EXCLU WEB / Présidentielle 2022 : le programme des candidats au scanner

Le groupe Réussir - partenaire de votre journal - a organisé le 15 février, à la Maison de la Chimie à Paris, la quatrième édition de son webinaire "les controverses de l'agriculture et de l'alimentation". En cette période électorale, le thème était tout trouvé : « Les engagements des candidats à l’élection présidentielle pour la Ferme France ». Neuf candidats et leurs représentants ont répondu présents pour un long débat de quatre heures.

EXCLU WEB / Présidentielle 2022 : le programme des candidats au scanner

Ils ont défilé les uns après les autres et n’ont eu, en moyenne, qu’un quart d’heure pour présenter à grands traits les principales propositions de leur programme. Conseil des ministres et protocole obligent, c’est Julien Denormandie qui a ouvert le bal, avant de rejoindre l‘Élysée. Celui que beaucoup d’observateurs voient en futur directeur de campagne du candidat La République en marche (LREM), Emmanuel Macron, a déroulé une vision agricole qui s’inscrit dans le droit fil de son action à la tête du ministère : développer la souveraineté alimentaire, accroître la rémunération des agriculteurs (« la mère de batailles »), accompagner la transition agroécologique, assurer le renouvellement des générations et enfin faire de l’Europe une « zone de protection et de développement, mais sans naïveté », a-t-il précisé. Résolument « contre la viande cellulaire » et  « contre le Mercosur », Julien Denormandie souhaite en revanche que les politiques se réfèrent plus à la science et à la raison.

 

Lutter contre les surtranspositions
 

Assez curieusement, le représentant de Marine Le Pen, le député européen Gilles Lebreton, a semblé partager l’approche globale du ministre de l’Agriculture en indiquant que sa candidate défendait des prix décents pour les agriculteurs, entendait lutter contre les traités de libre-échange dans lesquels l’agriculture est une variable d’ajustement. Prônant un « choc d’investissement » pour la transition écologique, le Rassemblement national (RN) veut « progresser prudemment sur le bien-être animal » et s’assurer que « l’agriculture biologique » puisse trouver des débouchés.

C’est aussi à un choc de « simplification normative » et à la lutte contre les surtranspositions que la candidate Valérie Pécresse (LR) entend s’attaquer, d’après son représentant, Pascal Coste, président du Conseil départemental de Corrèze et ancien président du CNJA. « En France, on a une législation qui impose 18 ppm de nitrates quand l’Europe, suivant les zones, en prescrit entre 40 ppm et 50 ppm. Revenons aux normes européennes pour éviter les distorsions de concurrence », a-t-il plaidé. Favorable à un choc d’investissement, il entend également lutter contre l’agribashing et restaurer « l’agri-fierté ».

Le programme du candidat Nicolas Dupont-Aignan se centre, quant à lui, sur une « PAC intégrée et protectrice », notamment pour le lait avec un « retour des quotas », a-t-il justifié, citant le Canada et la Suisse qui ont conservé ce système. Sur les traités de libre-échange, il partage la vision du député européen RN.

Porte-parole des dossiers agricoles d’Éric Zemmour, Jean-Frédéric Poisson veut  restaurer le « passé glorieux » de l’agriculture. « Il faut nourrir en qualité et en quantité sans être dépendant des pays qui produisent moins bien que nous », a-t-il soutenu, indiquant vouloir rééquilibrer les financements publics vers les territoires ruraux, dans un esprit de reconquête. Favorable aux clauses miroirs, il veut également « casser les centrales d’achat ».

 

Fin des pesticides
 

A gauche de l’échiquier politique, le programme des candidats(es) se veut tout aussi ambitieux. Pour la candidate socialiste, Anne Hidalgo, le député Dominique Potier (PS, Meurthe-et-Moselle) envisage « l’écologie et la biodiversité comme le combat du siècle ». Objectif : 30 % de surface bio à l’horizon 2030, fin des pesticides en 2050 et du glyphosate « le plus tôt possible », en favorisant la polyculture-élevage « le vrai nom de l’agroécologie », a-t-il affirmé.

Son collègue du Nord, le député Fabien Roussel (PCF) envisage de « réenchanter l’agriculture, l’alimentation et la ruralité ». Son programme défend l’idée de prix rémunérateurs, garantis par l’interdiction de vendre à perte. Il propose également un fonds alimentaire national de 10 milliards d’euros (Md€) qui doit permettre aux agriculteurs d’obtenir un débouché « dans toutes les cantines de France ». Comme la plupart des candidats, Fabien Roussel se déclare favorable à la recherche, à l’innovation ainsi qu’à la sortie du glyphosate et des pesticides.

Le député européen Benoît Biteau, représentant de Yannick Jadot (Écologistes) veut redéployer les politiques publiques et faire de l’agriculture biologique « une agriculture de masse », seule condition pour que les Français puissent, selon lui, accéder à une alimentation de qualité en préservant l’environnement.

Tout aussi radical, le député Loïc Prudhomme (LFI, Gironde) promet que Jean-Luc Mélenchon va « complètement réviser le Plan stratégique national (PSN) en avril et le réécrire avant l’été 2022 ». « Nous souhaitons diviser par deux le premier piler de la PAC et multiplier le second par trois », a-t-il ajouté. Le candidat LFI veut attribuer un chèque de 150 euros par ménage et par mois pour les huit millions de personnes qui bénéficient, en France, de l’aide alimentaire. « Remettre un contrat social entre le pays et son agriculture », a-t-il résumé.

 

 

L’analyse du sociologue : « une méconnaissance du dossier »

Invité à s’exprimer en fin de session, le sociologue François Purseigle s’est déclaré interrogatif sur « le degré de compréhension des enjeux agricoles » de la part des candidats. Il a regretté que les politiques aient encore du mal à parler des exploitations comme « une entreprise ». Il a déploré qu’ils aient peu évoqué « l’accès à l’alimentation » et que leur vision ait été « plus protectrice que réformatrice ». A ces « angles morts » du débat, viennent s’en greffer d’autres comme ce qu’il appelle le « paradoxe du succès ». Les politiques chercheraient ainsi à enfermer les agriculteurs dans une stratégie d’adaptation à laquelle ils sont pourtant habitués, mais sans leur donner les outils nécessaires pour la réaliser. Il en est de même pour la « recherche d’une nostalgie permanente » ou encore leur rapport à l’Etat, sorte d’entonnoir de nombreuses revendications qui entravent l’autonomie et l’adaptation des entreprises agricoles. Ce sont autant de contradictions qui prouvent, selon lui, « une méconnaissance du dossier ». Il détecte cependant un point positif dans ce flot de discours et de bonnes intentions : l’émergence de la thématique recherche et innovation.

Le profil électoral des agriculteurs en avril 2022

« On sent une démobilisation chez les agriculteurs », a indiqué Martial Foucault, directeur du Centre d’études de la vie politique française (Cevipof). Selon ses études, leur participation à la prochaine élection présidentielle serait inférieure de 20 points à celle de la moyenne nationale : seulement 45 % contre 65 %. Quant à leur vote, généralement modéré, il aurait tendance à se « radicaliser ». Si Emmanuel Macron recueille 29 % des intentions de vote de la part des exploitants, ils sont 24 % à déclarer vouloir voter pour Éric Zemmour, 13 % pour Jean-Luc Mélenchon, 10 % pour Marine Le Pen, mais seulement 7 % pour Valérie Pécresse et 5,5 % pour Yannick Jadot.