Union viticole 71
A la santé de tous !

Cédric Michelin
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Le 6 février à Lugny, l’Union viticole de Saône-et-Loire tenait son assemblée générale autour de ses thèmes de prédilections : la défense syndicale de la profession (ZNT riverains, flavescence dorée…), l’accompagnement des viticulteurs (emploi, aides gel 2021, fermages…). Un programme bien chargé qui n’a pas empêché de débattre autour des questions de certifications HVE ou du conseil stratégique phytos (dans notre prochaine édition).

A la santé de tous !
De g. à d., Christian Bajard, Patrick Desroches (Conseil départemental), Patrice Fortune, Laura Demoulin, Audrey Sassy (Chambre d'Agriculture), Carine Lalanne (Conseil Départemental).

Mais tout d’abord, la nouvelle animatrice de l’Union viticole 71, Laura Demoulin remettait à chacun un court questionnaire pour recueillir les « sujets prioritaires » pour 2023 et les années suivantes. Ce travail achevé, le président de l’UV71, Patrice Fortune débutait par un coup de gueule, qu’il a d’ailleurs poussé à Paris, lui qui siège à la commission nationale de la section viticole à la FNSEA. « Nous nous sommes offusqués de voir qu’une nouvelle fois, le vin soit encore incriminé » et ce, dans la dernière campagne publicitaire de Santé publique France, intitulée « la bonne santé n’a rien à voir avec l’alcool », diffusée en janvier 2023. Une couche de plus au médiatisé Dry January (mois de janvier sans alcool, N.D.L.R.). La section viticole de la FNSEA a obtenu des Ministères que cette campagne soit « enlevée », se félicitait Patrice Fortune afin que cesse cette nouvelle attaque en règle des hygiénistes qui ne tolèrent pas qu’une consommation responsable puisse effectivement être bonne pour la santé comme le prouve la science.

Aléas climatiques et sanitaires

Ce coup de gueule passé, Patrice Fortune pouvait reprendre le cours normal de l’assemblée générale, en revenant tout d’abord sur les conséquences du gel 2021 qui continue de se faire ressentir. « Nous avons aussi obtenu le report des remboursements des prêts garantis par l’État (PGE) étalés de 6 à 10 ans ». Bien que les marchés soient dynamiques en Bourgogne et en Beaujolais après la crise Covid-19, la situation n’est pas encore sereine avec notamment des stocks au plus bas. La récolte 2023 sera décisive. L’hiver doux laisse toujours planer le risque d’un nouveau gel…

D’autant qu’une autre menace pèse. Celle d’un retour dramatique de la flavescence dorée. Après le foyer découvert tardivement à Plottes, il y a tout juste dix ans, cette maladie de quarantaine revient en force dans le Beaujolais. « C’est pourquoi nous avons effectué notre visite avec le nouveau Préfet, Yves Séguy, pendant les vendanges, pour lui montrer des ceps arrachés et qu’il se rende compte » des mesures à prendre.

L’emploi chahuté

Autre sujet régulièrement travaillé avec lui et les services de l’État, ainsi qu’avec les parlementaires et le Gouvernement, les questions autour de l’emploi. Si de plus en plus de secteurs sont en tension en France, les vendanges ne peuvent attendre. Seul syndicat représentatif des employeurs de main-d’œuvre, la responsable du service idoine à la FDSEA, Cécile Parent rappelait « que dans la grille de rémunération minimale, les trois premiers paliers ont été rattrapés par le Smic » en 2022 avec l’indexation sur l’inflation, obligeant à de nombreuses négociations salariales au national avec les représentants des salariés agricoles. La FNSEA en profite pour défendre le Tesa simplifié ou le TO-DE (exonération patronale pour l’emploi de travailleurs saisonniers) prolongé jusqu’au 1er janvier 2024.

D’autres dossiers sont déjà sur le feu en 2023 avec notamment « le logement sous-tente », interdit au-dessus d’une ligne Bordeau-Lyon, « qui ne tient plus avec le réchauffement climatique », veut faire valoir la FDSEA. Le travail à la tâche est, lui aussi, remis en cause au national. Cela paraît tenir mais l’administration réclame des enquêtes, comme sur la dérogation aux durées du travail au-delà de 48h/semaine pendant les vendanges ou le travail 7 jours consécutifs pour les permanents. « Un questionnaire en ligne, anonyme, nous permet de collecter vos réponses pour négocier collectivement, et vous épargner des déclarations individuelles sinon après », pour éviter la fin des dérogations à moyen terme.

Gestion des risques et fermages

Enfin, dernière négociation évoquée, mais cette fois-ci avec Groupama pour l’assurance multirisque, le président de l’UV71, Patrice Fortune indiquait en parler régulièrement avec le président de la fédération des caisses départementales, lui-même viticulteur. Avec la réforme systémique de la gestion des risques dans la réforme de la Pac, « on retravaille mais au niveau de toutes les cultures », prairies comprises, rassurait Christian Bajard, président de la FDSEA de Saône-et-Loire qui se bat toujours pour changer la moyenne olympique et faire que l’assurance soit « plus près de la réalité » économique des exploitations.

