Maires ruraux de Saône-et-Loire
Des maires sensibilisés au futur climat

Cédric Michelin
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Lors de la dernière assemblée générale de l’Union des maires des communes rurales de Saône-et-Loire (UMCR71) en octobre à Simard, Léa Laurent, jeune chercheuse en thèse au centre de recherche climatologie à l’Université de Bourgogne, a permis à la centaine de maires ruraux présents de se préparer au futur climat et d’avoir conscience des enjeux, notamment agricoles et viticoles, qui attendent la société entière.

Des maires sensibilisés au futur climat
Le Morvan va connaître de plus en plus de contraintes hydriques.

À l’image des ministres qui ont eu droit à un (mini) séminaire par une scientifique du Giec sur le changement climatique et sur ses conséquences écologiques, le président de l’UMCR71 Jean-François Farenc avait invité, à sa dernière assemblée générale à Simard, Léa Laurent. La jeune thésarde a expliqué ses recherches sur l’évolution climatique qui a reçu le soutien de Groupama Rhône-Alpes-Auvergne, partenaire aussi de l’UMCR71.
S’il ne faut pas confondre météorologie - « au jour le jour » - et climatologie – « prévision à moyens et longs termes de la météo » -, les chercheurs du monde entier affinent leurs modèles de prévision et cherchent notamment à savoir si les derniers aléas extrêmes peuvent être reliés directement au réchauffement climatique.
Léa Laurent étudie, elle, la variabilité climatique. Une notion encore différente du changement et à ne pas confondre. Le changement climatique étant un « changement complet d’un état moyen, comme le fait qu’il ne neige plus », prenait-elle en exemple. La variabilité climatique est, elle, liée à un endroit géographique donné par rapport à un état donné moyen, comme « des hivers plus chauds ou plus froids que d’autres ».

Plus de variabilité dans les extrêmes

Et cette variabilité a tendance à être plus changeante avec le changement climatique. Derrière, se cachent en effet la notion d’effet de serre et les gaz émis depuis la révolution industrielle. Et pour bien marquer les esprits de ce que signifient les annonces du Giec d’un monde à +1 °C jusqu’à +5 °C, son scenario le plus catastrophique, Léa Laurent projetait une double carte de l’Europe. La première, il y a 20.000 ans, avec une Europe en partie recouverte par une calotte glaciaire, un océan abaissé de 120 mètres… Et une carte après 20.000 ans et +5 °C, qui a donné une Europe en majorité au climat tempéré actuel, « avec des forêts » et cultures. « Donc si on a +5 °C d’ici 2100, avec l’effet de serre… », ne finissait-elle pas, laissant chacun comprendre le bouleversement majeur pour la faune, la flore, les cultures et toutes sociétés humaines.
Pour autant, les conséquences ne seront pas les mêmes pour tous les pays du monde, d’Europe ou encore pour toutes les régions de France.

Après la « rupture » climatique intervenue en France en 1987-1988, les scientifiques ont remarqué qu’en France, le printemps a été la saison la plus impactée par la hausse des températures avec +1,5 °C en moyenne. Si le régime hydrique des pluies annuelles est à un même niveau annuel, les épisodes de sec ou de pluies intenses sont encore plus « intenses », comme pour les températures.

Pire en zone continentale

Sa recherche consiste donc à étudier les répercussions sur le cycle de l’eau, « avec des tensions à terme », qui viendront « impacter les rendements et le développement des cultures ».
Léa Laurent zoomait donc sur la région Bourgogne et sa végétation. Avec la hausse des températures, l’évapotranspiration a suivi cette tendance, les débits d’eau se tarissent et « les réservoirs » d’eau s’assèchent dans les sols logiquement. Les cultures vont donc en pâtir. Avec, là encore, des secteurs « plus ou moins touchés ». Sa carte sur l’évolution des stocks d’eau « suite à l’augmentation abrupte des températures » depuis 1987-1988 indiquait qu’aux printemps-été, le sud de la Bourgogne ou le secteur du Parc du Morvan avaient déjà commencé à perdre plus de 10 % de l’eau dans leurs sols.
S’intéressant ensuite aux zones françaises de production où il est cultivé du blé tendre en hiver, la jeune chercheuse se penchait encore sur la Bourgogne. « Depuis la rupture 1987-88, on observe un décalage dans le cycle annuel du bilan hydrique », avec des périodes « plus longues » de stress hydrique. Et les scénarii futurs tendent à être encore plus « pessimistes » car un réchauffement planétaire à +5 °C signifie que ce sera « pire en zone continentale », côté températures et sécheresses. Même « dans un scenario intermédiaire, on va avoir des chocs abrupts avec une évapotranspiration en hausse et des précipitations en baisse. La contrainte hydrique sera en hausse sur l’agriculture », concluait-elle, appelant à « une adaptation continue et modulable selon les territoires », notamment sur la question de la gestion de l’eau, « question importante pour nos sociétés » entières, avec à la base leur agriculture et agriculteurs.

