Chambre d’agriculture de Saône-et-Loire
À la relance toute !

Cédric MICHELIN
-

Le 10 septembre à Jalogny, la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire s’est réunie en session, avec notamment le président du réseau APCA, pour débattre de ses missions et du rôle qu’elle doit jouer dans le développement des territoires.

À la relance toute !
La « proximité » des techniciens sur le terrain auprès des agriculteurs reste primordial pour Sébastien Windsor comme pour Bernard Lacour.

À l’heure où La Poste fait passer le permis de conduire, où le bureau de tabac collecte l’impôt, où chaque particulier est un auto-entrepreneur en devenir, où l’ubérisation des métiers est partout, où l’intelligence artificielle interroge l’avenir… la chambre d’agriculture de Saône-et-Loire a voulu se poser et surtout poser la question de ses « missions et son rôle pour l’agriculture sur les territoires ? ». La crise sanitaire – et économique – en cours en raison du Covid-19 interroge à tous les niveaux. Lors de la première vague et du confinement en France, les agriculteurs ont su répondre aux défis en cascade, ont su développer les circuits courts, ont su innover… en un temps record avec l’appui des chambres notamment. L’agriculture est revenue en odeur de sainteté et a repris sa place de production essentielle à la nation. Mais qu’en sera-t-il demain ? Les consommateurs vont-ils durablement changer ou revenir à leurs (mauvaises) habitudes d’avant ?
Pour le président du réseau des chambres d’agriculture (APCA), Sébastien Windsor, nul doute, « la crise du Covid a au moins démontré le rôle essentiel des chambres d’agriculture » : allant de l’accompagnement à la déclaration Pac (à distance) jusqu’aux soutiens aux circuits courts (réouvertures de marchés, Jveuxdulocal.fr…). Mais deux dossiers restent pour lui aujourd’hui prioritaires : l’installation d’agriculteurs pour renouveler les générations et l’adaptation au changement climatique.

160.000 cédants

La décennie à venir s’annonce en effet cruciale. « Notre projet national va consister à aller chercher les cédants et les accompagner », explique l’éleveur de porc près de Rouen. Sur l’ensemble de la France, ce sont donc 160.000 cédants qui seront contactés dans les cinq ans à venir. L’APCA, avec les autres organisations professionnelles (OPA), se bat également pour obtenir des mesures incitatives dans le plan de Relance (volet fiscal, volet financier…). Car « pour l’installation, il faut rémunération », martèle-t-il. Mais pas que : « il faut offrir des perspectives, aller vers plus de modernité et de l’épanouissement dans son travail ». Il milite entre autre pour développer l’apprentissage, lui qui présidait la commission « Attractivité » lors des États généraux de l’alimentation (ÉGAlim).

Décentralisation des initiatives

Concernant le changement climatique, ce diplômé de l’École des Mines de Nancy se montrait plus modeste. « Il n’y a pas de solution miracle mais une somme de petites choses à changer dans les exploitations notamment : fourrage, rotations, densité et date de semis… ce sera compliqué et ce n’est pas à Paris ou à l’APCA de vous dire ou écrire comment ramener de la valeur économique chez vous », prévenait-il. Pour autant, l’APCA entend jouer son rôle « d’aiguillon » et ainsi permettre « d’informer sur les initiatives prises dans les différents territoires ». Le réseau des chambres s’est fixé trois axes : accompagner les agriculteurs (climat, social, sociétal) ; créer plus de valeur pour les territoires ; faire dialoguer agriculture et société. « On mettra sur la table toutes les bonnes idées et après, nous irons nous battre pour les financer ». C’est d’ailleurs ce qu’il fait actuellement pour intégrer deux, trois mesures fortes dans le plan de Relance du Gouvernement.

Tous les marchés de niche

S’il ne veut plus entendre parler de « MAE, ces machines à perdre » mais plutôt des mesures « de transition, d’investissements », notamment pour « aller chercher tous les marchés de niche », il voit aussi dans le changement climatique une opportunité. « La société devra trouver des solutions pour baisser les gaz à effet de serre. L’agriculture a un rôle extraordinaire à prendre. Elle doit aller chercher les finances qu’utilisent les entreprises pour compenser leurs émissions CO2. Je veux voir des investissements en France plutôt qu’au Brésil pour compenser les vols aériens. Mais pour cela, il faut prouver nos progrès, faire un audit par exemple à l’installation et après aller "vendre" les progrès réalisés ». Un travail qui mobilisera les chambres, les coopératives et toutes les OPA selon lui.

