Sécurisation du système fourrager
La silphie est en lice

Une nouvelle plante se développe actuellement dans l’hexagone : la silphie perfoliée. Cette vivace, aux fleurs qui évoquent celles du tournesol et qui appartient à la même famille botanique, possède d’indéniables atouts agro-écologiques, qui méritent d’être expérimentés sur le terrain.

La silphie est en lice

À l’occasion d'un webinaire dédié aux grandes cultures organisé par la chambre d’agriculture de Haute-Saône le 4 décembre dernier, Céline Beluche, conseillère agro-environnement, a donné quelques informations au sujet de la silphie, cette nouvelle plante qui fait beaucoup parler d’elle sur les réseaux sociaux et dans les médias depuis quelques mois. En 2020, 750 ha de silphie ont été implantés en France – dont quelques dizaines en Haute-Saône – sous l’impulsion de la société HADN, basée à Saint-Étienne-lès-Remiremont dans les Vosges et de son dynamique gérant Amédée Perrein.
Commençons par les présentations. La silphie perfoliée (Silphium perfoliatum L.) est une plante vivace originaire d'Amérique du Nord, qui fait partie de la famille botanique des astéracées, ou composées, au même titre que la marguerite, le pissenlit, le topinambour ou… le tournesol. Elle ressemble d’ailleurs beaucoup à ce dernier, en plus touffue. C’est une vivace à rhizome court qui ne forme au cours de sa première année de culture qu’une rosette de feuilles étalées au sol. À partir de celle-ci, dès la deuxième année, d'avril à mai, s’élancent plusieurs tiges de section carrée qui atteignent de 2 à 3 m de hauteur, qui s’orneront de beaux capitules jaunes. L’Inra l’avait testée comme plante à vocation fourragère dans les années 1960, puis finalement délaissée tandis que montaient en puissance les maïs hybrides.

Un coût d’implantation élevé

« C’est une plante pérenne à forte biomasse, résume Céline Beluche. La variété Abica perfo, commercialisée par la société HADN – Silphie-France, pour l’usage agricole, n’est pas invasive. Elle peut atteindre 3,5 m de hauteur en fin d’été et produire de 5 à 50 tiges par pied pour un rendement de 10 à 20 TMS/ha, soit jusqu’à 80 T brutes en huitième année ». Principal écueil, l’implantation, avec son coût élevé (de l’ordre de 1.800 €/ha, incluant les semences de silphie, de maïs qui lui servira de couvert la première année et d’un engrais starter). « Le distributeur justifie ce coût élevé par le travail préalable de sélection des graines et de levée de dormance, qui permet d’assurer un bon taux de germination », poursuit la technicienne. La silphie n’a aucune exigence particulière vis-à-vis du précédent cultural, si ce n’est d’éviter les cultures de colza, tournesol et de soja. Idéalement une céréale d’hiver pour optimiser le désherbage. La silphie s’implantera préférentiellement après un labour d’hiver. Au printemps, il est conseillé de travailler le sol à plusieurs reprises, afin de contrôler les mauvaises herbes qui ont poussé et de stimuler la germination d'autres graines. « Le semis se fait autour du 15 mai à 3 kg/ha en pur au semoir monograine pneumatique à écartement 37,5 cm avec un apport d’engrais starter. L’enherbement est à surveiller les deux premières années car la silphie est alors sensible à la concurrence adventice. On peut contrôler l’interrang par binage ou utiliser un herbicide comme la pendiméthaline puis un éventuel rattrapage avec AG ».
« Si l’implantation est réussie, ses racines peuvent descendre à deux mètres de profondeur ! ». C’est d’ailleurs de là qu’elle tire sa relative tolérance aux sécheresses estivales… « Ses besoins en eau sont similaires à ceux du maïs mais plutôt sur la période de fin de printemps et fin d’été. Elle ne flétrit pas si elle manque d’eau. Installée, elle supporte les fortes gelées ». Côté fertilisation, il faudra compter de 80 à 150 unités d’azote à l’hectare. Les avantages agri-écologiques de la silphie perfoliée résident dans la couverture permanente du sol et la réduction du risque d'érosion associée. De plus, la plante est visitée par de nombreux insectes et peut également être considérée plante mellifère (on parle de 150 kg de miel/ha). « Elle est appréciée des apiculteurs car à l’époque de sa floraison, c’est une des seules ressources abondantes pour les abeilles ». Enfin, introduite dans la rotation, elle contribuera à réduire l’indice de fréquence des traitements (IFT), car peu sensible aux différents ravageurs.
Mais les agriculteurs seront surtout intéressés par la polyvalence de cette plante, qui peut aussi bien servir de fourrage d’appoint, avec une première coupe fin juin distribuée en vert par exemple, pour sécuriser le système fourrager, que comme ressource de biomasse destinée à la méthanisation. La silphie a une bonne aptitude à l'ensilage. Des rendements de 13 à 20 tonnes de MS à l’hectare peuvent être atteints. « Ensilée en septembre, son pouvoir méthanogène à l’hectare est équivalent à celui d’1 à 1,5 ha de maïs », conclut Céline Beluche.

Alexandre Coronel