Car dans son rapport moral, Patrice Fortune insistait sur cette problématique des aléas climatiques qui se multiplient « et sont plus étendus », toutes filières confondues. Si « en 2021, catastrophique, notre travail de lobby a porté ses fruits pour faire reconnaître la viticulture dans le fond de calamité », ce caractère « exceptionnel », puisque la vigne est normalement assurable, ne se présentera pas chaque fois. Et bien que d’autres aides et accompagnement ont pu être mobilisés (6 millions d’€ sur la TFNB ; 2,6 M€ en prise en charge de cotisations MSA…), ce sont bien les 26.000 € en moyenne sur les 290 dossiers sur le département du fond de calamité (8 M€ au total) qui ont « aidé à passer le cap » des plus grosses pertes.

Ce qui a aussi aidé certains, c’est l’accord trouvé entre la section des propriétaires et la section des bailleurs qui ont trouvé un terrain d’entente pour un nouveau mode de calcul des fermages viticoles « pour prendre en compte les pertes de rendements, ce qui a évité une trop forte hausse avec les prix du vrac », rajoutait Patrice Fortune, espérant néanmoins un millésime 2023 aussi « généreux que 2022 pour certains », autant pour les exploitants que pour les propriétaires. D’ailleurs, la nouvelle juriste en droit rural de la FDSEA, Aurélie Lucas listait les prestations aux adhérents (baux viticoles, résiliation…) et accompagnement des litiges-contentieux, à l’amiable ou aux tribunaux paritaires des baux ruraux. Cette spécialiste en droit viticole attirait l’attention sur « les baux d’actes anciens, pas réécrits, plus ou moins favorables aux viticulteurs lorsque le fermage est payé en bouteilles ». Surtout, elle donnait rendez-vous le 28 février à la cave de Buxy pour une réunion autour de la question du remplacement des manquants.

En conclusion, Patrice Fortune revenait sur le « malaise autour des produits phytos », avec « l’histoire qui se répète » puisque la charte ZNT riverains, basée cette fois sur un modèle national, est à nouveau attaquée et remise en cause pas les mêmes ONG. « Mais notre charte reste applicable tant qu’aucune nouvelle ne vient la remplacer », demandait-il de garder en mémoire, tout comme le fait que l’Union fait la force pour se défendre… « On a besoin de l’engagement de tous sinon d’autres que nous, vignerons, prendront les décisions à notre place et ce ne sera pas que des bonnes ! ».

Les fantômes des arrachages flavescence ressurgissent

Les cicadelles dorées (Scaphoideus titanus) ne s’arrêtent malheureusement pas aux frontières des départements ou des appellations. Après le Mâconnais (foyer de Plottes) et l’ensemble de la Saône-et-Loire en 2012, une nouvelle crise sanitaire majeure se profile dans le Nord-Beaujolais. À Lugny ce 6 février, nombreux étaient les vignerons à en avoir encore des frissons. Surtout, Eric Giroud qui avait dû arracher une parcelle entière. « Je ne voudrais pas me retrouver dans votre situation, cela va être dramatique. Quand on nous annonce l’arrachage obligatoire, on tombe des nues. Heureusement, on a été beaucoup aidé, humainement. Il faut dire qu’avec 30 ans d’agriculture raisonnée, on avait une forte population de cicadelles, il fallait les faire tomber », plaidait-il pour mettre en place 3 traitements obligatoires. Viticultrice à Lugny et actuellement présidente de la section des anciens exploitants, Danièle Jaillet conseillait aux vignerons du Beaujolais de faire aussi des « cordées d’arrachage », soutien bienvenu et prise de conscience assurée. Si Marc Sangoy, le président de la cave de Lugny et référent départemental à la CAVB, rappelait que la stratégie de lutte bourguignonne est souvent « citée en exemple » au niveau national pour sa baisse des traitements, ses prospections collectives, ses arrachages préventifs obligatoires, c’est « surtout la solidarité » qui compte. Aujourd’hui, l’Union viticole travaille avec l’Union des crus du Beaujolais pour pallier ce trou dans la raquette. Viticultrice à Sologny, Céline Robergeot-Cienki s’inquiète déjà du risque médiatique aussi, avec les questions des traitements obligatoires, dans le cadre de la nouvelle charte ZNT riverains. « Il faut bien anticiper et expliquer que sinon on va être obligé d’arracher », dévalorisant alors l’ensemble du territoire de la commune.

Dix ans après, la Bourgogne voit donc ses vieux fantômes resurgir. La flavescence dorée n’ayant cependant jamais disparu et s’étendant maintenant jusque dans l’Yonne. Esca, bois noir… les autres formes de dépérissement posaient une fois de plus la question de l’absence ou de la suppression de produits de traitement. Mais également la question du remplacement des pieds manquants. Certains imaginant bientôt préférer « arracher complètement plutôt que rebrocher, complanter et avoir des pertes de rendements ». Dernier problème soulevé : « les droits à plantation sont maintenant valables trois ans alors qu’auparavant, c'était 8 ans, permettant avant de laisser reposer le sol de la parcelle ».