Fevao
Le bon poids du collectif

Françoise Thomas
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La jeune fédération des viandes AOP de France a tenu son assemblée générale le vendredi 10 septembre à Saint-Christophe-en-Brionnais. Malgré le contexte de ces derniers mois, la Fevao a non seulement réussi à se rassurer sur son bienfondé mais a aussi esquissé ses premières avancées.

Le bon poids du collectif
Pour Michel Oçafrain, (2e en partant de la gauche) le président de la fédération des viandes AOP de France, « la Fevao regroupe 11 fédérations solidaires, unies et déterminées ». Ici entouré de Yannick Pochelon (à gauche), animateur de la Fevao, Jean-François Ravault pour l’AOP Bœuf de Charolles et Bernard Bonnefoy pour l’AOP Fin gras du Mézenc.

Onze territoires réunis au cœur du Charolais. Les accents fusaient de toute part dans la salle du domaine de Noyer à Saint-Christophe-en-Brionnais ce vendredi 10 septembre, rappelant les origines géographiques très variées des différents participants à la deuxième assemblée générale de la toute jeune Fevao, fédération des viandes AOP de France (voir encadré).

Si trois des onze AOP n’ont pu se déplacer, cette AG s’est déroulée en présence de deux représentants de l’INAO, de l’avocat de la Fevao, du président de l’association Origin France.

Mais avant de présenter les actions déjà engagées par la Fevao, l’attachement des AOP aux territoires français et à leurs spécificités n’a pas manqué d’être souligné par Bernard Bonnefoy, de l’AOP Fin gras du Mézenc, saluant « l’œuvre d’art collective » que les paysages du Charollais-Brionnais lui ont donné à voir. « Un art naïf, façonné par chaque éleveur, a-t-il poursuivi. Et cette capacité que les éleveurs ont à optimiser leur territoire, permet aux gens d’être bien dans leur pays, aux paysans d’être bien dans leurs bottes et aux animaux d’être bien dans leurs prés ».

L’affirmation des valeurs

La première victoire de la Fevao est d’abord celle « d’avoir réussi à se fédérer », et l’union faisant la force, « cela nous motive les uns les autres, on se sent moins seuls et cela nous apporte poids et crédibilité », présente ainsi Éléonore Sauvageot, du syndicat Bœuf de Charolles.

Un collectif qui permet aujourd’hui à Michel Oçafrain, le président de la Fevao arrivant du Pays basque (AOP Kintoa) de présenter les premières décisions qui commencent par la base : les cahiers des charges. Les AOP carnées ont ainsi choisi "l’option 1" de l’INAO au sujet des engagements collectifs devant être pris par les ODG dans le cadre des démarches environnementales. Cette option 1 consiste en "l’introduction dans le cahier des charges d’une ou plusieurs dispositions agroenvironnementales". « À notre sens, l’AOP est le plus exigeant des Siqo, des signes officiels de qualité », détaille ainsi Michel Oçafrain. Les "bonnes" pratiques sont donc déjà appliquées, reste juste à les notifier par écrit. En cela, les dirigeants souhaitent aussi éviter la multiplication de l’affichage de marques de qualité : « l’AOP doit se suffire à lui-même pour rassurer le consommateur », les cahiers des charges de ces AOP intégrant « la transmission du goût des terroirs et des savoir-faire ancestraux ».

Le soutien mutuel

La Fevao a par ailleurs choisi d’accompagner l’un de ses adhérents, l’AOP Prés-salés du Mont-Saint-Michel « en souffrance » car mise en difficulté par une marque « qui usurpe une partie de son nom et de son image ». L’avocat présent, Me Arnaud Lellinger, a ainsi présenté brièvement l’action en cours et rappelé aux autres AOP « le combat en trois points » qu’elles doivent mener, à savoir : « comprendre votre appellation et la faire vivre ; la défendre ; la valoriser ».

L’avocat a particulièrement insisté sur cette notion de surveillance et de réactivité : « vous avez des trésors entre les mains, mais le boulot ne s’arrête pas là ».

Cette problématique qui arrive à cette AOP à cheval entre la Bretagne et la Normandie doit servir « de retour d’expériences » à ses dix autres consœurs ; comme elle-même peut bénéficier du soutien et du conseil juridique de la structure puisque « la Fevao a vocation à agir aux côtés des ODG pour leur défense ».

Contacts multiples

Une des autres grandes missions de la Fevao est la création de partenariats, « du travail de lobbying, l’idée étant vraiment de se présenter et d’être reconnu comme un interlocuteur » par ces différentes instances et partenaires. Un volet essentiel quand on sait que certaines des AOP impliquées comptent seulement une dizaine d’éleveurs… Pour cela, des démarches sont effectuées pour se faire connaître et donc reconnaître auprès de différents ministères. Les rencontres se multiplient ou sont en projet avec les députés nationaux et européens, les instances régionales.

Un partenariat a été signé avec l’association Origin qui existe au niveau mondial (regroupant 700 indications géographiques (IG), pas forcément agroalimentaires, dont 75 ODG françaises) et qui milite aussi pour la reconnaissance et la défense des produits et savoir-faire.

Le confinement a obligé en 2020 la toute jeune structure Fevao à ne fonctionner que par visio, et ce fut finalement bénéfique car cela a créé une dynamique qui perdure, effaçant toutes les distances géographiques entre ces produits des quatre coins de la France.

La fédération des utopies
Ambiance empreinte de bonne humeur et de réelle motivation pour tous les participants à cette deuxième assemblée générale de la Fevao.

La fédération des utopies

La Fevao est née « d’un pari fou », a rappelé Jean-François Ravault, président de l’ODG Bœuf de Charolles : celui d’arriver à fédérer toutes les AOP carnées de France. Pari qui est déjà une réussite, puisque les 11 AOP viande ont créé leur fédération en décembre 2019. Cela concerne 700 producteurs situés sur une trentaine de départements et représentant en tout 16 produits sous AOP.

La Saône-et-Loire est concernée par deux d’entre elles : les volailles de Bresse et la Dinde de Bresse, la seule AOP avicole de France, et l’AOP Bœuf de Charolles. Les trois autres AOP viande bovine sont Fin gras du Mézenc, Maine-Anjou et Taureau de Camargue. Les trois AOP ovines sont Barèges-Gavarnie, Prés-salés de la baie de Somme, Prés-salés du Mont-Saint-Michel. Enfin les AOP filière porcine et charcuterie sont celles de l’AOP Corsica (trois produits différents en AOP), Kintoa et Jambon de Kintoa, Porc noir de Bigorre et Jambon noir de Bigorre. Soit une véritable carte de France des saveurs !

La Fevao permet la promotion et la défense des produits et des goûts et va au-delà, comme l’a souligné Jean-François Ravault : « nous avons une même passion pour notre métier, nos races, notre terroir, notre pays. Une passion qui se transforme en utopies, celle d’engraisser des animaux au foin, celle de faire revivre une race ou une vallée ».