Contractualisation
Le ressenti d'un éleveur

Berty Robert
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La contractualisation en élevage bovin peine à se mettre en place. Des éleveurs ont pourtant franchi le pas. C'est le cas d'Arnaud Guyard, dans l'Yonne. Il évoque son approche et l'intérêt qu'il y trouve.

Le ressenti d'un éleveur
Pour Arnaud Guyard, la contractualisation ne doit pas être perçue comme une contrainte excessive. Il faut l’aborder de manière réfléchie, comme n’importe qu’elle relation commerciale.

Éleveur en Gaec avec son frère dans le sud de l’Yonne, Arnaud Guyard est entré, en janvier, dans une première contractualisation. « J’ai contractualisé, explique-t-il, avec Denis Tarteret, un marchand qui est un interlocuteur intéressant, et intéressé par ce dispositif ». Cette relation commerciale n’est pas née avec la contractualisation : Arnaud Guyard travaille depuis longtemps avec ce marchand comme avec d’autres et également la Sicarev. « J’ai toujours réparti mon cheptel, à proportions égales entre différents marchands » précise-t-il. Contractualiser, il en parlait depuis quelque temps avec Denis Tarteret : « C’est quelqu’un qui porte un vrai intérêt à la contractualisation et souhaite en conclure ». Le contrat en question court sur trois ans, il est reconductible et porte sur douze bêtes. « Cela ne représente pas une contrainte insurmontable, poursuit l’éleveur. On est au début de quelque chose, donc il faut y aller modestement, mais j’ai un interlocuteur motivé en face de moi ».

Une sécurisation

Sur un Gaec comptant un atelier de 200 mères charolaises auquel s’ajoutent 130 mères en ovins allaitants, le volume peut paraître modeste, mais il est intéressant pour la sécurisation qu’il représente : « Avec le contrat, on a une sécurisation d’un prix minimal. Il tient compte en grande partie du coût de production de l’Idele dans la construction du prix de l’animal, avec, aussi, la grille Entrée abattoir Centre-est, qui correspond à notre région. Aujourd’hui, le coût de production est aux alentours de 6,07 euros du kilo de carcasse. À l’entrée abattoir, on est sur un prix de marché, pour une vache R = à 5,40 euros ou R + à 5,45 euros. Dès qu’on intègre dans la construction du prix, le coût de production, qui est supérieur au prix de marché, on a une augmentation du prix du kilo, par rapport au prix de marché. La construction du prix, je trouve ça intéressant dans un contrat, mais il n’y a pas que ça. Vous avez aussi un « tunnel de prix » avec une tranche basse et une tranche haute. Vous allez vendre des animaux, automatiquement plus chers que le prix du marché, jusqu’à ce que ce prix arrive au coût de production. Néanmoins, personne n’est à l’abri d’un retournement de situation. Il faut avoir de la mémoire et se rappeler qu’on est partis de bien bas, il n’y a pas si longtemps. On n’a pas besoin de remonter très loin dans le temps pour retrouver des prix qui étaient à 4 euros. Certes, rien aujourd’hui, dans la conjoncture, ne nous indique qu’on va redescendre à ces niveaux de prix, mais si vous mettez un prix minimal autour de 5,20 euros/5,30 euros, on n’est pas sur le prix de revient, je le reconnais, mais néanmoins on sécurise une partie des revenus ». Cette dimension sécurisante a été déterminante dans son choix de contractualiser.

 

Une relation commerciale renouvelée

« Le contrat, poursuit Arnaud Guyard, apporte une garantie de prix minimum que nous n’avions jamais connue jusqu’à présent. Nous avons aujourd’hui des coûts d’intrants conséquents, les achats de protéines sont élevés. Le coût de production est indexé sur tout cela, il évolue tous les semestres. Dans les contrats, on dispose de la possibilité de réviser et de suivre le coût de production. On a un prix de vente qui est en relation avec les charges ». L’éleveur icaunais voit aussi dans la contractualisation une forme renouvelée de la relation commerciale dans laquelle l’agriculteur est libre de proposer des bêtes de toutes catégories, à partir du moment où le contractant est d’accord. « C’est vrai que, sous cette forme, on ne fait plus de commerce vache par vache, reconnaît-il. Le commerce se fait toujours, mais à un autre moment. Le contrat reste une relation commerciale qui doit aboutir à un accord entre deux parties. Enfin, la crainte d’être trop lié par un contrat n’est pas justifiée : personne n’est obligé de faire des contrats dans lesquels on engagerait 60 vaches par an pendant trois ans ! Personnellement, mon contrat de trois ans prévoit douze vaches, mais je peux très bien les livrer dès la première année. Il y a une souplesse, je ne suis pas obligé de me tenir à un rythme de quatre animaux par an pendant trois ans ». En conclusion, pour Arnaud Guyard, assurer un revenu régulier par le biais d’un contrat paraît plus intéressant que de tenter de réussir « un bon coup » de temps en temps…