Condamnation d'un éleveur
EXCLU WEB / Un jugement hors sol

Louis Saisseval 
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Un éleveur de Saint-Aubin-en-Bray (Oise), Vincent Verschuere, a été condamné par la Cour d’appel d’Amiens, le 9 mars, à verser 102.000 euros de dommages et intérêts à des voisins. Ceux-ci se plaignaient du bruit et de l’odeur de vaches… Pour la justice qui a fait droit aux demandes des plaignants, il y avait et il y a manifestement « troubles anormaux du voisinage » de la part de l’agriculteur. Lundi, réuni en conseil d’administration à Jalogny, la FDSEA et les JA de Saône-et-Loire ont lancé une pétition pour les soutenir.

Les riverains de l’agriculteur peuvent donc ouvrir le champagne. C’en est fini ou presque de l’exploitation de Vincent Verschuere, 33 ans, qui après avoir investi plus de 600.000 euros dans son exploitation, n’a bien évidemment plus le sou pour payer cette somme colossale !

Que lui reste-t-il ? Des bâtiments vides pour empêcher les nuisances. Que va-t-il devenir ? lui-même s’interroge…

Tout est choquant dans cette affaire : en premier lieu, le fait que le bâtiment, qui a été édifié il y a plus de dix ans pour réaliser une mise aux normes de l’exploitation familiale, a coché toutes les cases juridiques et administratives. On reste interloqué face au jugement de la Cour d’Appel qui, au mieux fait fi des règles de droit en vigueur ou au pire, les connaît et les reconnaît mais s’assoit délibérément dessus…

En deuxième lieu, on ne peut que s’interroger sur l’acharnement dont l’agriculteur a été la victime expiatoire depuis plus de dix ans. Les plaignants n’ont cessé depuis des années de multiplier les recours en cherchant à annuler les permis de construire, en demandant des indemnités et la démolition du bâtiment…

En troisième lieu, il est choquant que Vincent Verschuere soit contraint d’indemniser trois plaignants qui n’habitent plus aujourd’hui la commune.

En quatrième lieu, à quoi sert-il que les parlementaires aient voté le 29 janvier 2021 une loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises ? Le meuglement des vaches, l’odeur du fumier et du lisier, le chant du coq, le son des cloches de l’église, etc. ne constituent-ils pas l’ADN même de la vie agricole et rurale ? Comment peut-on à ce point méconnaître cette loi et les réalités qui l’accompagnent ? Quand bien même les décrets d’applications ne sont pas encore publiés, y avait-il urgence à statuer comme le réclamait l’avocate de Vincent Verschuere ?

À l’évidence, cet arrêt de la Cour d’appel est empreint d’une grande et terrible injustice. Pis, il fait planer sur l’ensemble des agriculteurs français le spectre de conflits multiples et sans fin ! Comment à l’heure où les politiques dans leur ensemble défendent la souveraineté alimentaire, la justice peut-elle venir ruiner, avec une simple décision, un si bel et indispensable objectif ? Face à un jugement hors sol, on se sent parfois très démuni…