Prix Agrobiodiversité
Une poule ancienne réhabilitée et récompensée

Françoise Thomas
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Le Gaec la Gauloise noire vient de recevoir le premier prix Agrobiodiversité remis par la Fondation du Patrimoine. Une dotation de 15.000 € bienvenue dans cette ferme d’Huilly-sur-Seille qui vient de se lancer dans un pari presque un peu fou : faire renaître une race de poule locale, en passe de tomber dans l’oubli, la gauloise noire ou noire de Louhans.

Une poule ancienne réhabilitée et récompensée
La dotation de 15.000 € va participer au financement de l’abattoir de volailles mis en place en juin sur la ferme de Morgan Louche et Charlène Revol.

C’est un peu par hasard que Morgan Louche a commencé un jour à s’intéresser à la gauloise noire. « Je faisais des recherches sur la Bresse et j’ai découvert qu’avant il y avait des poules de Bresse bleues, grises et noires en plus de la blanche. En fait, chaque secteur de la Bresse avait sa poule ». Il semblerait que le sort des trois premières ait été scellé et voué à l’oubli, au moment du lancement de l’AOP poulet de Bresse en 1957, consacrant les individus blancs. « Aujourd’hui, seuls quelques anciens me disent qu’ils se souviennent des poules noires de Louhans », relate Morgan Louche.

Un concours de circonstances

Celui-ci s’est au départ lancé en production d’œufs avec les classiques poules rousses sur la ferme de ses grands-parents située à Huilly-sur-Seille, à mi-chemin entre Louhans et Tournus. Un temps double-actif, cette première activité en élevage et production lui a permis de bâtir sa clientèle. Son envie de sortir des sentiers battus, l’installation sur l’exploitation de sa compagne Charlène Revol, puis un douloureux problème de salmonellose débouchant sur l’abattage d’une grande partie des poules pondeuses ont fini de convaincre le jeune homme de se lancer dans la réhabilitation de la race ancienne. « En parallèle, nous avions interrogé nos clients et tous nous suivaient sur cette nouvelle production malgré l’augmentation des tarifs que cela allait impliquer ». Finalement, le couple a vécu cet arrêt forcé « comme un challenge qui nous a permis de rebondir sur une production nous permettant de nous démarquer des autres », car il semble bien que le Gaec de la Gauloise noire soit le seul actuellement à proposer des œufs de cette race-là…

Tous valorisés

Le couple s’adresse alors au centre de sélection de Béchanne pour acheter ses premières poules noires mais pas d’autres choix que de les avoir poussins ! « Cela nous a obligés à aménager une poussinière puis à devoir aussi gérer les poulets puisque les poussins que nous récupérons sont non sexés ».

Qu’à cela ne tienne, cela représente un nouveau débouché pour le Gaec. La structure est toute récente, créée en mars 2021 et est constituée de trois bâtiments poules pondeuses de 90 m² chacun, plus un bâtiment réservé aux poulets de 60 m², avec à chaque fois un parcours extérieur. « Nous tournons sur deux bâtiments pour les poules pondeuses pour en avoir toujours un en vide sanitaire ». Chaque lot est constitué de 500 poules noires de Louhans

Les atouts séduction

Ce qui a plu au jury du prix Agrobiodiversité « c’est la mise en avant d’une poule autochtone presque perdue, le fait que nous évitons le broyage des poussins puisque nous valorisons les mâles », détaille l’éleveur, et le fait aussi qu’ils recherchent au maximum l’autonomie.

Le prochain chantier prévu pour le mois de juin est la mise en place d’un abattoir « pour lequel les 15.000 € de dotation sont les bienvenus ! ». Côté alimentation, « nous souhaitons à terme nous rapprocher au maximum des techniques d’élevage des années 1960-1970 ». Le jeune homme compte pour cela sur la réhabilitation d’un ancien moulin, héritage familial, grâce auquel sera transformé en farine « du blé ancien, dans l’idée de retrouver les saveurs de l’époque ». Dès à présent, un ami et voisin cultive spécialement pour l’élevage du maïs blanc…

Pour l’heure, les œufs et la chair des gauloises noires et des cailles (voir encadré) du Gaec font les délices de plusieurs restaurants du secteur, dont certains étoilés. La vente via des épiceries et en direct à la ferme complète ce débouché.

Présentation de la poulette

Présentation de la poulette

De mémoire paysanne, la noire de Louhans était tout autant réputée pour ses œufs que pour sa chair. De fait, la poule pèse environ 2 kg à l’âge adulte, quand le poulet peut aller jusqu’à 2,5 kg avec une maturité atteinte en 170 jours.

En plus de son plumage très noir aux reflets verts, cette gauloise complète sa panoplie par deux oreillons blancs et une crête très rouge que la coquette poulette laisse retomber sur un côté, ce qui n’est pas le cas chez le poulet.

En termes de production, « elle prend plus son temps que la poule rousse par exemple et elle produit moins, mais elle est plus régulière et sur plus longtemps ». Ainsi lorsque la production annuelle d’une poule rousse avoisine les 300 œufs, celle de la gauloise noire est estimée à 220 maximum.

Le second atelier du Gaec

Le second atelier du Gaec

Charlène Revol est, elle, plus attitrée à l’atelier caille. En deux à trois lots par an, la jeune femme élève un millier de cailles par lots.

Elles sont valorisées pour leurs œufs, « véritables alicaments souvent prescrits par des médecins », et pour leur chair. Mais ceci sera surtout développé grâce au futur abattoir sur place : « c’est une opération délicate où tout est manuel, explique la jeune femme. Pour l’instant, nous devons nous déplacer chez un collègue, ce qui est loin d’être idéal, et qui ne nous permet pas assez de réactivité ». Le modèle est basé sur un abattage hebdomadaire de 80 cailles.

Les cailles s’épanouissent entre deux bâtiments de 25 m² débouchant sur une volière de 250 m².