EXCLU WEB / Déstockage carbone : faut-il recourir aux biotechnologies ?

Stocker durablement du carbone organique dans le sol impose l’obtention de nouvelles variétés de plantes « puits de carbone ». Elles seraient sélectionnées en faisant appel à des stratégies lourdes en génie génétique. 

EXCLU WEB / Déstockage carbone : faut-il recourir aux biotechnologies ?

L’Académie de l’agriculture a organisé le 9 février un colloque intitulé « Gaz à effet de serre - Les solutions apportées par l'agriculture ». Une coïncidence ? La veille, le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie avait constitué au niveau européen « un cadre propice au développement et à l’accélération de la captation du carbone dans les sols ».  L’ensemble des programmes de réduction des émissions des gaz à effet de serre (GES), de stockage de carbone dans le sol et même de décarbonation de l’atmosphère, repose, in fine, sur le mécanisme photosynthétique très limité des plantes chlorophylliennes. « Or ce dernier n’a pas changé depuis des millions d’années », a expliqué Alain Gojon, directeur de recherche INRAE Montpellier. « En effet, les plantes se sont adaptées à des changements climatiques extrêmes et à des milieux parfois inhospitaliers. Mais elles n’ont jamais eu à faire face à une modification rapide du taux de CO2 atmosphérique. Aussi, leur métabolisme inchangé n’est pas adapté pour rendre leur mécanisme photosynthétique plus efficace quand le taux de concentration de CO2 atmosphérique de l’air augmente », a-t-il précisé.

Stratégies génétiques
En conséquence, atteindre la neutralité carbone imposera la sélection et l’obtention de plantes « puits de carbone ». Or ces plantes n’existent pas, pour le moment, à l’état naturel. Y recourir nécessitera de les sélectionner, et donc « d’aller à contre-courant des aspirations de la société, car elles font appel à des “stratégies de sélections lourdes” », a souligné Alain Gojon. Il s’agit par exemple de modifier le métabolisme des plantes terrestres en transplantant une partie du génome de certaines bactéries ou d’algues très efficaces pour transformer du carbone atmosphérique en carbone organique. En dotant les plantes d’un système racinaire très développé (qui capte plus que les organes aériens – tige, feuille), ces plantes transformées seraient alors en mesure de capter et de stocker davantage de carbone, de nitrates et d’azote atmosphérique sous forme organique.

La réduction de GES passe aussi par une meilleure efficience de l’azote minéral épandu, produit à partir de d’énergies fossiles. En 60 ans, le taux d’efficience a progressé de 61 %. C’est-à-dire qu’en réduisant de 61 % ses intrants minéraux, la France est parvenue à maintenir sa productivité. Comme pour le carbone, une des voies prometteuses pour faire mieux est là encore, la sélection variétale et le recours à des « stratégies génétiques lourdes ». Car plus les plantes seront capables d’absorber efficacement des engrais azotés chimiques, moins il sera nécessaire d’en épandre. Sur certaines variétés de riz, remplacer des gènes régulateurs dans la nutrition azotée par d’autres rend l’absorption d’azote plus efficace.