Élections régionales
Quelle agriculture régionale veulent-ils ?

À l’invitation de la FRSEA et des JA de Bourgogne Franche-Comté, les candidats ou les représentants de candidats à la présidence de la Région sont venus débattre dans une ferme de Saône-et-Loire, à Cordesse, la semaine passée.

Quelle agriculture régionale veulent-ils ?

« Ce qu’on n’aime pas en agriculture, c’est les mouvements de balancier, l’incertitude, les changements brutaux d’orientation... ». Par ces propos, Bernard Joly, président de l’abattoir d’Autun, résumait très bien la teneur globale des échanges tenus le 1er juin, à l’occasion de la rencontre organisée par la FRSEA Bourgogne Franche-Comté (BFC) et les JA BFC, dans le cadre des élections régionales. Le monde agricole et les candidats, ou leurs représentants, s’étaient donnés rendez-vous au Gaec Brocard, à Cordesse (lire également notre précédente édition), en Saône-et-Loire et en limite de la Côte-d’Or. À vingt jours du premier tour de scrutin, la FRSEA voulait aborder avec les forces en présence certaines grandes thématiques : la souveraineté alimentaire, le renouvellement des générations, l’économie agricole, le lien avec les territoires, le changement climatique, la transition agro-écologique... Largement de quoi englober l’agriculture régionale et la vision que cherche à développer chacun des candidats. Autant de thèmes, également, pour lesquels les agriculteurs réclament de la stabilité, du temps pour évoluer, et une juste rémunération liée à leurs efforts et leurs pratiques.

À la question du loup...

L’occasion pour les éleveurs présents de poser la question clivante des attaques de loup dans nos zones d’élevage. Pour Olivier Jacquand, agriculteur en Côte-d’Or et représentant de Denis Thuriot (REM), le loup n’a rien à faire en BFC. Marie-Guite Dufay (PS) a estimé pour sa part qu’il faut obtenir pour les éleveurs ovins le statut d’exploitation non-protégeable, qui facilite les prélèvements de loups. Sur cette question, la représentante des écologistes, Claire Mallard, était très attendue et elle ne s’est pas dérobée : elle considère qu’on doit faire avec le loup car des solutions de cohabitation entre le prédateur et les éleveurs existent déjà et qu’il faut s’en inspirer, en co-construisant avec les éleveurs. 

Cautionnement, compensation, majoration...

Autre thématique sur laquelle les candidats étaient attendus : l’installation de jeunes. En l’espèce, Olivier Jacquand estime que la Région devrait pouvoir apporter un cautionnement de garanties bancaires afin de faciliter les installations, intervenant ainsi en complémentarité des dispositifs déjà existants. Pour Marie-Guite Dufay, il importe d’être vigilant dans ce domaine, notamment sur la baisse des taux d’intervention du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). La présidente sortante propose que la Région intervienne en compensant cette baisse. Du côté des écologistes, on affiche la volonté de majorer la Dotation jeune agriculteur (DJA) dans le cas de projets de proximité, et de porter la limite d’âge concernant cette dotation de 40 à 50 ans. « Nous souhaiterions aussi créer des comités d’installation au niveau des collectivités », concluait Claire Mallard. Daniel Prieur (LR), pour sa part, rappelait que si la diversité des projets d’installation est une bonne chose, il ne faut pas perdre de vue l’essentiel : « Rien ne peut fonctionner si l’on oublie la valeur ajoutée. Il faut orchestrer et calibrer les choses par rapport aux bassins de population ». Sur le revenu des agriculteurs, Marie-Guite Dufay propose de « mouiller » les moyennes surfaces, afin qu’elles s’approvisionnent en productions locales à des prix justes. La présidente sortante rappelait aussi l’importance de la marque "Juste et Local" promue par la Région. Laurent Miermont (Le Temps des Cerises) soulignait combien la production régionale pouvait être malmenée sur les marchés mondiaux et pointait aussi l’importance de l’endettement agricole : « on se pose bien la question de la nécessité de rembourser la dette publique, ne faudrait-il pas également s’interroger sur la possibilité  d’annuler la dette de certains agriculteurs... » 

