Diarrhées néonatales et maladies respiratoires des veaux
La stratégie vaccinale paye

Cédric MICHELIN
-

Un essai sur plus de 800 vaches laitières a démontré tout l’intérêt d’une double vaccination des mères pour protéger le jeune veau contre les diarrhées néonatales et les maladies respiratoires. Le risque de mortalité est divisé par 4,5 et les veaux ont un poids supérieur à leurs congénères nés de vaches non-vaccinées.

La stratégie vaccinale paye
L’effet troupeau, qui dépend du statut immunitaire du groupe qui partage le même bâtiment, joue un rôle important dans la santé des lots de veaux de boucherie.

La vaccination des mères est une méthode efficace pour protéger les veaux à naître contre les pathologies digestives et respiratoires, à conditions bien sûr que l’agent causal principal ou le risque ait été identifié et qu’une solution vaccinale (ce qui n’est pas le cas pour toutes les maladies) MANQUE UN MOT : existe ?. C’est ce que démontre une étude à grande échelle, l’essai Veau2+, qui a été conduit dans 40 élevages laitiers, sur 819 vaches gestantes, dont les veaux mâles étaient destinés à l’engraissement. « À ce jour, Veau2+est le seul essai ‘’terrain’’ qui combine les deux vaccinations (contre les diarrhées des jeunes veaux et contre les maladies respiratoires) sur les vaches laitières en fin de gestation et qui s’intéresse aux effets indirects en élevage de veaux de boucherie », indique Béatrice Mounaix, de l’Idele.

Principales causes de mortalité

« Les diarrhées et les maladies respiratoires constituent les deux principales causes de mortalité des veaux », introduisent les quatre chercheurs responsables de l’étude lors des rencontres 3R de décembre dernier. Les diarrhées sont d’origine alimentaire et/ou infectieuse. Les diarrhées infectieuses s’observent généralement dès les premières semaines de vie. Elles sont dues à des bactéries, des virus et/ou des parasites. 
« Au cours de la vie des veaux de boucherie, les 45 premiers jours d’engraissement sont les plus risqués vis-à-vis des bronchopneumonies. Elles impliquent généralement des virus et des bactéries, tels le VRSB et M.haemolytica, agents majeurs de bronchopneumonies, inclus dans les valences de certains vaccins », poursuivent les chercheurs. Les signes d’infection respiratoire sont parfois frustes et souvent trop tardifs pour permettre une bonne détection et une guérison sans dégradation des performances. Le taux de rechute des maladies respiratoires peut notamment dépasser les 50 % et le recours à des traitements collectifs est fréquent. L’exposition aux antibiotiques est ainsi considérée comme élevée dans les ateliers spécialisés d’engraissement de veaux de boucherie. Les veaux sont considérés comme des réservoirs importants de bactéries résistantes aux antibiotiques et des études en Europe ont démontré un lien entre l’usage des antibiotiques dans ce type d’élevage et le développement de l’antibiorésistance.

Limiter le recours aux antibiotiques

Dans l’essai conduit par l’Idele, les 819 multipares gestantes sélectionnées ont toutes reçu une injection de Rotavec Corona® (contre les diarrhées néonatales à Rotavirus, Coronavirus ou E.coli) et deux injections de Bovilis Bovigrip® (contre les bronchopneumonies infectieuses causées par les virus PI3, VRSB et par la bactérie Mannheimia haemolytica) espacées de quatre semaines. Les calendriers de vaccination ont été élaborés pour chaque éleveur au moment de leur recrutement de manière à ce que ces deux vaccinations soient abouties au plus tard trois semaines avant la date de vêlage prévue. La distribution (biberon ou drencheur) de quatre litres de colostrum de la mère vaccinée à son veau (mâle ou femelle) dans les six heures après la naissance a également été recommandée. Un cahier de suivi a permis de noter les conditions de cette distribution pour chacun des veaux nés de mère vaccinée. Entre novembre 2017 et février 2018, 431 veaux ont été collectés et regroupés dans dix ateliers d’engraissement : 211 veaux mâles nés des mères vaccinées (V2+) et 220 veaux dont l’historique de vaccination des mères était inconnu (Tvt). Dans chaque atelier, une salle a été consacrée à l’essai regroupant les V2+ d’un côté de la salle et les veaux Tvt de l’autre côté, séparés par le couloir d’alimentation.
« L’essai a montré un impact positif significatif de la double vaccination des mères sur l’état clinique des veaux à l’arrivée en atelier d’engraissement, avec moins d’animaux présentant des signes d’atteinte respiratoire », résument les chercheurs, avant de détailler les avantages de la stratégie sur les différentes composantes de l’élevage des veaux.

