Section céréalière
La transition oui, mais pas à n’importe quelles conditions

Ariane Tilve
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Sur les quelque 400 invitations envoyées aux membres de la section céréalière, seule une dizaine d’exploitants a répondu présent pour l’Assemblée générale qui s’est tenue mercredi 8 février à Chalon-sur-Saône. À l’heure où la France accélère la transition environnementale avec des conséquences non négligeables pour les Grandes cultures, ce manque d’engagement inquiète les adhérents.

L'assemblée générale de la Section céréalière 71
L'Assemblée générale de la Section céréalière 71.

Une section qui a pourtant plus que jamais besoin d’exister pour répondre aux inquiétudes de la filière, comme l’explique Lionel Borey, président de la coopérative Bourgogne du sud. « Je suis inquiet par la nouvelle Pac et son occupation des sols qui est un sujet syndical. Où en sommes-nous de la demande de dérogation historique que nous avions pour les zones vulnérables et sur les zones argileuses en termes d’obligation de couverture des sols l’hiver ? Il y a eu des manifestations à ce sujet, à Toulouse, il y a trois semaines, mais nous devons nous mobiliser au niveau du département. Personne ne le fera pour nous, ni en région ni ailleurs ». Des propos qui convenaient parfaitement au président de la section céréalière, Benoît Regnault.

L’hiver prochain, une obligation de couverture des sols lors des longues intercultures pourrait être imposée. Lionel Borey se demande si la dérogation dont les céréaliers avaient pu bénéficier jusqu’ici, sera-t-elle prolongée ? Les sujets d’inquiétude dans ce genre ne manquent pas.

Pour les phytos en maïs et tournesol, il existe un projet de retrait des AMM des formulations à base de S-métolachlore (comme Dual et Mercantor). Une décision française qui anticipe un élargissement européen. Un projet qui n’est pas sans rappeler celui de la suppression des néonicotinoïdes, pour lequel Paris a devancé ses partenaires européens. Les Allemands, notamment, ont une année supplémentaire de répit alors que la France risque de perdre une filière dans l’année de transition. En céréales et pommes de terre, le gouvernement envisagerait de retirer les AMM pour les produits à base de prosulfocarbe. Les autorités ne semblent pas prendre en compte les mesures de gestion additionnelle comme l’utilisation de buses antidérive. « On nous parle de transition écologique, mais si à l’automne ou au printemps prochain, nous n’avons plus ces éléments-là, nous aurons vite des problèmes ». Résultat, selon Benoît Regnault, les agriculteurs vont se reporter sur d’autres techniques chimiques pires qu’une seule molécule ou technique.

Christian Bajard, président de la FDSEA 71 qui a assisté à l’AG, renchérit : « je ne suis pas spécialiste du végétal, je n’ai que 15 ha de cultures. Que ce soit le bien-être animal en élevage ou les produits interdits en culture, les dossiers agricoles à défendre ne manquent pas, même si nous avons moins de bras pour les défendre. La grande majorité des décideurs ne se rendent pas compte que l’on doit continuer à produire pour répondre à la demande des marchés, mais aussi et surtout pour nourrir la population. Il est donc important de remettre la production au cœur des sujets puisque nous avons besoin de produire pour exporter. Si l’on prend l’exemple de la viande bovine, la filière n’est plus autonome en France et la Saône-et-Loire a perdu 10 % de son cheptel ». Un recul qui affecte plusieurs filières, d’où l’importance de se regrouper pour essayer de convaincre les politiques au niveau national, régional, mais aussi au niveau départemental.


De l’importance du syndicalisme


Vincent, nouvel arrivant qui partage son temps entre la Saône-et-Loire et l’Alsace, fait part du ressenti des agriculteurs qu’il côtoie, dont les jeunes trop souvent absents des sections. Selon lui, les réseaux sociaux « suffisent à informer » les agriculteurs sur la Pac et autres sujets. Il pense également que les coopératives sont aptes à défendre les intérêts des producteurs. Il insiste sur le fait que rien n’est plus rapide qu’Internet pour s’informer et que, toujours selon lui, il n’est plus nécessaire de se syndiquer, d’organiser des réunions et des tables rondes.

