Dépêche juridique
L’échange parcellaire regroupe plusieurs réalités

SERVICE JURIDIQUE DU GROUPE FDSEA 71 
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L’échange parcellaire est un acte par lequel les parties s’accordent pour échanger une ou plusieurs parcelles dans l’objectif d’améliorer les conditions d’exploitation. Le code civil définit l’échange comme « le contrat par lequel les parties se donnent respectivement une chose pour une autre ». 

L’échange parcellaire regroupe plusieurs réalités

L’échange parcellaire regroupe plusieurs réalités. 
Il peut se rapporter tout d’abord à l’échange en jouissance, dans le cadre d’un bail rural, prévu par l’article L. 411-39 du code rural. 
Quand on parle d’échange parcellaire, on peut également faire référence à l’échange en propriété. Ici, les parcelles vont changer de propriétaire. La question est alors de savoir quelles seront les conséquences sur le bail rural. 

L’échange en jouissance dans le cadre d’un bail rural 

En principe, le bail rural est incessible et le preneur doit exploiter personnellement le bien. 

Toutefois, l’article L. 411-39 du code rural dispose que : 
« Pendant la durée du bail, le preneur peut effectuer les échanges ou locations de parcelles qui ont pour conséquence d’assurer une meilleure exploitation. Les échanges ne peuvent porter que sur la jouissance et peuvent s’exercer sur tout ou partie de la surface du fonds loué […] ». 

Ainsi, il est permis au preneur, sous certaines conditions, d’opérer un échange en jouissance des parcelles objet du bail dont il est titulaire. 

Cet échange en jouissance est encadré par le code rural. 

Les conditions de l’échange en jouissance

L’opération envisagée doit avoir pour effet d’améliorer l’exploitation du fonds. 

Les échanges ne peuvent porter que sur certaines superficies. Le code rural prévoit que la superficie pouvant être échangée est publiée par arrêté préfectoral. 

En Saône-et-Loire, l’arrêté du 30 janvier 2018 fixant les conditions d’application du statut du fermage dans le département de Saône-et-Loire prévoit que : 

« La surface du fonds susceptible d’être échangée ne peut être supérieure aux valeurs suivantes : 

Pour la Bresse louhanaise, le Brionnais, le Clunisois et le Mâconnais : 12,2 ha ;
Pour le reste du département : 19,2 ha ». 

Le preneur qui souhaite effectuer un échange en jouissance doit également notifier préalablement l’opération envisagée au bailleur par courrier recommandé avec accusé de réception. 

Le bailleur qui s’oppose à l’échange doit saisir le tribunal paritaire des baux ruraux (TPBR) dans un délai de deux mois à compter de la réception de l’avis du preneur. En absence de saisine du tribunal, il est réputé avoir accepté l’échange. L’absence de notification est sanctionnée tant par la nullité de l’opération que par la résiliation du bail, si le bailleur arrive à démontrer un préjudice. 

En effet, l’article L. 411-31 du code rural prévoit que le bailleur peut demander la résiliation du bail s’il justifie de toute contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application de l’article L. 411-39 si elle est de nature à lui porter préjudice. 

À titre d’exemple, la Cour de cassation, dans un arrêt du 17 novembre 2021, a confirmé la résiliation du bail à raison d’un échange de parcelles, non autorisé par le bailleur, au mépris des exigences de l’article L. 411-39 du code rural. 

Le préjudice du bailleur, venant justifier la résiliation, est qualifié du fait que le coéchangiste du locataire a dégradé le fonds loué en arrachant une haie vive et en retournant une pâture mise à sa disposition. 

Néanmoins, il est également admis par la jurisprudence que l’accord du bailleur puisse intervenir en dehors de la notification, il peut même être verbal ou tacite.  

    Les effets de l’échange sur le rapport contractuel 

Par principe, la relation contractuelle reste inchangée. En conséquence, l’échange ne peut perdurer au-delà de la durée du bail. 

Il n’y a pas de substitution dans la qualité du preneur à bail. L’exploitant reste donc titulaire de son bail, et des obligations qui en découlent. Ainsi, c’est lui qui sera tenu de payer les fermages, qui disposera du droit de préemption et de la possibilité de céder le bail. 

