Cave de Lugny
En phase avec les attentes sociétales

Marc Labille
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Dans un contexte pourtant chamboulé, la Cave de Lugny a réalisé un bon exercice 2019-2020 grâce au succès de ses produits à bon rapport qualité-prix et à une stratégie commerciale réactive. Déjà très investie dans la qualité et l’image de ses vins, la coopérative anticipe les évolutions sociétales en travaillant la biodiversité et en déclinant un créneau bio.

En phase avec les attentes sociétales
La Cave de Lugny s’est lancée dans un important programme d’investissements d’un montant de 4 millions d’euros consacrés à la réfection de la réception des récoltes et au matériel de cuverie.

Le 2 avril dernier, la Cave de Lugny a tenu son assemblée générale au siège de la coopérative. Une AG adaptée aux contraintes sanitaires du moment avec des coopérateurs répartis dans trois salles différentes suivant un protocole strict. Particulière à plus d’un titre, cette assemblée portait exceptionnellement sur un exercice d’une durée de 16 mois, conséquence d’une modification de la date de clôture. Bien que cette décision comptable complique la comparaison par rapport à l’exercice précédent et que 2019-2020 fut marquée par le Covid, le Brexit, la taxe Trump…, les responsables de la Cave de Lugny ont malgré tout dressé le bilan d’une très bonne campagne. « Nous avons plus vendu et mieux valorisé nos appellations », résumait ainsi le président Marc Sangoy. Et si les 113.000 hectolitres commercialisés l’ont été sur un exercice de 16 mois, les 55 % de hausse sont supérieurs à l’allongement de durée de l’exercice, faisait remarquer Emmanuel Bruno, responsable administratif et financier de la coopérative. À près de 50 millions d’euros, le chiffre d’affaires est exceptionnellement gonflé par ces 16 mois d’exercice. Quant aux frais de vinification, ils ont beaucoup augmenté pour la récolte 2019 (47,86 €/l’hectolitre), la faute à un volume de récolte en baisse de – 44 % à 50.600 hl. Ces frais de vinification ont atténué la hausse des prix de 2019 (+ 3 % en chardonnay, + 5 % en pinot, + 4 % en aligoté, etc.). Cependant, les coopérateurs vont bénéficier de compléments de prix intéressants pour la fin d’année, annonçait Emmanuel Bruno. De quoi « passer le cap de cette faible récolte 2019 en volume », confirmait Marc Sangoy.

Impact limité du confinement

Face à nombre de bouleversements internationaux, sanitaires, sociétaux…, la stratégie commerciale de la Cave de Lugny continue de porter ses fruits. De fait, l’impact du confinement a été somme toute très limité. Les commandes ont rapidement repris. Seuls les points de vente directe sont restés fermés quelques semaines. Mais la coopérative a déployé des livraisons, un drive et une communication adéquate pour ne pas perdre ses clients particuliers. « Les ventes par Internet ont explosé et dès la réouverture, nos clients ont afflué dans nos boutiques », se félicitait Marc Sangoy. Cette crise tend à prouver que les choix de la coopérative sont les bons. Ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier ; la recherche de toujours plus de qualité à travers une offre de cuvées soignée ; l’écoute du marché et du consommateur et, au final, « des vins d’excellents rapport qualité-prix donc attractifs. Ce sont les clés de la réussite, en même temps que la rémunération pour les producteurs », analysait Marc Sangoy qui rappelait au passage la force du système coopératif qui fait ses preuves depuis 1926.

Attentive aux changements sociétaux, la Cave de Lugny entend répondre aux demandes « de plus de traçabilité, de transparence, de verdissement » (lire à ce sujet l’analyse d’Édouard Cassanet en encadré). Une nouvelle compétence a été recrutée en ce sens.

GIEE « Biodiv’vigne »

Un groupe de travail sur la biodiversité a vu le jour au printemps 2020. Il a débouché sur la création, au sein de la Cave de Lugny, d’un Groupement d’intérêt économique et environnemental. Ce GIEE va répondre « au besoin d’un projet collectif doté d’un écho positif », en l’occurrence la démarche « Vignerons engagés ». Ce GIEE a aussi la motivation de faire évoluer les pratiques. Et il a pour ambition de démontrer l’implication des vignerons coopérateurs dans la protection de l’environnement et du patrimoine, présentait-on. Ce GIEE a été labellisé en juillet 2020 sous le nom de « Biodiv’vigne ». Ses thématiques sont la faune, la flore, le sol, le bâti. Ses objectifs : inventorier et comprendre la biodiversité ; la maintenir et la développer ; communiquer. Les adhérents de la Cave de Lugny sont invités à intégrer ce GIEE sur une thématique, un objectif ou même seulement une action de leur choix. Pour eux, c’est un moyen d’accéder à de l’information, de l’animation, des subventions, expliquait-on. L’occasion aussi de participer à des actions communes ; d’échanger avec d’autres… Parmi les actions prioritaires du GIEE figurent un inventaire de biodiversité, des couverts végétaux, la plantation de haies ou arbustes, un troisième sentier œnotouristique…

