Ferm'Inov
Rendez-vous technique autour du sorgho fourrager monocoupe

Florence Bouville
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Pour la troisième année consécutive, Ferm’Inov conduit un essai autour de l’intérêt fourrager de 12 variétés de sorghos monocoupes. En plus de la compilation des données, la ferme expérimentale s’attache à faire le lien entre résultats bruts et adaptabilité sur le terrain. Le 27 septembre, à Jalogny, les conseillers de la chambre d’agriculture ont animé une réunion technique à destination de la profession. Occasion de mieux comprendre les avantages de cette culture, ne représentant aujourd’hui qu’une petite part du marché.

Rendez-vous technique autour du sorgho fourrager monocoupe

Cet essai s’inscrit dans une « démarche d’engraissement », introduit Adrien Demarbaix, responsable des expérimentations à Ferm’Inov. En effet, les 60 génisses achetées dans le cadre du protocole seront tout d’abord nourries via des « rations de transition », puis engraissées avec des « rations méteil sorgho et méteil orge », détaille-t-il. « Je pense qu’on répétera cet essai », affirme d’ores et déjà Antoine Villard, conseiller grandes cultures à la chambre. Située en bord de Grosne, la parcelle d’essai bénéficie d’un emplacement idéal. « On est sur des bons terrains d’alluvions », souligne-t-il. Un essai similaire est également en cours à Saint-Cyr ; le site ne présentant pas les mêmes conditions pédoclimatiques (terres plus séchantes). Sur la période estivale, les orages plutôt réguliers ont permis d’abreuver les sols. Au total, 369 mm de pluie sont tombés, entre le 1ᵉʳ juin (date de semis) et le 28 septembre (récolte). En amont du sorgho, un méteil protéique avait été semé le 7 octobre et récolté le 5 mai, produisant 5 t MS/ha.

Victime des sangliers et d’un épisode de grêle le 13 août, le maïs planté en bordure de parcelle a connu un triste sort, tandis que le sorgho, lui, n’a pas été attaqué. Au niveau de la fertilisation, un seul apport azoté a été réalisé (90 kg d’urée/ha en localisé au semis, soit 41 u N/ha), très bien assimilé par les plantes.

Ce qui est propre au sorgho

L’étape du semis est primordiale. « Il faut établir un très bon contact entre la graine et la terre », explique Denis Chapuis, conseiller expérimentation lait et fourrages à la chambre. Autrement dit, un tassement est nécessaire, sur les premiers centimètres du sol, afin de faciliter la germination. Il convient donc « d’appuyer le lit de semence », complète Adrien Demarbaix. Au sujet de la date, également primordiale, les professionnels préconisent de semer après le 15 mai, sur un sol réchauffé (12 °C, pas moins).

Pour peu qu’il pleuve, en fin de saison estivale, la pousse du sorgho repart très facilement. En effet, la plante peut réaliser 25 % de sa croissance sur le mois de septembre, capable ainsi de réellement valoriser la pluviométrie automnale. « Elle peut même refaire des feuilles », indique Antoine Villard. Toujours est-il que face à des conditions extrêmes (sécheresses prolongées), maïs et sorgho réduiront leurs rendements de manière équivalente. Le sorgho est résilient, mais malheureusement pas miraculeux.

Autre spécificité physiologique, sa lente levée. Pas de panique donc si, à la même période, vous mesurez un mètre de maïs et seulement la moitié pour le sorgho. Tout est normal. Concernant le désherbage, l’utilisation de produits chimiques reste préconisée, au vu des limites d’action du binage. Attention, avant usage, les solutions sont souvent homologuées à des doses plus faibles que sur maïs, car la plante manque de sélectivité (demi ou tiers de doses). La levée d’amarantes dans la parcelle d’essai a bien été contrôlée via un herbicide.

La récolte constitue une étape délicate de l’itinéraire technique. L’objectif est d’obtenir une matière sèche suffisante (autour de 30 %). En sachant qu’en amont, il convient de prévoir un chantier à part, afin de valoriser le potentiel de pousse de fin de saison du sorgho. Il ne faut donc pas ensiler trop tôt, nécessairement en décalage du maïs. Par ailleurs, pour les types "grains", la texture doit être pâteuse et laiteuse. Autrement, le grain ne sera pas ou peu attaqué par l’ensileuse, et in fine mal valorisé par les animaux. En bref, trouver l’écartement adéquat n’est pas chose facile, même pour un troisième essai.

Pour ce qui est des analyses en laboratoire, Denis Chapuis alerte sur les potentiels problèmes rencontrés. En effet, les équations appliquées au sorgho n’ont pas toutes la même prédiction et peuvent sous-estimer « entre 25 et 30 % la valeur d’UF (Unité fourragère) de la culture », explique-t-il. D’où l’importance de toujours prendre du recul avec les données.

Ensilage et double usage

Une des catégorisations commerciales du sorgho repose sur l’usage final qui en fait. Il existe d’une part, les sorghos "ensilage", à destination uniquement de la nutrition animale. Ces derniers présentant une bonne valeur alimentaire. Tandis que ceux à "double usage" ont un plus haut potentiel de rendement et se valorisent à la fois via le fourrage et la méthanisation. À Jalogny, les deux types sont testés.

BMR (Brown mid rib), quèsaco ?

Ces trois lettres ne vous disent peut-être rien et pourtant, pour les semenciers, elles sont essentielles. Il s’agit d’un critère génétique (nervure centrale brune, en français) permettant de diminuer la teneur en lignine de la plante. Résultat, la valeur nutritive est plus grande et la cellulose se digère plus facilement. Seulement, en contrepartie, la sensibilité à la verse apparaît plus forte.

« Le bon compromis entre digestibilité et résistance à la verse »

À l’heure actuelle, il existe « plein de looks différents de sorghos », précise Antoine Villard au sujet de la grande variabilité génétique, s’adressant aux élèves de la MFR d’Anzy-le-Duc présents. Diversité présente ne serait-ce qu’entre les mono et multicoupes, impliquant une approche différente au niveau de la conduite et des objectifs. Pour un sorgho monocoupe, les taux de matière sèche (MS) recherchés oscillent entre 25 et 30 %.

En complément de la digestibilité, la précocité est également un critère avantageux. En résumé, le portrait du sorgho idéal est le suivant : « pas trop tardif, avec du potentiel de rendement et une qualité sucrière ». Par ailleurs, il est de plus en plus courant d’associer des variétés (mélanges), afin « d’équilibrer les précocités » et de limiter la production de grains. Plus il y a de grains, plus le poids augmente et le risque de verse est important ; ce qui explique l’introduction de mâles stériles plus résistants.

Finalement, « la bousologie est une science » plaisante un agriculteur. En réalité, il semble évident que les analyses biologiques des bouses témoignent de la valorisation ou non de l’aliment, suivant les taux de fibres et de grains résiduels. Au bout du compte, « ce sont toujours les vaches qui donnent raison », affirme Denis Chapuis. Pendant deux ans, il a d’ailleurs étudié des variétés testées sur vaches laitières, en lien avec l’Idele (Institut de l'Élevage). Les comparaisons entre UF de sorghos monocoupes et maïs ont conclu à des valeurs similaires en termes de production et de qualité du lait. Toutefois, en prenant des variétés peu digestibles, « la valorisation est moins bonne et la réponse en lait en pâtit », déclare-t-il. Le sorgho monocoupe n’échappe donc pas à la règle : il possède des atouts, mais n’est pas parfait agronomiquement parlant. Comme toutes les cultures. En Bourgogne, les essais se multiplient, prenant au maximum en compte la diversité pédoclimatique des terres cultivées.