EXCLU WEB : Club Déméter 2021 : L’agriculture au cœur des enjeux futurs

Le Club Déméter a présenté, le 10 février, la 27e édition de son ouvrage annuel.  Sous le vocable « Produire et se nourrir : le défi quotidien d’un monde déboussolé », ce laboratoire d’idées agricoles associé à l’Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) entend passer le message que l’agriculture est l’une des clés économique, sociale et environnementale du futur. 

EXCLU WEB : Club Déméter 2021 : L’agriculture au cœur des enjeux futurs

« L’agriculture et l’alimentation constituent une boussole pour se repérer dans ce monde désorienté », a d’emblée affirmé Matthieu Brun responsable des études et des partenariats académiques au Club Déméter. Pour le think-tank agricole, la sécurité, la santé et la soutenabilité s’affichent comme les trois mots clés que ces deux secteurs devront conjuguer dans les prochaines années, car « sans agriculture et sans alimentation, il n’y a pas de sécurité ». La crise du Covid a d’ailleurs mis en évidence ces demandes sociétales qui peuvent se heurter à des postures protectionnistes et accentuer les vulnérabilités déjà existantes que sont « la décroissance, la démondialisation et la désunion », a souligné Matthieu Brun.

Influence stratégique

Clé de voute de la résilience future, l’agriculture n’en est pas moins confrontée à de nombreux défis comme la résistance aux antibiotiques, « une menace réelle pour la santé globale, c’est-à-dire animale, humaine et environnementale », a rappelé Jean-Luc Angot, président de l’Académie vétérinaire de France. Rapportant une étude de la revue Science de 2019 et un rapport britannique de 2016, il a insisté sur trois chiffres : « La résistance aux antibiotiques a été multipliée par trois en 20 ans ; Ce sont dix millions de vies qui sont, chaque année, menacées par l’anti-biorésistance pour une perte de PIB mondial de l’ordre de 1 000 milliards de dollars ». Pis, le risque d’une pandémie bactérienne n’est pas à écarter et les solutions prophylactiques ne seraient que peu efficaces a-t-il résumé, expliquant que la France, en pointe sur ce dossier, pouvait jouer un rôle d’influence stratégique au sein de l’Europe et dans le monde.

Doublement de surfaces 

L’autre écueil auquel l’agriculture est confrontée est celui du dérèglement climatique qui interroge Jean-Jacques Hervé, vice-président de la Chambre de commerce France-Ukraine. « La Sibérie sera-t-elle le futur grenier à grains du monde ? ». Selon lui le scénario est plausible pour plusieurs raisons. Les projections climatologiques montrent que le Sud de la Sibérie, de l’Oural au Pacifique, devrait connaître une augmentation sensible des températures moyennes et de la pluviométrie, « entre 6 et 9 °C selon les saisons. Et d’environ 60 à 140 millimètres par an, avec de grandes variations interannuelles et d’inégales répartitions spatiales », précise-t-il. En conséquence, la Russie pourrait assurer, dans cette région jusqu’à deux récoltes par an en blé, oléoprotéagineux, maïs, etc. sur une surface qui aurait doublé, « passant de 220 millions d’hectares (Mha) à environ 400 Mha ». De telles perspectives viendraient renforcer un potentiel d’exportation déjà important « et faire grimper le potentiel de récolte à plus de 1 milliard de tonnes de grains, un chiffre d’ampleur au regard de la production mondiale actuelle de 2,7 milliards de tonnes », souligne-t-il.

« Agriculture : valeur refuge »

« Enfin, il ne faut pas sous-estimer le sujet du renouvellement des générations », ont déclaré Sébastien Abis, directeur du Club Déméter et Eddy Fougier, politologue et professeur à Sciences-Po Aix-en-Provence. Les causes sont connues et résumées un peu hardiment par ce dernier : « Quand on communique sur 350 euros de revenus par mois et un taux de suicide important, ce n’est pas la campagne de recrutement la plus adaptée », a-t-il lâché. Eddy Fougier appelle à un « scénario de rupture » qui pourrait revêtir deux aspects : Premièrement « l’attrait d’une partie de la génération “Z” qui ne veut pas être enfermée dans des “bullshit jobs”* vers une agriculture agroécologique » ; Secondement, un scenario « collapsologue » et qui se fonde sur l’hypothèse selon laquelle le monde rural et l’agriculture constituent des valeurs refuges en période de crise majeure. « Il faut aussi noter le problème d’attractivité des métiers agro-industriels et agro-alimentaires, a complété Sébastien Abis car plus de 30 000 postes ne sont actuellement pas pourvus en France ». En effet, ce secteur qui recrute reste une valeur sûre compte tenu des besoins alimentaires et de la multiplication des usages non alimentaires des productions agricoles.

 

* « Emplois peu valorisants »