« Végétal local »
Des essences naturelles locales pour les haies

Marc Labille
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« Végétal local » est une nouvelle filière de production de semences ou plants végétaux destinés notamment à la plantation de haies ou de bosquets. Elle a la particularité de s’appuyer sur la collecte d’espèces naturelles locales. En Saône-et-Loire, la Fédération départementale des chasseurs s’est engagée dans cette démarche vertueuse. Elle en est à sa deuxième campagne de collecte cette année.

Des essences naturelles locales pour les haies
Opération de dépulpage : à l’aide d’un tamis, la pulpe des fruits récoltés est éliminée afin d’obtenir les graines.

Sensible à la préservation des haies et autres bosquets, gage de biodiversité, d’habitat et de nourriture pour le gibier, la Fédération départementale des chasseurs de Saône-et-Loire (FDC 71) est engagée dans la démarche « Végétal local ». Tout est parti du constat depuis une quinzaine d’années que la France ne produisait plus de jeunes plants pour ses haies. Les plantations sont aujourd’hui réalisées avec du matériel végétal provenant des pays de l’Est de l’Europe, du nord, voire même de l’hémisphère sud. Des plants dont la génétique n’est pas adaptée au territoire français, d’autant moins avec le réchauffement climatique. La volonté de pouvoir replanter avec des plants d’origine autochtone a conduit à créer la marque nationale « Végétal local ». Détenue par l’Office français de la biodiversité, cette marque est accompagnée d’un cahier des charges qui garantit la qualité des plants et leur traçabilité, de la récolte des graines jusqu’à la plantation.

La marque « Végétal local » repose sur la collecte de fruits produits naturellement par les arbres et arbustes de haies et bosquets locaux. De ces fruits sont extraits des graines qui vont donner naissance à des plants. Il s’agit d’espèces courantes constituant habituellement les haies françaises : charme, érable, noisetier, prunelier, fusain, viorne, églantier, etc.

Une marque, un cahier des charges

Depuis un an, la FDC 71 collecte des graines pour la marque « Végétal local ». Pour cela, elle s’est soumise à un audit qui l’autorise à être détentrice de la marque et donc à collecter des espèces sur son territoire. « Nous sommes la première fédération départementale à avoir franchi le pas », confie Thierry Peyrton, responsable du pôle habitat et environnement à la FDC 71. « L’acquisition de la marque est une démarche assez lourde. Cela repose sur un cahier des charges très contraignant qui fixe le choix des sites de collecte, les modalités de collecte des fruits, la traçabilité, la préparation des graines… C’est un travail très rigoureux », explique Thierry Peyrton. Trois techniciens de la FDC 71 (Gaëtan Bergeron, Franck Jacob, Thierry Peyrton) ont suivi les formations spécifiques pour récolter dans le cadre de « Végétal local ». Pour cette activité saisonnière, ils sont rejoints par Marine Jolibert en CDD. 

Sept sites de collecte en Saône-et-Loire

S’appuyant sur sa bonne connaissance du terrain, la FDC repère les parcelles susceptibles de fournir de bonnes graines. Sept sites de récolte ont été retenus en Saône-et-Loire : quatre en Bresse et trois dans le Charolais, informe Thierry Peyrton. Parmi les critères de sélection, il faut la certitude de l’origine naturelle des graines, que le site soit éloigné des hameaux, des habitats. L’ancienneté de la haie compte aussi. « Après repérage, on rencontre les propriétaires et/ou les exploitants afin de signer avec eux une convention. La collecte se fait suivant un protocole très strict. La collecte intervient à une maturité précise. On ne prélève pas plus de 25 % des fruits d’un même arbre ; provenant d’au moins 30 sujets différents ; en ne prélevant pas plus de trois ans sur un même arbre… Tout ce matériel végétal est rigoureusement identifié, noté… », détaille Thierry Peyrton. La seconde étape du travail consiste à préparer les graines extraites des fruits collectés. Cette phase dite de « dépulpage » suit, elle aussi, un protocole précis. La finalité étant d’obtenir « des graines propres, saines, fraiches qui seront fournies à des pépiniéristes dans les temps », informe le technicien qui ajoute que le cahier des charges de la marque « Végétal local » réactive tout ce savoir-faire qui a été perdu en France. 

Besoin de 800.000 plants…

En 2020, la première campagne de collecte effectuée par la FDC 71 s’est élevée à 50 kg de fruits dont 11 kg de graines ont été extraites pour le pépiniériste Naudet. « On accélère la récolte en 2021, elle devrait être multipliée par quatre ou cinq », confie Thierry Peyrton. Il faut dire que les besoins sont considérables. En effet, les pépiniéristes ne parviennent plus à faire face à la demande laquelle a explosé avec les incitations de l’État dont l’appel à projet « Plantons des haies » (lire encadré). Le besoin s’élève à 800.000 plants pour la région Bourgogne Franche-Comté avec un objectif de 400 km de haies à planter d’ici à deux ans, informe Thierry Peyrton. Et le monde agricole est particulièrement demandeur depuis trois ou quatre ans, ajoute-t-il. Au niveau de « Végétal local, nous avons toute une filière à créer », confie Thierry Peyrton. La mission de la FDC est aussi de développer la marque et d’organiser la collecte avec son partenaire régional France Nature Environnement. De nombreuses structures sont associées pour animer la démarche, parmi elles figure la chambre d’agriculture. Tous les acteurs de la plantation ont été sensibilisés à « Végétal local ». Les collectivités territoriales sont demandeuses et soutiennent. Des sociétés d’autoroute sont également très intéressées.

Appel à projet « Plantons des haies »

Le programme « Planton des haies » s’inscrit dans le volet « transition agricole, alimentaire et forestière » du plan de relance du gouvernement. Il mobilise 50 millions d’euros au niveau national pour « accélérer la plantation de haies et d’alignements d’arbres intra-parcellaires sur les terres agricoles ». À l’échelle de la Bourgogne Franche-Comté, l’objectif est de soutenir la plantation d’au moins 400 km de linéaire sur la période 2021-2022 avec le concours du ministère de l’Agriculture et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader).

Les projets doivent « respecter une liste d’essences champêtres non productives ». Pour accompagner les candidats, une vingtaine de structures sont mobilisées pour leur apporter expertise technique et aide au montage des dossiers. Gratuit mais obligatoire, cet accompagnement est assuré en Saône-et-Loire par la Chambre d’agriculture ainsi que d’autres structures accompagnantes dont la FDC 71 (coordonnées de ces structures sur le site d’Alterre Bourgogne Franche-Comté).