Ferm'Inov
Génisses rajeunies : une filière à développer ?

Florence Bouville
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Direction Ferm’Inov pour la suite des ateliers techniques présentés lors de la journée régionale du 10 novembre. Explication et bilan à deux voix – Idele et Feder – d’une expérimentation mêlant recherche d’autonomie protéique et développement d’une filière de commercialisation, en lien avec les attentes du consommateur français.

Génisses rajeunies : une filière à développer ?
Pour cet essai mené sur quatre stations expérimentales, le cahier des charges prévoit un abattage des génisses au plus tard à 18 mois.

Du fait de son appartenance au réseau national de stations expérimentales, Ferm’Inov participe à des essais groupés, dont les protocoles scientifiques sont coordonnés par des structures de recherche et des coopératives.

Il est ici question d’une expérimentation développée dans le cadre du programme Cap Protéines, axée sur la production de génisses rajeunies à partir de rations riches en herbe. « Avec, derrière, l’idée de bâtir des itinéraires type », au-delà de la valorisation des fourrages, introduit Jérémy Douhay, ingénieur agronome de l’Idele. En lien direct avec la qualité de la viande produite, ce projet vise en particulier à « garantir la juste rémunération de l’éleveur », poursuit Charles Dechaume, responsable commercial bovins viande chez Feder. Aujourd’hui, un certain nombre d’acteurs économiques tentent de relancer la mise en production d’engraissement de jeunes génisses, à destination d’un marché français. Seulement, il s’agit encore d’un « marché de niche, nécessitant plus que jamais des contractualisations », souligne le responsable commercial ; en raison notamment de la fluctuation des coûts de production. Il n’empêche que, factuellement, la région serait propice à une augmentation du cheptel d’engraisseurs, au vu de la proportion actuelle de naisseurs. En sachant que la production de génisses rajeunies ne concerne actuellement que 8 % des génisses finies (les meilleures étant gardées pour le renouvellement des troupeaux).

Pluralité des fermes et des régimes alimentaires testés

Au total, 188 génisses charolaises ont fait l’objet d’un suivi, toutes âgées de 8 à 10 mois. Le défi de l’expérimentation était de taille, dans la mesure où il a fallu procéder à un abattage jeune. Le cahier des charges le prévoyant au plus tard à 18 mois. Tout en obtenant un produit final contenant suffisamment de persillé (gras intramusculaire) pour répondre aux attentes du consommateur français. C’est d’ailleurs bien ce persillé qui procure la qualité organoleptique du morceau de viande. À noter qu’en complémentarité, le marbré (gras intermusculaire) joue également un rôle important, car il améliore le temps de conservation de la pièce. Sa quantité varie alors selon la découpe effectuée. Finalement, la viande doit présenter une couleur assez rouge, apportée par l’alimentation en herbe. Tout cela garantit aux barquettes un aspect visuel plaisant, essentiel comme ici, dans le cadre de la vente en grande distribution.

La pluralité des fermes engagées dans cet essai s’est traduite par des différences de prairies (composition botanique) ainsi que de récolte et de modes de conservation de l’herbe, sans oublier les diverses typologies de tourteaux. Produisant ainsi des qualités variables de fourrages. « L’objectif de la conduite est de récolter des fourrages de qualité riches en protéines pour réduire, voire supprimer, les apports protéiques sous forme de tourteaux », explique Jérémy Douhay. La conduite optimale nécessite de récolter un ensilage ou un enrubannage d’herbe avec des valeurs supérieures à 12 % de MAT et à 0,8 UFV/kg MS, et avec une bonne ingestibilité. Au bilan, 12 rations à l’auge ont été testées dans quatre fermes expérimentales, contenant toutes forcément au moins 35 % d’herbe.

Croissance et rendement carcasse : aucun écart significatif

Les objectifs de croissance étaient les suivants : un GMQ de 1.100 à 1.200 g/j. Pour un poids vif à l’abattage entre 550 et 630 kg. In fine, quel que soit le type d’herbe utilisé, aucun écart de performance d’engraissement n’a été recensé. Les données oscillant entre 1,1 et 1,2 kg/j, comme espéré. « Que des hauts niveaux, pour ces jeunes génisses charolaises », s’exclame Jérémy Douhay. À Jalogny, les plus fortes densités énergétiques des rations ont même permis d’atteindre 1,3 kg/j. En effet, deux lots y ont été testés : un premier nourri à de l’ensilage d’herbe et de l’ensilage de maïs, et un second à base d’ensilage d’herbe et de maïs grain. Représentant un total de 10 kg de matière sèche ingérés par jour et par animal. Ces deux régimes alimentaires ont ainsi montré des niveaux d’ingestion et des performances zootechniques équivalents.

Globalement, quelle que soit la station, la phase de croissance a débouché sur « une production de carcasses conformes et plutôt homogènes, répondant à la demande de la filière », affirme Jérémy Douhay. En effet, l’absence d’écart significatif de GMQ entre les différentes conduites s’est confirmée au niveau des carcasses, jugées de bonne qualité.

En résumé, les deux critères essentiels sont : le potentiel des animaux (âge au démarrage) et la qualité de la ration. Néanmoins, les éleveurs présents ne semblent pas tous convaincus des débouchés de cette filière, même s’ils ne remettent pas en cause les capacités productives du territoire. Dans tous les cas, cet essai est à relativiser, car il ne s’agit là que d’un exemple de circuit de commercialisation, en grande distribution qui plus est. Faisant intervenir des indicateurs et des valeurs de références qui aiguillonnent la conduite, mais qui ne sont pas gravées dans le marbre. Filière à suivre…