« Effectivement, rien ne peut être plus rapide pour informer, ou désinformer. En revanche, les coopératives n’ont pas pour rôle de défendre les producteurs sur des sujets aussi sensibles que la suppression de certaines molécules contenues dans les herbicides. Elles ne sont d’ailleurs pas reconnues par les élus comme des interlocuteurs à part entière qu’elles ne sont pas légitimes dans ce cadre. Souvent, c’est par défaut que l’on se tourne vers elles », lui répond Lionel Borey. Un syndicat n’a pas pour but d’informer mais de défendre les intérêts de ses adhérents auprès des institutions locales, départementales, régionales et nationales. Un fait basique qu’une partie des agriculteurs ne semble plus comprendre. Vincent a le mérite d’être venu éclairer la section sur ce que pensent ces absents des sections. Son intervention fournie un éclairage sur le travail pédagogique à fournir pour faire comprendre le rôle et l’intérêt de l’engagement syndical.


Dans le cas de la section céréalière de Saône-et-Loire il est important de dynamiser la section départementale. Sur le terrain, ils sont nombreux à solliciter l’aide d’un référent, mais trop peu d’agriculteurs semblent enclins à s’investir auprès d’un syndicat, qui est pourtant l’interlocuteur qui porte leur parole et fait le lien avec les élus. « La FDSEA a peut-être perdu de sa force de frappe, mais nous continuons à nous battre pour maintenir les sections, même lorsque nous avons du mal à les faire vivre, parce que nous n’avons pas encore trouvé de meilleurs moyens de porter nos dossiers, explique Christian Bajard. Ce qui m’anime, c’est de maintenir une branche syndicale, être le bras armé économique des agriculteurs. Un bras capable de s’opposer aux réformes qui suppriment nos aides et risquent, au final, de se répercuter sur le prix de vente et donc sur le pouvoir d’achat du consommateur. Des réformes qui mettent en péril la production française et risque d’augmenter les importations en provenance de pays qui, eux, sont très loin d’avoir les mêmes exigences en matière de transition environnementale. On ne résout pas le problème, on le délocalise ». Pour résoudre ces problèmes, pour porter les revendications des céréaliers et des autres, il est nécessaire d’avoir une structure reconnue des élus au niveau du Département, pour espérer aussi pouvoir peser sur la Région et le gouvernement. « La relation avec les acteurs départementaux est essentielle. Ne pas créer, ou plutôt ne pas maintenir ce lien, c’est prendre le risque de manquer des opportunités ». Michel Duvernois en a plus encore conscience que les autres puisque l’ancien directeur de la coopérative Bourgogne du Sud, aujourd’hui élu conseiller au Département, regrette de ne pas voir plus d’exploitants solliciter les édiles. « Lorsque je porte un dossier à la connaissance de mes confrères, ils me répondent trop souvent qu’ils ne voient pas l’importance de traiter un dossier que trop peu de personnes sont venues défendre ».


Pour remédier à ce manque de représentation, Séverine Remaque, animatrice de la section Grandes cultures à la FDSEA, estime qu’il faudrait revoir l’organisation de la section. D’abord, il reste important de marteler que le rôle d’un syndicat est de défendre les intérêts de ses adhérents, et que pour comprendre au mieux leurs besoins, rien ne remplacera jamais les échanges de ces réunions de section, environ quatre par an. Des échanges facilités par la technologie puisque la visioconférence remplace le présentiel et permet de gagner du temps. Ensuite, il serait judicieux d’avoir des référents pour chaque dossier à défendre. Un partage des tâches qui allégerait la charge de travail syndical de chacun tout en permettant d’avancer sur les dossiers, selon Benoît Regnault qui estime que les exigences de la présidence de section sont lourdes.

Pour finir sur une note positive et d’espoir, les céréaliers présents estiment que l’opinion publique commence à changer de regard sur ceux qui les nourrissent et qu’il serait dommage de baisser les bras au moment où le travail effectué par les différents acteurs du monde agricole porte ses fruits.