Eaux vertes urbaines
Quand l’agriculture valorise les eaux vertes urbaines

« Eau et agriculture : les services d’eau et d’assainissement pourvoyeurs de ressources vertes pour les cultures ». Tel était le thème du débat qui a rassemblé les acteurs des collectivités locales, de la filière eau et les agriculteurs lors du 22e Carrefour des gestions locales de l’eau (CGLE). 

 

Quand l’agriculture valorise les eaux vertes urbaines

De l’avis de Tristan Mathieu, délégué général de la Fédération professionnelle des entreprises de l’eau (FP2E), « nous sommes à un moment charnière entre l’eau et l’agriculture ». Il est vrai que le changement climatique - qui se distingue de plus en plus par des hivers doux et humides et des étés chauds et très secs - interroge sur la gestion de l’eau. « L’an dernier, 90 départements métropolitains avaient pris un arrêté sécheresse », rappelle Nicolas Garnier, délégué général de l’association Amorce *. De plus, les Assises de l’eau de 2019 ont acté la nécessité de réduire les prélèvements d’eau de 25 % d’ici une douzaine d’années. Dans ces conditions, il convient non seulement de protéger les sources et les captages mais également de « réutiliser les eaux usées traitées », indique Frédéric Van Heems, président de FP2E, « car la France est à la traîne sur ce sujet ». Selon ses chiffres, la France ne réutiliserait seulement que 0,6 % des eaux usées traitées (EUT), contre 10 % en Italie, 15 % en Espagne. À ce titre, 40 % de la production agricole de la région de Murcie est irriguée par des eaux traitées. En Israël, le taux de réutilisation atteint 80 %. À Singapour, les eaux recyclées fournissent même un tiers de l’eau potable et devraient en assurer 50 % en 2060. Dans un rapport de 2010, la FAO estimait que si la totalité des "eaux noires" était valorisée, on économiserait 30 % des engrais azotés et 15 % des engrais phosphatés. « En France on travaille encore trop en silo », explique le président de FP2E qui regrette l’absence du thème de l’eau de nombreux débats. « La convention citoyenne sur le climat ne l’a pas abordé. La loi Climat & Résilience en parle à peine », remarque-t-il. « L’eau est également absente des contrats de relance et de la transition écologique mis en place par Barbara Pompili », ajoute Nicolas Garnier.

Objectif : 10 %

Luc Servant, président de la Chambre régionale d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, rappelle que sur ce sujet, « nous partons de presque rien et que le consommateur-citoyen est de plus en plus vigilant sur la façon de produire des agriculteurs ». Il insiste sur la transparence à mettre en place d’un bout à l’autre de la chaîne, sous-entendu pour éviter de reproduire les scandales alimentaires précédents. « Le consommateur peut avoir des réactions parfois vives quand il apprend les modes de culture, que ce soit les eaux usées mais aussi les boues de stations d’épuration traitées (lire encadré) », affirme Luc Servant. Frédéric Van Heems se fixe, quant à lui, l’objectif de réutiliser les EUT à 10 % dans un avenir proche, sans en préciser le terme. Il restera ensuite à rémunérer correctement les agriculteurs pour les services rendus et à bien ficeler la communication qui pourra entourer ces missions. Sur le fond comme sur la forme, le débat est loin d’être clos.

Boues d’épuration : l’expérience concluante de Vichy

Christine Morin, directrice des services assainissement et gestion des déchets de Vichy Communauté, indique valoriser par an environ 2.000 tonnes de boues des stations d’épuration auprès d’une vingtaine d’agriculteurs. Ces boues sont préalablement traitées pour enlever les polluants, plastiques etc. Elles sont analysées mais aussi désodorisées avant d’être livrées aux agriculteurs qui les épandent selon un cahier des charges précis sur les 2.300 ha de prairies et de cultures. « Ces boues font l’objet de conseils agronomiques associé, d’un suivi personnalisé et d’une réunion de bilan », explique Christine Morin. Une enquête menée auprès des agriculteurs rapporte que 90 % d’entre eux sont satisfaits de la prestation qu’ils rendent à la collectivité. Cependant, la crise du Covid a contrarié les plans d’épandage et Vichy Communauté a dû, ces dernières semaines, s’orienter un peu plus vers le compostage, dont les capacités sont limitées. 

* Amorce est une association nationale des collectivités, des associations et des entreprises pour la gestion des réseaux de chaleur, de l’énergie, et des déchets.