EXCLU WEB / La Confédération de Roquefort dénonce le Nutri-score

Alors que le logo Nutri-score  devrait être étendu à l’ensemble des produits alimentaires, et dans tous les pays européens,  d’ici la fin de l’année, la Confédération de Roquefort a tenu une table ronde au salon de l’agriculture pour dénoncer les contresens de cette signalétique. 

EXCLU WEB / La Confédération de Roquefort dénonce le Nutri-score

Sur l’échelle de A à E et du vert au rouge du Nutri-score, le Roquefort, ce fromage de brebis renommé, l’une des plus anciennes AOP de France, est noté « rouge » et « E ». Pour Anthony Soulié, éleveur et producteur de lait à Roquefort, « C’est une sanction, ça fait mal au cœur. Je n’irais pas vers le public avec la note E. Je n’aurais pas la même fierté, je me sentirais coupable ». Pour les éleveurs, cette note E et ce rouge constituent un affront. Comment, en effet, stigmatiser un fromage fabriqué uniquement avec du lait cru, du sel et du pénicillium, sans aucun agent de texture ou autre additif ? Comment expliquer qu’un soda « light » reçoit la note « B » quand le roquefort écope d’un E ?

Usages locaux

Frédéric Monod, directeur de la Fromagerie des Cévennes et qui fût l’un des premiers à alerter sur le Nutri-score en 2019, estime que les produits notés D ou E subissent déjà des baisses de vente de 3 à 4 %. Face à ces menaces, la filière fromagère aveyronnaise est bien décidée à riposter contre ce classement. Arnaud Viala, président du Conseil départemental de l’Aveyron, affirme que ce E devrait plutôt être celui de « l’Exception » : « tous les élus du département veulent obtenir l’exemption de cette notation pour ces produits qui relèvent de l’Exception ». Ces appellations fromagères qui respectent des usages loyaux et constants et qui reposent sur une histoire, un terroir et une recette. « C’est faire erreur, ajoute-t-il, de rendre le consommateur passif, et de lui dire n’achetez pas du Roquefort mais plutôt du yaourt allégé. La valeur nutritionnelle d’un produit ne peut pas être calculée par une barrette ».

« Trop simple et grossier »

Éric Andrieu, parlementaire européen socialiste, membre de la commission de l’agriculture, partage ces analyses mais reste favorable au Nutri-score : « le Nutri-score est adapté aux produits transformés mais pas à nos AOP.  Si nous allons à la confrontation, on ne gagnera pas car le combat pour la santé primera. Il faut donner l’information sans pour autant induire l’acte d’achat, et surtout ne pas uniformiser l’ensemble de la production agricole ». Pour cette raison, le professeur Philippe Legrand, directeur du laboratoire de Biochimie et de Nutrition humaine à l’Inserm, est favorable à une sortie des aliments simples du Nutri-score. « Le Nutri-score a le mérite d’exister pour améliorer la santé publique, mais il est un peu daté, trop simple et grossier ». Ce système de notation met trop l’accent sur les lipides, le sucre et le sel, sans prendre suffisamment en compte les vitamines, les protéines et les micro-nutriments. Même dans le cas des lipides, il passe à côté de ceux qui sont intéressants, comme les oméga 3. « Le Nutri-score reste crédible pour les produits industriels, mais même dans ce cas, son algorithme doit être révisé », estime ce professeur.

Farm to Fork

Sébastien Vignette, secrétaire général de la Confédération de Roquefort, ajoute un autre argument, celui de la quantité. Le Nutri-score calcule en fonction de portions de 100 grammes, or la consommation moyenne des Français, recommandée par le Plan National Nutrition Santé, est de 30 grammes de fromage par jour. « L’information ne doit pas être tronquée, le Nutri-score va punir plus que participer à l’éducation » poursuit-il. Reprenant l’idée d’Arnaud Viala, le député du Cantal Vincent Descoeur a déposé fin janvier une proposition de loi pour que les produits AOP et IGP soient exemptés du Nutri-score. L’Union européenne devra préciser comment la stratégie Farm to Fork entend promouvoir une alimentation plus saine d’un point de vue nutritionnel sans nuire pour autant aux spécificités régionales que sont les appellations d’origine.