Réautorisation du glyphosate en Europe
Le glyphosate, « un totem politique et sociétal » déplore Jérémy Decerle 

Ariane Tilve
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L’eurodéputé saône-et-loirien a réagi, vendredi 13 octobre, alors que les 27 États membres de l’Union européenne n’ont toujours pas réussi à s’entendre sur la polongation de dix ans de l'autorisation de l’herbicide controversé, proposée par la Commission européenne. Et surtout sur ces conditions d'utilisation qui seront de nouveau soumises au vote en novembre et qui nécessitent la majorité qualifiée pour être validée.

Le glyphosate, « un totem politique et sociétal » déplore Jérémy Decerle 

La France s’est abstenue sur la reconduction pour dix ans de l’autorisation du glyphosate dans l’Union européenne. « J’ai poussé jusqu’au président de la République pour que Paris s’abstienne, dit-il, parce qu’on nous demande de dire "oui " ou "non" à un produit qui mérite d’approfondir bien plus la question ». La Commission européenne propose en effet de prolonger l’autorisation du glyphosate, sans poser aucune condition européenne et en laissant les États membres le libre choix de faire leur propre réglementation sur ce sujet. En clair, les sacrifices et les avancées réalisés par l’agriculture française seraient réduits à néant avec l’arrivée, sur le marché commun, de produits venant de pays où le glyphosate n’a jamais été ne serait-ce que remis en cause. « Selon moi ce n’est pas sérieux, s’insurge Jérémy Decerle avant d’ajouter : l’EFSA nous dit qu’il n’y a pas de danger pour la santé mais il y a des doutes quant à l’impact sur la biodiversité (lire encadré). Étant donné le problème sociétal que cela implique, cela me paraît peu sérieux de repartir pour dix ans sans aucune condition ».

Ni oui ni non


Si Jérémy Decerle refuse de se positionner "pour" ou "contre" l’utilisation du glyphosate, il rejette les critiques qui l’accusent de ne pas vouloir choisir son camp. Lui refuse de vouloir simplifier les données d’une question bien plus complexe. « C’est dommage de polariser autant le sujet. Si on dit oui au glyphosate, on est considéré comme un allié des agriculteurs, mais un traître pour les consommateurs, et si on dit non, on est considéré comme un traître par les agriculteurs et on ne répond qu’à une partie de la problématique ». En effet, si la proposition de la Commission est votée en l’état, les Français qui consomment des produits où il y a eu du glyphosate ne vont pas s’arrêter d’en consommer, quelle que soit la décision de la France, puisque d’autres pays l’autorisent et leurs produits se retrouvent dans nos rayons et sur nos étals. Bien sûr, il pourrait être envisageable d’interdire ces produits à la vente en France, mais ce n’est pas prévu dans les textes actuellement. « Je trouve cela stupide de nous interdire quelque chose à nous, Français. Il faudrait que tous les pays soient d’accord pour interdire les produits qui reçoivent du glyphosate. C’est une question de pragmatisme. On ne peut pas interdire sans harmonisation européenne. On ne peut pas interdire non plus sans s’assurer que les agriculteurs aient des alternatives ». L’eurodéputé s’oppose à une interdiction de l’herbicide polémique. Il ne lui semble pas possible d’interdire un outil aux agriculteurs sans s’assurer, au préalable, qu’il y ait de meilleures alternatives. « Ce n’est pas le tout de dire qu’il y a une alternative, encore faut-il s’assurer que le remède ne soit pas plus dangereux ». Sans compter que le panel des alternatives doit pouvoir s’appliquer à différentes filières, différents assolements et différents climats. « Il y a peut-être des endroits où on ne trouvera pas de solutions, mais cela ne nous empêche pas, là où c’est possible, de réduire, voire d’arrêter l’utilisation ».

Le rôle d’eurodéputé

Proche du monde agricole, Jérémy Decerle refuse de se cantonner à voir son engagement politique uniquement par ce prisme. « J’ai également la responsabilité de ne pas me positionner uniquement comme agriculteur. La société est en attente sur ces sujets et si l’on considère que dans un pays il y a des dangers et qu’il faut essayer de lever des moyens sur la recherche, pour trouver des alternatives, parce qu’on estime qu’il y a un potentiel danger, ce n’est pas normal que d’autres pays n’appliquent pas les mêmes règles alors que nous sommes dans un marché commun, censé être unique. Cela ajoute à la disparité de réglementation entre pays de l’Union européenne et l’on risque une aggravation de la distorsion de concurrence entre agriculteurs ».

Qu’en disent les scientifiques ?

Le glyphosate suscite le débat depuis mars 2015. À l’origine de la controverse : son classement comme “probablement cancérigène pour les humains" par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence intergouvernementale sous l’autorité de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) des Nations unies. Cette évaluation a été contredite en novembre 2015 par les conclusions d’une étude rendue publique par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). En 2017, le comité d’évaluation des risques de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a confirmé, par consensus des experts nationaux des 27 États membres de l’Union européenne, que la substance active ne pouvait pas être classée comme cancérogène, mutagène ou toxique. L’ECHA a réitéré en 2022 que les preuves scientifiques disponibles ne permettaient pas de classer le glyphosate comme cancérogène.