Du Bio aux circuits courts

En attendant, l’APCA a travaillé à 16 actions « phares ». Chaque chambre sera évaluée dessus « avec une carotte financière » à la clé. On retrouve évidemment l’accompagnement technique et réglementaire, le « cœur de métier » mais par contre, Sébastien Windsor veut « revoir comment on fait de la recherche », cherchant là une meilleure synergie avec les instituts techniques et une confiance à retrouver dans les autres centres de recherche. Le numérique aura aussi sa place. L’agriculture biologique également avec l’ambition « d’accompagner la moitié des 40.000 labelisés AB d’ici 2025 ». Il sera question aussi de développer « deux nouvelles filières créatrices de valeur chaque année par département » : citant des circuits courts avec des supermarchés ou des cantines par exemples. Le réseau Bienvenue à la ferme s’apprête lui à lancer une « chaîne de magasins franchisés en périphérie des villes » et l’APCA suit 35 projets d’agriculture urbaine « vraiment agricoles ». La marque Terralto veut également s’imposer auprès des collectivités « qui ont l’impression de connaître l’agriculture mais n’ont pas les clés pour », notamment développer les PAT, projets alimentaires territoriaux des Com’com.

Positiver l’agriculture

Sa conclusion est claire et limpide en direction du gouvernement : « si les chambres d’agriculture ne sont pas là, le plan de Relance ne se fera pas ou mal » sur les questions agricoles. Et de prendre le dossier Écophyto ou les chartes ZNT pour preuves, « il ne suffit pas d’acheter du matériel ! Il faut surtout accompagner les agriculteurs à faire le bon choix et après les former à bien l’utiliser ».
Représentant le Conseil départemental, Josiane Corneloup saluait « toutes ses réflexions » au cœur des enjeux de la ruralité et de notre société, en quête de « souveraineté, d’indépendance, de sécurité alimentaire », thèmes qui ne sont plus tabous depuis le Covid-19. Mais attention, mettait en garde Bernard Lacour, « ces réflexions sont là pour entrainer avec nous les autres structures, pour que les agriculteurs s’épanouissent et se rémunèrent, en répondant aux questions de la société… mais la société devra aussi accepter que nos campagnes ne soient pas que des zones de loisirs mais bien aussi de productions », concluait le président. C’est tout le programme du dernier axe de l’APCA : la communication « positive » « sur la réalité de l’agriculture » (lire encadré).

Agricivis : l'application de l’agriculture

Alors que le confinement lié au Covid-19 et l’actualité ont passé à la trappe les sempiternelles polémiques autour des traitements phytos, la charte ZNT déposée à la préfecture au printemps dernier a eu une autre conséquence. « Comment informer nos concitoyens, vos riverains de ce que vous faites ? » questionnait David Barthe, directeur de la chambre d’agriculture. Du service Vigne & vins, Guillaume Paire cherchait – quant à lui - à établir des « échanges plus réguliers entre agriculteurs d’une part et avec ses conseillers d’autre part ». Du coup, la chambre d’agriculture a développé une application smartphone/tablette (disponible prochainement sur les stores Google et Apple) nommée Agricivis répondant à toutes ces attentes.
Côté grand public donc, après inscription et géolocalisation, le citoyen recevra des « informations non anxiogènes », validées par les services de la chambre. Des informations qui proviendront également des agriculteurs eux-mêmes. En effet, l’outil permettra aux agriculteurs inscrits, s’ils le souhaitent, de diffuser des informations sur leurs pratiques. Ou alors, mais cette fois, non pas en direction des citoyens mais seulement des confrères, de les alerter (grêle, inondation, traitements phytos…). Un débat s’engageait alors dans la salle sur le « risque de détournement de ces alertes ». Le président de la chambre rassurait : « c’est notre outil et on le maîtrise. Derrière les questions de transparence, il y a les questions de cohabitation et d’acceptation de nos pratiques par le grand public. Les viticulteurs ont commencé à le faire avec l’envoi de SMS ». Présidente de l’UFC Que Choisir 71, Denise Lespinasse saluait l’initiative même si elle émettait des réserves notamment sur le fait que « le tout informatique ne permet pas l’information de tous ». La fracture numérique est certainement aussi répandue que le manque de culture agricole dans la société.