Première cuvée bio

Enfin, la Cave de Lugny dispose de sa toute première cuvée bio millésime 2020 en mâcon-villages. Les 500 premiers hectolitres bio produits par la coopérative sur son domaine dédié de la Croix Salain sont déjà tous réservés, se félicitait Marc Sangoy. Le domaine compte aujourd’hui 25 co-gérants travaillant une surface d’un peu plus de 22 hectares de vignes bio, en crémant de Bourgogne et mâcon villages. L’hectolitre est rémunéré 25 % de plus qu’un hectolitre produit en lutte raisonnée, informait le président. La conduite en culture bio s’avérant une solution pour continuer d’exploiter les zones ZNT, concluait Marc Sangoy

Passage à la mensualisation pour les coopérateurs

Une nouvelle méthode de règlement des apports entre en vigueur pour la récolte 2020 et donc à compter d’août 2021, présentait Emmanuel Bruno. Elle repose sur des versements désormais mensuels aux coopérateurs. Et pour lisser davantage le revenu et du même coup les aléas climatiques, ce versement mêlera deux récoltes, atténuant ainsi les variations entre elles. Concrètement, la rémunération mensuelle des coopérateurs sera constituée pour 80 % d’acomptes correspondant à la récolte de l’année (basé sur les volumes en AOC et sur un prix fixe) et pour 20 % de soldes correspondant à la récolte de l’année précédente (basé sur le volume total et la valorisation définitive du millésime). 

Édouard Cassanet : retour sur « une année folle »

La stabilité de la rémunération des chardonnay depuis 2013 est en grande partie due aux VCI (volumes complémentaires individuels), expliquait le directeur général de la cave Édouard Cassanet. Ce sont « ces fameux VCI » - dont on craignait que des stocks trop importants nuisent au marché, qui se sont avérés être « un véritable trésor de guerre lorsque la récolte de 2019 s’est révélée extraordinairement basse », analysait le directeur. Ces VCI constituent donc un facteur de stabilisation du marché ; « une assurance », en gommant les aléas, concluait-il. Et ce n’est pas le gel de ces derniers jours qui viendra malheureusement contredire ce besoin, avec les précieux VCI du millésime 2020... Point fort de la cave, la stabilité des ventes de bouteilles est une composante de son important chiffre d’affaires. 

« Malgré le Brexit, le taux de change, une taxe de + 25 % sur nos produits destinés aux États-Unis et la crise du Covid, tous nos domaines de vente sont en progression », se félicitait Édouard Cassanet qualifiant la période « d’année folle ». Pour 2021, le prévisionnel laisse augurer une vente de bouteilles similaire de l’ordre de 45.000 hectolitres, mais une baisse du vrac à environ 32.000 hectolitres faute de stock pour faire face à la demande.

Progression des produits « premium »

Au niveau mondial, la consommation globale ne progresse pas, mais la vente des produits « premium » tire son épingle du jeu, faisait remarquer Édouard Cassanet. Et ce dernier d’évoquer « un environnement » favorisant des filières « spécialisées ou éthiques » ainsi que de nouveaux produits ou concepts… dans un marché très dynamique et concurrentiel… Une tendance à laquelle la Cave de Lugny est très attentive. À l’heure où les discours se parent de vertus, vantant des schémas collectifs, solidaires…, la coopérative a de quoi se défendre face à des consommateurs devenus friands de toutes ces valeurs. Elle mise d’ores et déjà sur son label Vignerons Engagés « qu’il vous faut faire vivre », encourageait Édouard Cassanet. Cela passe aussi par des cuvées plus sélectives, poursuivre le travail sur l’image des produits et bien entendu par un positionnement sur le marché porteur du bio, incitait le directeur. Ce dernier croit aussi beaucoup au développement de la vente par Internet, de même à l’œnotourisme que la coopérative déploie autour de son magasin de vente. Sans oublier la grande distribution et l’export avec un marché américain qui va repartir et de nouvelles destinations : Corée du Sud, Vietnam, Taïwan, concluait Édouard Cassanet.