Stabulations et voisinage
Qu'est-ce qu'un trouble anormal de voisinage ? La nécessité de faire évoluer les textes, pour protéger davantage les activités agricoles

Aurélie Lucas - Service juridique de la FDSEA 71
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Un éleveur de l’Oise s’est vu condamné par la Cour d’Appel à payer 100.000 € de dommages et intérêts à des voisins, en raison d’un trouble anormal de voisinage. Mais qu’est-ce qu’un trouble anormal de voisinage au sens de la loi ? Le service juridique de la FDSEA répond.

Qu'est-ce qu'un trouble anormal de voisinage ? La nécessité de faire évoluer les textes, pour protéger davantage les activités agricoles

Le trouble anormal de voisinage est une règle juridique créée en 1971, posant pour principe que le « droit pour un propriétaire de jouir de sa chose de la manière la plus absolue, sauf usage prohibé par la loi ou le règlement demeure limité par l’obligation qu’il a de ne causer à autrui aucun dommage dépassant les inconvénients normaux du voisinage », les juges recherchent si les nuisances n’excèdent pas les inconvénients normaux du voisinage en fonction des circonstances de temps et de lieu.

La question qui se pose pour les agriculteurs et la plupart du temps les éleveurs est de savoir si leur activité agricole importune les voisins au-delà de la normalité !

La plupart des plaintes porte sur des nuisances olfactives et sonores ainsi que la présence d’insectes. Certaines peuvent également porter sur de la « pollution visuelle », lorsque des déchets sont stockés à proximité d’un gîte de luxe.

L’exception d’antériorité

Dans la plupart des hypothèses, les activités agricoles sont protégées par « l’exception d’antériorité ». Pour pouvoir bénéficier de cette protection, trois conditions doivent toutefois être remplies :

- L’antériorité de l’activité agricole par rapport aux habitations ;

- La poursuite de l’activité dans des conditions équivalentes ;

- La conformité d’installation à la réglementation.

L’article L.113-8 du Code de la construction prévoit ainsi que : « Les dommages causés aux occupants d’un bâtiment par des nuisances dues à des activités agricoles, industrielles, artisanales, commerciales, touristiques, culturelles ou aéronautiques, n’entraînent pas droit à réparation lorsque le permis de construire afférent au bâtiment exposé à ces nuisances a été demandé ou l’acte authentique constatant l’aliénation ou la prise de bail établi postérieurement à l’existence des activités les occasionnant dès lors que ces activités s’exercent en conformité avec les dispositions législatives ou réglementaires en vigueur et qu’elles se sont poursuivies dans les mêmes conditions ».

La nécessité de faire évoluer les textes, pour protéger davantage les activités agricoles

L’exception d’antériorité ne peut plus être invoquée dès lors que l’activité agricole évolue : augmentation du cheptel, réorganisation des installations, changement d’activité, etc.

Devant la multiplication des contentieux, les parlementaires tentent de protéger davantage les activités agricoles en adoptant différentes lois notamment la loi n° 2021-85 du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises, qui a intégré dans le Code de l’environnement « les sons et odeurs comme caractéristique des espaces naturels ».

Le Garde des Sceaux a promis au monde agricole lors du salon de l’Agriculture en mars 2023 une loi permettant de protéger davantage les agriculteurs. Ce projet de loi a été déposé par une députée du Morbihan et adopté par l’Assemblée nationale le 4 décembre 2023.

Ce texte, s’il est adopté dans les mêmes termes par le Sénat, aurait pour objet d’introduire un nouvel article 1253 dans le code civil précisant que :

« La responsabilité prévue au premier alinéa n’est pas engagée lorsque le trouble anormal provient d’activité, quelle qu’en soit la nature préexistant à l’installation de la personne lésée, qui sont conformes aux lois et règlements et qui se sont poursuivies dans les mêmes conditions ou dans des conditions nouvelles qui ne sont pas à l’origine de l’aggravation du trouble anormal ».

Conseil du service juridique

Ce nouveau texte s’il est adopté permettrait de sécuriser les installations existantes, mais le problème reste entier pour la création des nouveaux ateliers d’élevage.

La meilleure protection restera la séparation des zones agricole et urbaine, la vigilance s’impose lors de l’élaboration des documents d’urbanisme afin de veiller à ce que les nouvelles constructions demeurent éloignées du secteur agricole.