Une agriculture pas univoque

La valorisation de proximité, à grand renfort de circuits courts, les candidats ou leurs représentants sont tous d’accord pour la favoriser. Néanmoins, plusieurs représentants du monde agricole, notamment Emmanuel Bernard (président de la FDSEA 58), Christian Bajard (président FDSEA 71) ou encore Jacques de Loisy (Comité régional des céréales), rappelaient qu’on ne peut pas bâtir une politique agricole régionale cohérente de manière univoque, opposant le bio au conventionnel ou les circuits courts à l’export : « Il faut une agriculture diverse, soulignait Damien Brayotel (président FDSEA 89). Ce que nous attendons de la Région ne se limite pas à des subventions. Il nous faut aussi une parole publique qui soutienne l’agriculture et ne pas oublier que, tous les jours, nous progressons dans nos pratiques. Il y aura aussi sans doute nécessité de reconstruire une Mesure agro-environnementale (MAE) au niveau régional ». On le voit, ces élections régionales suscitent beaucoup d’attentes dans le monde agricole. Elles se trouvent aussi à la charnière de multiples préoccupations liées à la gestion de l’eau, à la production d’énergies renouvelables, à la vitalité économique et territoriale. Des préoccupations qui, d’une manière ou d’une autre, entrent en correspondance avec de nombreux axes choisis par les différentes listes présentes dans cette élection. Le tout étant de faire en sorte qu’on évite le mouvement de balancier tant redouté par Bernard Joly...

Berty Robert

Presque toutes les tendances représentées

Presque toutes les tendances représentées

La quasi totalité du prisme politique régional avait répondu présent à l’invitation de la FRSEA et des JA BFC. Toutefois, seule Marie-Guite Dufay (PS), présidente sortante du Conseil régional, avait fait le déplacement en tant que tête de liste. Les autres personnes présentes étaient : 
- Olivier Jacquand (représentant Denis Thuriot, REM et agriculteur en Côte-d’Or),
- Claire Mallard (tête de liste Écologistes et Solidaires en Saône-et-Loire, représentant Stéphanie Modde),
- Laurent Miermont (représentant Bastien Faudot, Le Temps des Cerises),
- Daniel Prieur (représentant Gilles Platret, LR, et agriculteur dans le Doubs).
Le rassemblement national (RN) et Lutte ouvrière (LO) n’avaient pas de représentant. 

Le programme de la FRSEA et des JA BFC

À l’occasion des prochaines élections régionales, la FRSEA et les JA Bourgogne Franche-Comté ont élaboré des propositions pour l’agriculture de la région. Ces propositions ont été présentées aux différentes listes. Dans un contexte en pleine évolution, les agriculteurs considèrent qu’il faut anticiper les transitions pour mieux répondre aux besoins des marchés et apporter des solutions aux grands enjeux de société, dans un contexte nouveau.

Pour cela, il est indispensable de prendre en compte :
-    le changement climatique ;
-    les nouvelles demandes sociétales en concertation avec la profession ; 
-    le renouvellement des générations et la juste rémunération des producteurs. 
Afin d’assurer notre souveraineté alimentaire et d’offrir de réelles perspectives au monde agricole, nous devons nous appuyer sur :
-    des ressources humaines moteur des initiatives ;
-    une économie agricole solide ;
-    une agriculture en équilibre avec ses territoires et son milieu.

Une politique agricole régionale ambitieuse nécessite la mise en place d’actions concrètes, au service d’une stratégie partagée, avec des mesures efficaces comme : le soutien à l’installation et à la transmission, l’appui aux bâtiments et aux équipements du futur, l’encouragement au développement des filières et à la contractualisation, l’accompagnement des projets et des démarches de progrès (énergies renouvelables, stratégie « bas carbone », stockage de l’eau et nouvelles pratiques, etc.).

Pour une agriculture durable conciliant économie, environnement et conditions de vie.