Analyse
Les marchés du bio face à un tournant

Les marchés des produits biologiques traversent une période pleine de turbulences, dans laquelle il est nécessaire de se réinventer. 

Les marchés du bio face à un tournant
Vincent Bascoul, président du Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes. ©APr

« À la suite de l’épidémie de Covid-19 qui laissait entrevoir un monde d’après plus collaboratif, plus responsable et plus bio, nous nous retrouvons dans un monde fragilisé où le bio est déstabilisé », a déclaré Vincent Bascoul, président du Cluster bio Auvergne-Rhône-Alpes, lors de l’assemblée générale du 3 mai dernier à Alixan (Drôme). Ce jour-là, le réseau des entreprises bio de la région a dressé un état des lieux des marchés des produits biologiques. « L’année 2021 a été marquée par un recul de 3,1 % des ventes de produits bio (alimentaire, hygiène, beauté) par rapport à 2020 dans les grandes surfaces alimentaires », a indiqué Nadège Peteuil, consultante senior pour IRI Worldwide. « Dès le premier trimestre 2021, la part de marché du bio dans les GSA ne s’est plus développée. Nous sommes dans une situation inédite, après de nombreuses années de croissance euphorique pour le bio. Pour la première fois, nous avons une inversion entre la vente de produits biologiques et celle de produits non biologiques », a-t-elle poursuivi. Pourtant, le bio faisait, pour tout ou partie, la croissance des GSA ces dernières années. « Pratiquement tous les rayons sont en négatif. Les deux seuls où le bio résiste aujourd’hui concernent les bières et cidres, les spiritueux et champagnes, des rayons où le poids du bio est encore petit. C’est dans les rayons où le bio pèse le plus lourd que les difficultés sont les plus marquées, à l’image du rayon crèmerie (- 8,5 %). D’une manière générale, l’ensemble des acteurs constatent une contraction de leurs ventes en bio.  Aujourd’hui, le bio ne peut plus compter sur le développement de l’offre. Nous sommes même dans un processus de rationalisation des produits en GSA, avec une réduction de l’assortiment de produits. En hypermarchés, près de 10 % des produits proposés sont biologiques, alors que la part du marché est de seulement 4,4 % », a détaillé Nadège Peteuil. 

Redéployer une stratégie commerciale

Loïc Danel, directeur général de Biotopia Insights, a dévoilé l’état de santé des magasins biologiques. « Nous sommes à l’aube d’un véritable tournant, mais il ne faut pas céder à la panique. Il faut se réinventer », a-t-il dit. Il a également rappelé que depuis une dizaine d’années, la croissance endémique était assez faible et essentiellement portée par le développement des points de vente. La concurrence entre magasins bio mais aussi avec les GSA est plus élevée que jamais. « On remarque d’ailleurs que les consommateurs fragmentent de plus en plus leurs achats selon le bénéfice de chaque circuit », a-t-il commenté. Pour regagner du terrain, les magasins bio doivent avoir une meilleure visibilité sur internet avec des services en ligne (livraison à domicile, paniers bio, livraison de paniers repas), une plus grande approche avec les produits locaux, le respect d’une meilleure saisonnalité des produits frais, le renouvellement de la confiance, etc. « Revenons aux consommateurs, à leurs attentes, à leurs besoins », a insisté Loïc Danel. 

Une dispersion de la demande

Par ailleurs, le changement des modes de consommation des Français est un enjeu majeur. Aujourd’hui, tous nos concitoyens veulent mieux consommer. Et aujourd’hui, des labels et mentions viennent répondre à cette demande. Le bien consommer est priorisé au détriment du bio qui perd en visibilité. À cela s’ajoute la question des prix, un frein majeur à l’expansion de la demande en bio. D’ailleurs, l’arbitrage financier du consommateur se fait plus que jamais ressentir, dans un contexte inflationniste important. « Les produits bio sont jugés trop chers au regard des consommateurs. 28 % n’ont d’ailleurs pas confiance au bio. Il va être urgent de réexpliquer les fondamentaux du bio, de mettre l’accent sur la pédagogie et expliquer aux consommateurs pourquoi il est nécessaire de consommer bio, pourquoi cela coûte plus cher et à quoi correspond ce surcoût », a alerté Nadège Peteuil. 

Une situation qui tend à s’aggraver

En moyenne, en GSA, une différence de prix de + 57 % est remarquée entre un produit bio et un produit conventionnel. Selon Nadège Peteuil, le bio est le parent pauvre des promotions dans les GSA. « Les produits bio sont beaucoup moins mis en avant, et pourtant, améliorer l’image prix est l’une des solutions », a-t-elle ajouté.
Pour le début d’année 2022, la situation a tendance à s’aggraver. « Les ventes de bio connaissent un recul de 7 % dans tous les circuits : hypermarchés, supermarchés, e-commerce et drive, enseignes de proximité, hard discount, etc. C’est vraiment l’alimentaire bio qui impulse ce repli », a confirmé Nadège Peteuil. 

Amandine Priolet