Méga débat déjà sur la gestion de l'eau

Trois décennies après les « démontages » de McDo par les faucheurs d’OGM, qui ont détruit toute recherche biotechnologique en France, les opposants aux retenues d’eau ont cherché à « démonter des méga-bassines » à Sainte-Soline. La présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, s’est déplacée le 12 novembre dans les Deux-Sèvres pour y rencontrer notamment Thierry Boudaud, président de la Coop de l’eau, à l’origine du projet de 16 retenues dans le sud du département des Deux-Sèvres. « Je suis allée apporter mon soutien à tous ces agriculteurs qui sont restés dignes face aux attaques inqualifiables et je les ai encouragés à tenir bon face à l’adversité », a-t-elle déclaré. « Ces réserves qui ont fait l’objet d’une longue concertation ont été reconnues comme scientifiquement fondées et font l’objet de toutes les garanties en termes de transition écologique et de préservation de la ressource », a-t-elle ajouté, exprimant son incompréhension face au déchaînement de violence sur le site. Une fois construites, les 16 retenues devraient permettre de stocker 6,9 millions de m3 d’eau d’ici 2025 et permettre à environ 450 agriculteurs, dont la moitié en polyculture-élevage, « d’être résilients face au défi climatique et économique », a-t-elle rappelé.

Présente à l’AG des maires ruraux, la députée de la Bresse, Cécile Untermaïer a, elle, soutenu les manifestants. « Je tiens à rappeler ici que le droit de manifester est un droit fondamental et qu’en l’espèce il eût été opportun de ne pas interdire cette manifestation. Je tiens à dire aussi que les agissements d’une minorité de manifestants qui s’en sont pris aux forces de l’ordre et ont commis des dégradations ne sont pas acceptables », nuance-t-elle. Et d’en profiter pour réclamer un « méga-débat » sur la gestion de l’eau. « Au-delà des polémiques, revenons à l’essentiel : la question de la gestion de l’eau, de sa répartition, de son partage et de l’utilisation de l’argent public », pose-t-elle sur la table des concertations à l’Assemblée Nationale. Se disant préférer « les petites retenues collinaires qui récupèrent les eaux de pluie par ruissellement et qui sont largement préférables au captage dans les nappes » mais demandant « un moratoire » en attendant.

Le député européen, également élu en Saône-et-Loire, Jérémy Decerle lui a répondu par communiqué interposé, estimant que la Nupes accuse les agriculteurs d’« accaparer » un « bien commun ». L’éleveur de Charolais a alors rétorqué qu’au-delà « de la forme qui m’agace, semblant nous dicter la leçon sur un sujet pourtant délicat et complexe, semblant aussi faire passer les agriculteurs pour des voleurs-profiteurs, je me désole de tant d’approximations sur le fonds. Peu savent et encore moins disent que cette technique des "bassines" est exclusivement réservée et utilisée dans la zone des Deux-Sèvres, et un peu plus au sud, car la composition spécifique du sol dans cette région appauvrit plus fortement les nappes phréatiques et rend particulièrement difficile la gestion de l’eau. Les "bassines" sont donc surtout un sujet local, nécessitant, avant tout, un travail de réflexion et de concertation des acteurs locaux, commencé d’ailleurs il y a au moins 15 ans dans les Deux-Sèvres, et n’ayant donc pas attendu Cécile Untermaier pour se mettre autour de la table. Vouloir faire de ce sujet local un débat national, c’est donc mépriser les années de discussion entre acteurs qui ont conduit à ce projet. C’est aussi la garantie, en voulant généraliser, de mal prendre en compte les réalités de ce terrain et de ce projet ».