Également, il sera tenu de la bonne exploitation du fonds. Ainsi, un preneur peut voir son bail résilié si le coéchangiste, par son insuffisance, compromet la bonne exploitation du fonds. 

    Comment préparer son échange en jouissance

Il est important pour les coéchangistes d’établir une convention écrite afin de formaliser l’échange en jouissance. La durée est libre, toutefois elle ne peut dépasser la durée du bail rural.

Les coéchangistes devront également modifier leurs déclarations Pac et MSA, afin de refléter les nouvelles parcelles exploitées. 

Enfin, s’il y a une différence de taille entre les parcelles échangées, il est nécessaire de déterminer si des démarches seront à entreprendre pour l’autorisation d’exploiter. 

L’échange parcellaire en propriété

L’échange parcellaire peut également faire référence à un échange en propriété. Il existe deux procédures d’échange rural en propriété : celle applicable dans un périmètre d’aménagement foncier et celle applicable en dehors d’un tel périmètre. 

Dans la première hypothèse, l’échange amiable est par nature contraignant et s’impose aux propriétaires, puisque l’initiative de l’échange appartient à l’autorité administrative. 

Dans la seconde hypothèse, les propriétaires prennent l’initiative de se donner deux biens l’un pour l’autre. 

    Effets de l’échange sur le bail rural 

Que l’échange soit effectué dans un périmètre d’aménagement foncier ou non, il va emporter des conséquences similaires sur le bail. 

Le code rural prévoit qu’en cas d’échange en propriété, les baux seront reportés sur les nouvelles parcelles du bailleur. En effet, on considère que le preneur est titulaire d’un droit personnel et qu’il est à ce titre engagé vis-à-vis d’une personne. L’échange est donc sans incidence sur la personne du bailleur et le bail est reporté sur les nouvelles parcelles en propriété. 

L’opération ayant des conséquences importantes sur l’exploitation du preneur, l’échange doit lui être notifié par le bailleur. 

Le preneur peut alors faire opposition au transfert de ses droits. L’acte d’échange est soumis, dans ce cas, à l’homologation du président du tribunal judiciaire avant sa publication au service de la publicité foncière. 

Le juge saisi de l’opposition doit s’assurer que l’échange ne fait pas obstacle aux droits que le preneur tire de son bail et que les effets de celui-ci peuvent être reportés sur les nouvelles parcelles. Par exemple, les droits du preneur ne peuvent être transférés sur les parcelles nouvellement acquises lorsqu’il s’agit de terrains à bâtir destinés à l’édification d’un groupe scolaire, car le preneur ne pourra pas cultiver le fonds. 

Si l’échange est homologué par le juge, le preneur peut accepter le report du bail sur les nouvelles parcelles ou alors obtenir la résiliation totale ou partielle de celui-ci, sans indemnité, dans la mesure où l’étendue de sa jouissance est diminuée. 


    Échange en propriété et droit de préemption 
    
Par principe, le preneur ne peut exercer son droit de préemption lorsqu’il s’agit d’un échange, même avec soulte, de parcelles de terre de l’exploitation contre d’autres parcelles ou biens ruraux en vue d’opérations assimilables à des opérations d’aménagement foncier agricole et forestier ou rentrant dans le cadre de telles opérations (article L. 412-3 du code rural). Cette exception a été étendue par la Cour de cassation à tous les échanges en propriété, dans la mesure où le fermier n’est pas en mesure d’offrir au bailleur le bien rural déterminé que celui-ci désire acquérir. 

En conséquence, le fermier ne dispose pas de droit de préemption lorsque le bailleur veut procéder à un échange en propriété de parcelles. 

L’exception à ce principe est la fraude au droit de préemption du preneur. Dans ce cas, le code rural prévoit la possibilité pour le preneur d’exercer une action en nullité de l’échange et en dommages-intérêts. 

Tel pourrait être le cas si, dans le cadre d’un échange avec soulte, celle-ci étant tellement importante, qu’elle transformerait le contrat en vente. 

Également, une fraude pourrait être caractérisée si l’échange est accompagné d’une revente quasi-simultanée du bien échangé. 

Il appartient alors au preneur d’apporter la preuve de la fraude.