Mortalité mieux maîtrisée

À commencer par le poids à l’arrivée en atelier d’engraissement, à âge moyen égal : les V2+ étaient significativement plus lourds (en moyenne 1 kg de plus) que les veaux Tvt. Malgré une forte diversité des pratiques de traitements entre ateliers, les V2+ ont reçu en moyenne un traitement antibiotique de moins (2,9 traitements) que les veaux Tvt (3,5 traitements) pendant les 45 premiers jours d’engraissement. Sur les 431 veaux suivis dans l’essai, 32 sont morts : six V2+ et 26 Tvt. Malgré la forte variabilité entre ateliers, cet écart est significatif : les Tvt avaient un risque relatif de mortalité presque cinq fois plus élevé que les V2+. La mortalité a surtout été observée avant J45, mais des mortalités sont advenues ensuite, notamment dans les lots de Tvt. Les autopsies réalisées sur 20 veaux morts confirment que les troubles respiratoires représentaient la cause la plus fréquente de mortalité (35 % des animaux morts autopsiés). « L’essai Veau2+ démontre un impact positif de la prise de colostrum de mères doublement vaccinées sur la robustesse des veaux lors de leur entrée en atelier d’engraissement : des effets sur l’état sanitaire et le poids à l’entrée en engraissement, et des conséquences sur le nombre de traitements et le risque de mortalité ». Ces résultats suggèrent aussi que les principaux bénéfices se révèlent pendant la phase de démarrage (pour les élevages naisseurs) et en début d’engraissement, notamment pendant la période sensible des 45 premiers jours, puis ils peuvent être atténués par les conditions d’élevage.

Alexandre Coronel

Conseil pratique : vacciner au bon moment... et en sécurité !
D’un prix modique, le pèse-colostrum permet d’évaluer facilement la qualité d’un colostrum en mesurant sa densité, qui reflète assez bien sa richesse en immunoglobulines.

Conseil pratique : vacciner au bon moment... et en sécurité !

L’intérêt de la vaccination des vaches pour protéger la santé de leurs veaux repose sur le fait que les mères soient en capacité de s’immuniser (équilibre de la ration et absence de carences graves en vitamines ou oligoéléments, parasitisme géré préalablement, absence de pathologies intercurrentes). Pour que le veau s’immunise, il faut aussi qu’il ait absorbé précocement une quantité suffisante de colostrum de bonne qualité. On peut estimer celle-ci à l’aide d’un pèse-colostrum.
Pour une efficacité optimale de la vaccination, il est nécessaire de connaître le stade de gestation. Cela permet d’effectuer les vaccinations au moment opportun, conformément au protocole de vaccination propre à chaque vaccin. Si cela implique de manipuler et de contenir les mères à une période où elles sont au pâturage, un équipement de contention facilement utilisable est nécessaire.

Bien conservé et bien préparé

Les vaccins sont des produits biologiques sensibles aux écarts de température : à conserver au frais et à utiliser très rapidement après ouverture. Choisir le conditionnement (1 dose, 5 doses, 10 doses...) en fonction du nombre de mères susceptibles de mettre bas sur une courte période. Le respect de la chaîne du froid est indispensable. La reconstitution du vaccin doit donc se faire au dernier moment avec du matériel adapté. Ne jamais désinfecter ce matériel avec de l’alcool ou un désinfectant qui pourrait inactiver le vaccin.