à l’avenir avec des pendillards ou des techniques équivalentes. Il prévoit aussi que plus de lisiers soient enfouis dans les 12 heures suivant leur épandage. Environ 53 % le sont aujourd’hui. Le Gouvernement souhaiterait porter ce chiffre à 90 %, notamment pour réduire la volatilité de l’ammoniac, qui, combiné avec d’autres polluants, augmente le niveau de gaz à effet de serre.

« Proche du zéro émission »

Dans un groupe de travail qu’elles ont mis en place avec la FNCuma, des instituts (Inrae, Arvalis..), le ministère de l’Agriculture et la FNEDT (entrepreneurs du territoire), les Caf ont identifié plusieurs techniques possibles pour « épandre mieux les fluides organiques liquides et réduire la pollution de l’air agricole », a soutenu Arnaud Delestre, président de la Chambre d’agriculture de l’Yonne.

Sur la base d’une expérimentation menée par la Chambre des Hauts-de-France, trois solutions se dégagent : tout d’abord utiliser des rampes à tuyaux aussi appelés pendillards. Ils permettent d’épandre le lisier sur des terres cultivées, sans enfouissement et de « réduire les émissions de NH3 d’environ 30 % », a indiqué Nicolas Walter, référent Agroéquipements aux CAF. L’utilisation de rampes à patin sur herbe haute ou basse permet quant à elle de parvenir jusqu’à une réduction de 50 % des émissions de NH3. Il semble cependant que le meilleur système revienne aux injecteurs à disques tranchants ou coniques (sur sol couvert) et aux injecteurs à socs ou à disques pour cultures (sur sol nu). Si dans le premier cas, les émissions de NH3 sont réduites de 60 à 70 %, dans le second le score atteint presque 100 % car le lisier est comme encapsulé dans la terre. « On est proche du zéro émission », a assuré Nicolas Walter. L’autre avantage est que l’azote non rejeté profitera plus tard aux plantes qui seront cultivées.

« Une réelle opportunité » 

En réalité de nombreux autres facteurs viennent interférer : la quantité de lisier à épandre, le matériel dont on dispose et des investissements à réaliser. Ainsi, le coût d’un pendillard à patin peut varier entre 50 000 et 150 000 euros quand un injecteur se négocie entre 100 000 et 200 000 euros. Il existe des systèmes d’adaptation sur les matériels existants. « Mais il faut prendre garde à ce que le lisier soit bien liquide et homogène pour éviter le bouchage des buses », prévient-on à la FNEDT. Ce qui nécessite que l’agriculteur ait brassé sa fosse ou l’ait adaptée avec des broyeurs. L’achat de pendillards ou d’injecteurs oblige aussi « à acquérir une tonne à lisier adaptée. Les tonnes d’une capacité de 8 ou 9 tonnes ne sont plus dimensionnées. Il faut passer aux 12 tonnes. Ce qui nécessite aussi des tracteurs plus puissants pour éviter de faire des allers-retours », a précisé Nicolas Walter. Il faut donc prendre en compte le coût global et « cette transition ne pourra pas se faire sans accompagnement financier au plan régional, national ou européen », a appuyé Arnaud Delestre qui voit dans ce nouveau défi « non pas une menace mais une réelle opportunité » pour l’agriculture française.