Moto-cross
Du Touquet à l'électrique, une passion intacte

Berty Robert
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Le Côte-d'orien Yannick Paris pratique le moto-cross depuis son enfance. Ce « fondu » de mécanique, qui a participé plusieurs fois à l'Enduropale du Touquet, est aussi en veille sur les nouvelles technologies. Désormais, pour lui, sauter les bosses se fait aussi à l'électrique avec des sensations renouvelées... et presque dans le silence !

Du Touquet à l'électrique, une passion intacte
De la boue et des sensations fortes : les fondamentaux du moto-cross sont toujours là… mais avec moins de bruits et de pollution !

Début février, Yannick Paris était sur une plage du Pas-de-Calais, au départ de l’Enduropale du Touquet. Ce chef d’entreprise issu d’une famille d’agriculteurs de Jancigny, en Côte-d’Or, est un passionné de moto-cross qu’il pratique depuis l’âge de six ans. Au Touquet, il était au guidon d’une moto thermique, mais les choses pourraient évoluer rapidement : en décembre dernier, il s’est offert une moto-cross électrique. Toujours en veille sur les technologies innovantes, il y avait là de quoi attiser sa curiosité. Lorsqu’il a entendu parler de l’existence de machine de ce type, comme beaucoup d’autres, il a d’abord été sceptique : « le moto-cross, explique celui qui est aussi président de l’association Moto Verte Jancigny, est un milieu où on aime la mécanique, et la mise au point de la moto thermique fait partie du plaisir de la pratique, donc, là, c’est une vraie révolution. Sur une électrique, il y a très peu de mécanique ». Il lui a suffi d’en essayer une pour être converti : « En termes de sensations de pilotage, c’est très différent. Tout est plus facile. Il n’y a pas de passage de vitesse, pas d’embrayage à doser. L’efficacité est largement supérieure à celle d’un moteur thermique. En moto-cross, dans les virages, on est toujours à la recherche du bon filet de gaz. La moto électrique permet un dosage beaucoup plus progressif. Je me suis surpris à faire des trajectoires presque parfaites, très linéaires, en glisse. Le plaisir de pilotage est renouvelé et beaucoup plus fort qu’avec une moto thermique. Cette facilité accrue, on la ressent aussi quand on passe les bosses sur un circuit ».

Développée par un Français

Sa monture innovante, Yannick Paris l’a choisi avec soin, en ayant pris le temps de se renseigner. Il s’agit d’une Stark Future Varg, issue d’un projet porté par le Suédois Anton Wass, fondateur en 2018 de sa start-up basée en Espagne, à Barcelone. Son projet : créer une moto électrique très performante, en commençant par le tout-terrain, avant d’élargir à d’autres disciplines sportives deux-roues. Le concepteur est parti d’une page blanche, un peu à la manière de l’entreprise américaine Tesla pour l’automobile. La moto a été conçue autour d’un concept innovant de batterie électrique à grande capacité. Une dizaine de brevets ont été déposés pour cette machine. « Le chassis de la moto, détaille Yannick Paris, a été conçu autour de la batterie, avec un centre de gravité relativement bas. Le poids atteint 118 kilos, l’équivalent de celui d’une moto d’enduro à moteur thermique ». Ici, pas de carburant, évidemment, et juste un petit réservoir d’huile pour la lubrification. Le développement de la Stark Future Varg, c’est un Français qui s’en est chargé : Sébastien Tortelli, pilote de moto-cross double champion du monde, en 125 et en 250 cm3. L’originalité de cette moto électrique, c’est que le pilote peut définir lui-même les paramètres de la courbe de puissance qu’il souhaite, à partir d’un smartphone développé par la start-up, à la manière d’un jeu vidéo où l’on détermine, avant sa partie, les caractéristiques du véhicule qu’on a choisi. « Je décide de la puissance, mais aussi du niveau de frein moteur, qui contribue à la recharge de la batterie explique Yannick Paris en pianotant sur l’écran du smartphone. Je peux paramétrer cinq modes de fonctionnement que je déclenche, même en roulant. Contrairement à un moteur thermique qu’il faut préparer en jouant sur l’échappement, la culasse, les réglages du boîtier qui pilote l’injection ou l’allumage, et pour lequel la configuration, une fois décidée, est difficile à modifier, avec l’électrique, on peut, en quelques secondes, régler la moto pour un débutant, comme pour un pilote chevronné, sur des puissances qui s’échelonnent de 10 à 60 cv ».

Puissance linéaire

L’autre intérêt de cette machine, c'est qu’elle délivre une puissance linéaire avec un couple permanent et de manière directe, à la roue. Il n’y a pas de déperdition mécanique avec un embrayage ou la transmission qu’on trouve sur un moteur thermique. Certes, le point faible reste l’autonomie : avec une puissance de 60 cv elle est de l’ordre de 35 minutes, en utilisation intensive de moto-cross. Il faut garder à l’esprit que le roulage non-stop en moto-cross est éprouvant physiquement. « Mais en mode « Balade », souligne Yannick, on peut dépasser 5 heures de roulage ». La Stark Future Varg vaut 12 000 euros, c’est l’équivalent du prix d’une moto enduro thermique. Il y a le coût des recharges électriques mais pas de carburant et beaucoup moins d’entretien mécanique. Côté compétition, on peut s’aligner au départ d’une course de moto-cross avec une électrique, du moins en France, si on est dans une catégorie où il n’y a pas de limite de cylindrée et de puissance, mais ce n’est pas le cas dans tous les pays. « Stark Future, souligne notre pilote, travaille avec la Fédération française de motocyclisme pour limiter, par voie logicielle et sur un temps donné, la puissance des motos, afin de pouvoir participer à des compétitions avec des catégories de puissance précises. Sur la période de la course, la moto se trouvera électroniquement verrouillée à la puissance autorisée pour la catégorie, de manière à éviter toute triche ». L’émergence de la moto électrique n’empêche pas Yannick de toujours apprécier la moto « à l’ancienne » au sens propre du terme puisqu’il participe aussi à des compétitions en catégorie « Vintage ». Il possède, pour cela une Honda CR 250 cm3 de 1988. Le 9 mars, néanmoins, il a fait sa première course en électrique dans le cadre du Salon du Deux-Roues de Lyon. Quant à l’édition 2024 de l’Enduropale du Touquet, Yannick Paris ne l’a pas terminé : il a été contraint à l’abandon sur sa moto thermique, en raison de la défaillance de la batterie électrique…

Peu de bruit, un véritable atout

La moto électrique qu’utilise Yannick Paris est effectivement beaucoup plus silencieuse qu’une moto thermique. Son fonctionnement ne génère qu’un léger feulement qui fait sourire les amateurs de mécanique à gros décibels, mais qui présente pourtant un sacré avantage : à l’heure où beaucoup de circuits de moto-cross sont contraints de fermer en raison des nuisances sonores, Yannick Paris voit là un argument de poids pour protéger la pratique de cette discipline sportive. En revanche, c’est du côté des compétiteurs que cette évolution fait grincer des dents : certains n’apprécient pas de ne plus entendre cet adversaire potentiel arriver sur leurs talons, pendant une course…