Transferts de parts sociales
Vers plus de régulation foncière ?

Ces derniers mois, la reprise d’exploitations en Bresse ou dans le Chalonnais par des investisseurs via des transferts de parts sociales a connu un « véritable boom ». Face à ce phénomène inquiétant, la FDSEA et les JA sont montés au créneau via des actions syndicales et ce dès l’été 2018. L’échelon national s’est aussi saisi de cette problématique et une proposition de loi devrait prochainement être présentée à l’Assemblée nationale. Pour faire un point sur ce dossier, une visioconférence a eu lieu le 5 mars dernier avec le responsable du dossier à la FNSEA. 

Vers plus de régulation foncière ?

Président national de la section des Fermiers métayers à la FNSEA, Bertrand Lapalus, éleveur allaitant dans la Loire, était l’invité de la FDSEA le 5 mars dernier pour une visioconférence autour de la problématique des transferts de parts sociales. Bertrand Lapalus est en charge de ce dossier à la FNSEA. En préambule, il rappelait que « le national est pleinement mobilisé par rapport aux différentes modalités qui permettent de contourner la loi, que ce soit par les transferts de parts sociales ou encore par rapport à la non mise à bail ». Il soulignait également que le phénomène des transferts de parts sociales est en plein expansion et représente une part considérable des transactions foncières ces dernières années. Ainsi, la Cour des Comptes a souligné que les transferts de parts de société - qui étaient au nombre de 275 pour une valeur de 132 millions d’euros en 2014 -, représentaient, en 2018, 8.611 opérations pour une valeur de 1,1 milliard. Une progression considérable qui vise aussi à contourner les possibilités de préemption des Safer puisque le cadre réglementaire actuel prévoit que la Safer n’a de droit de regard sur les transferts de parts de société que lorsqu’ils concernent 100 % des parts. Si le transfert des parts sociales est partiel, la Safer est informée, mais elle ne peut pas intervenir. Sur ce point, Bertrand Lapalus rappelait quelques chiffres qui donnent la mesure des enjeux : « si le marché foncier des rétrocessions Safer représente en moyenne 84.000 hectares de transactions par an avec une moyenne de 7 ha par lot, le marché sociétaire (pour du foncier, mais aussi pour des parts sociales) concerne 616.000 ha avec une moyenne de 86 hectares par lot ».

Proposition de loi co-construite avec la profession…

Une situation qui favorise la création d’exploitations détenues majoritairement par un petit nombre d’investisseurs, souvent totalement extérieurs à l’agriculture, et qui menace notre modèle agricole basé sur des exploitations familiales, à taille humaine, avec un agriculteur exploitant. Sans parler de l’impact catastrophique sur les possibilités d’installation de jeunes ou via la hausse artificielle des prix du foncier engendrée par ces pratiques.

Sur le département, la Bresse et le Chalonnais sont les secteurs les plus touchés ce qui avait amené la profession à mener des actions syndicales dès l’été 2018 en Bresse, sur le secteur de Baudrières. Alertés par les remontées de terrain des adhérents FDSEA et JA, les têtes de réseau nationales FNSEA, JA, APCA et FNSafer ont travaillé dès l’été 2020 sur un projet de loi Foncière, avec comme ambition notamment d’élargir le contrôle des structures à toutes les mises en valeur des terres, y compris celles résultant de prises de participation. Cependant, en novembre 2020, le ministère de l’Agriculture a fait savoir que l’agenda parlementaire ne permettrait pas de déposer un projet de loi Foncière d’ici la fin de la législature actuelle. Les organisations professionnelles agricoles (OPA) se sont alors tournées directement vers les parlementaires pour étudier la possibilité d’introduire une PPL (Proposition Parlementaire de Loi). Une PPL a donc été travaillée avec le député des Hautes-Pyrénées, Jean-Baptiste Sempastous, qui a été déposée en février 2021. Si le calendrier prévisionnel est respecté, cette PPL pourrait être étudiée dès ce mois de mai. Si cette PPL va au bout, cela représentera l’aboutissement d’un travail syndical important, notamment pour améliorer la PPL qui était beaucoup plus « libérale » initialement. Même si, comme le soulignait Bertrand Lapalus, « un consensus (politique et syndical, NDLR) s’est assez naturellement fait au niveau national sur le sujet ».

En conclusion, comme le rappelait Bertrand Lapalus, l’un des objectifs de la future proposition de loi est aussi « d’éviter les agrandissements déguisés », d’autant que le dispositif permettrait de refuser l’opération de transfert de parts sociales en cas d’agrandissement excessif, même en l’absence de concurrence. Restent maintenant le passage aux votes devant l’Assemblée nationale et le Sénat et sans doute quelques navettes parlementaires. À suivre.   

Thibault Laugâa

Un dispositif qui s’appuierait sur les Safer…

Sans rentrer trop avant dans le détail de la mécanique d’un projet de loi non encore validé, voici les grandes lignes.
Le nouveau dispositif s’appliquerait aux prises de contrôle d’une société possédant ou exploitant des terrains agricoles, réalisée par une personne détenant déjà (directement ou indirectement) des terrains agricoles et dont la superficie totale détenue excèderait un seuil d’agrandissement excessif. Ce seuil serait défini par région, en lien avec la SAU régionale moyenne et les seuils de viabilité et d’agrandissement excessif du Schéma des structures. Les demandes seraient présentées à la Safer qui instruirait au nom et pour le compte de l’autorité administrative. L’acceptation de la demande serait basée sur les grandes orientations du Schéma des structures (contribution au développement du territoire, à la diversité des systèmes de production, installation des jeunes, etc.). En cas de refus, le demandeur devrait vendre des terrains ou en donner à bail afin de remédier à la situation. Bertrand Lapalus précisait que ce dossier est aussi fortement lié à la notion de la définition de l’agriculteur professionnel en cours de définition dans la future Pac. De son côté, Bernard Lacour, président de la Safer Saône-et-Loire saluait « un projet de loi qui va contribuer à préserver notre modèle agricole et qui permettra de gérer le foncier de manière spécifique ».

Agrivoltaïsme, CDPenaf, des dossiers nombreux….

Les échanges s’achevaient autour de question touchant à l’agrivoltaïsme. Si pour l’heure, aucune définition officielle de ces techniques n’est arrêtée, il s’agit d’installation photovoltaïque sur des terres agricoles, conservant ou non leur caractère productif. Sur ce point, Bertrand Lapalus déplorait que certains départements soient partis « bille en tête » sur ces sujets, sans attendre la définition d’une position agricole nationale sur le sujet. L’occasion pour les responsables agricoles départementaux de souligner les réflexions en cours sur ce sujet afin de définir un positionnement, mais aussi de souligner la forte pression mise par les opérateurs sur la profession, tant au niveau des responsables que des agriculteurs, pour le développement de projets.

Autre sujet touchant au foncier agricole, il s’agit de la construction en zone agricole, un sujet étudié dans le cadre des CDPenaf. Le "zéro artificialisation" n’étant toujours pas respecté en France qui contine de perdre des terres agricoles chaque année. Sur ce point, Bertrand Lapalus soulignait que « les CDPenaf sont dans le viseur d’un certain nombre d’élus politiques, et que certaines collectivités locales les remettent en cause, en accusant la profession d’y être trop représentée ». D’où l’importance d’être plus que jamais présents dans ces instances mises en place à la demande de la profession pour préserver le foncier agricole.