EXCLU WEB : Lait bio cherche équilibre

Entre une demande qui croît linéairement et une hausse de la production par à-coups au gré des vagues de conversion, le marché du lait bio joue à l’équilibriste pour réguler les volumes printaniers sans casser la dynamique. Aujourd’hui, les perspectives semblent s’améliorer.

EXCLU WEB : Lait bio cherche équilibre

« Nous pouvons espérer un croisement des courbes avec une consommation qui dépasse la production », résume Ludovic Billard, président de Biolait, premier collecteur de lait bio en France, lors d’un webinaire dédié à la filière laitière biologique. Pour le moment la situation est encore tendue. Pour cause, depuis la dernière vague de conversion, l’offre tend toujours à être supérieure à la demande.

« L’équation est difficile à trouver. La filière est dans une phase de digestion des volumes », explique Benoît Baron, économiste à l’Institut de l’élevage. Et notamment au printemps où parfois, des citernes entières sont déclassées en lait conventionnel faute de trouver de débouchés valorisant en bio. Alors, pour faire face, les opérateurs tentent de réguler la production.

Réguler au printemps

Biolait n’aura pas attendu la crise du Covid-19 pour inciter ses adhérents à lisser leur production au printemps. Déjà en 2019, le collecteur avait mis en place une régulation saisonnière. « Nous avons refait ce choix en 2020 pour gérer les volumes et éviter les déclassements. L’ensemble du dispositif est efficace. Nous avons réussi à réduire les volumes et améliorer la situation », se félicite Ludovic Billard.

Pour l’organisation de producteurs (OP) bio Seine et Loire, 2020 sera la première année de régulation. Si Biolait utilise des références historiques au mois le mois pour calculer les baisses de production nécessaire par exploitation, l’OP s’est basée sur « les dynamiques de production enclenchées depuis le début de l’année ». À partir de la production connue du mois de mars 2020, ont été anticipées, grâce aux trajectoires de hausse de la production printanière des trois dernières années, les productions des adhérents d’avril et mai.

« Nous avons essayé de faire en sorte que la mutualisation des volumes puisse permettre à des gens qui étaient en phase de croissance de pouvoir continuer sur leur lancée », explique le président de l’OP, Olivier Costard. « Avec une réduction des volumes de 6 %, l’objectif est atteint. Cela nous permet d’être optimistes si un jour nous avons encore besoin de refaire ce type d’opération de gestion des volumes », se réjouit-il.

Déséquilibre matière grasse, matière protéique

Outre ce pic de production printanier encore plus marqué qu’en conventionnel, la filière est aussi confrontée au manque de valorisation de la matière protéique du lait bio. « Le marché ne valorise pas intégralement la matière protéique. Le mix produits du lait bio, basé sur les laits, la crème et le beurre favorise la matière grasse », observe Benoît Baron.

Il est estimé que si 8 à 10 % de la matière grasse laitière certifiée bio sont déclassés, ce taux monte à 33-35 % pour la matière protéique. « Il est difficile pour un industriel de mobiliser une tour entière de séchage pour fabriquer de la poudre de lait bio qui utiliserait la protéine. Il y a un arbitrage économique qui est fait », justifie l’économiste. Selon ce spécialiste, il ne faut pas voir le déclassement comme « une tragédie » mais comme un outil qui finalement n’affecte que peu le prix du lait bio payé aux producteurs.

Et la situation pourrait s’améliorer avec des linéaires de produits qui s’étoffent, permettant de mieux valoriser toutes les composantes du lait. S’il y a peu, les rayons bio étaient encore remplis de marques de distributeurs, les marques nationales tentent de prendre l’avantage à la fois en convertissant leurs marques phares au bio tels que Danone et nombre de ses yaourts ou encore Bel et ses fromages portions, mais aussi en lançant de nouvelles marques.

Moins de convertis

La filière laitière bio pourrait aussi trouver son équilibre plus en amont. Depuis la dernière vague de conversion qui a suivi la fin des quotas laitiers européens, le nombre de conversions se stabilise et la croissance de la production se calme. « Chez Biolait, le rythme de conversion est régulier mais bien moins important que ce que l’on a pu connaître », assure son président. Une situation qui s’explique par une conjoncture qui, depuis la dernière crise, s’est peu ou prou améliorée pour la filière conventionnelle. Mais pas seulement.

« À moyen et long terme, il y a un risque de voir s’amenuiser le réservoir de producteurs de lait pouvant se convertir au bio », avertit Benoît Baron. D’une part, du fait de la baisse continue du nombre d’exploitations laitières en France mais aussi du fait que celles qui restent sont de plus en plus grandes et ont des itinéraires techniques qui ne sont pas facilement compatibles aux cahiers des charges de l’agriculture biologique. « Les démarches de segmentations telles que le pâturage, le sans OGM, pourraient être des étapes intermédiaires vers le bio pour certaines exploitations, tempère-t-il. Mais clairement aujourd’hui la filière, avec ces 3 500 exploitations, n’est pas capable d’aller encore en chercher 1 500 comme cela a été le cas ces dernières années. »