Prix consommateurs
Table-ronde : le prix et le consommateur au centre des débats

Mis en ligne par Cédric MICHELIN
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Les 3, 4 et 5 juillet derniers, se sont déroulées, par visioconférence, les 20e rencontres économiques d’Aix-en-Provence, sur le thème général : « Agir face aux dérèglements du Monde – on va s’en sortir ! ». Une table-ronde consacrée à « consommer à l’heure des grands dérèglements », a tenté de définir les attentes du consommateur dans le « monde d’après » afin que la chaîne alimentaire puisse s’y adapter.

Table-ronde : le prix et le consommateur au centre des débats

S’il est indéniable que la crise sanitaire a réduit notre consommation au strict nécessaire et qu’elle s’est révélée être un marqueur de ruptures, il est en revanche probable que les consommateurs vont « adapter leurs modes d’achat et de consommation, dans les mois à venir », a indiqué Guillaume Charlin, directeur général du bureau de Paris du Boston Consulting Group (BCG). Quant à savoir s’il continuera à acheter en circuits courts, des produits bio, plus vertueux pour l’environnement, ou s’il reviendra à ses modes de consommation d’avant Covid, rien n’est sûr : « Il existe un décalage entre ce que le consommateur prétend vouloir, ce qu’il affirme vouloir et son comportement réel », a expliqué Laurent Vallée, secrétaire général du groupe Carrefour. « Un exemple : dans tous les sondages, c’est Arte la chaîne préférée des Français. Mais dans l’audimat, c’est toujours TF1 qui arrive en tête », a-t-il justifié. A cela s’ajoute le critère fondamental de l’acte d’achat que constitue le prix. « Si l’on veut amener le consommateur à consommer plus vertueux, il faut d’une manière ou d’une autre intégrer dans le prix final le coût des externalités négatives (1), ce qui renvoie, in fine, à l’échec éternel de la fiscalité environnementale », a précisé Anne Perrot du Cercle des économistes.

Dictature des prix bas

« Les produits les plus ‘distorsifs’, les plus faux en termes de prix sont les produits d’importation, car ils sont créés dans des conditions très différentes des nôtres en France », a insisté Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. Dénonçant « cette dictature des prix bas qui s’impose » aux agriculteurs français qui ne peuvent pas lutter contre ces différentes formes de dumping (social, environnemental…), elle s’inquiète que « nous ayons perdu des pans entiers de notre agriculture ». C’est notamment le cas pour les fruits et légumes : les importations ont augmenté sur le premier secteur de presque 70 % en dix ans, et de plus de 50 % pour le second secteur, sur la même période. Et la présidente de la FNSEA de rappeler que le Manifeste pour une souveraineté alimentaire solidaire propose un contrat tripartite Etat/Consommateurs/Producteurs. « L’Etat peut intervenir comme régulateur, notamment en taxant les biens polluants, les importations et les aliments qui conduisent à des problèmes de santé, comme l’obésité », a suggéré Anne Perrot.

Origine France et « Prix vert »

Chacun des intervenants (lire encadré) s’accorde à reconnaître que la confiance sera l’un des facteurs clés de la relance, « notamment sur l’origine France et le fait d’acheter français, car il existe une appétence des Français pour les productions locales, pour acheter français. Mais il ne faut pas tromper les gens sur ce concept », a averti Alain Bazot, président de l’UFC-Que choisir. Mais il a remarqué aussi que, dans bien des domaines, notamment les aliments transformés, il n’existe pas de réglementations, de normes, d’indicateurs de ce qui est français. A tout le moins a-t-il réclamé la mise en place d’un « prix vert » qui reflèterait le vrai coût environnemental de « notre consommation (fabrication, transports, déchets, etc.) ». Pour Laurent Vallée, l’environnement est d’ailleurs devenu une tendance lourde de notre société, à la confluence de nombreuses attentes sociales, pas toujours cohérentes. D’autant que le consommateur « fait un rapprochement très clair entre ce qu’il consomme et son état de santé », a ajouté Philippe Guillemot, directeur général d’Elior, qui réalise un bilan carbone des plats que ses unités fabriquent. Il assure que 53 % des plats servis sont réalisés à partir de produits français, un chiffre qui grimpe à 84 % pour les fruits frais. Entre prix vertueux, qualité des produits et prix rémunérateurs pour les producteurs, « il faudra créer les conditions de la confiance », ont affirmé plusieurs intervenants. Il est fort à parier que les arbitrages ne viendront pas que du seul consommateur.

[1]- Si les externalités positives (ou économies externes) désignent les situations où un acteur rend un service économique aux tiers sans être récompensé, les externalités négatives (ou déséconomies externes) désignent les situations où un acteur défavorise économiquement des tiers sans compenser le dommage.

Lutter aussi contre le gaspillage

Consommer plus vertueusement c’est également lutter contre le gaspillage, a indiqué Lucie Basch, fondatrice de l’application To Good to go (TGTG). En effet, lors de cette table-ronde, Philippe Guillemot, directeur général d’Elior, a indiqué que 15 % à 20 % de ce que sa société sert, dans les cantines et restaurants d’entreprise, à ses convives est gaspillé. Dans le monde, environ un tiers de la nourriture finit à la poubelle, soit 41 tonnes par seconde. Pour éviter ce gaspillage alimentaire qui représente en France l’équivalent de 8 % d’émission de gaz à effet de serre, TGTG propose à plusieurs dizaines de milliers de commerçants de se mettre en relation avec plusieurs millions d’utilisateurs de l’application. Le principe est simple : inciter les commerçants à écouler leurs produits invendus en fin de journée, permettre à des clients d'acheter avec de grands rabais. Aujourd’hui, ce sont « environ 100.000 repas qui sont sauvés par jour dans quatorze pays de l’Union européenne », a certifié Lucie Basch.