Chasse à l’arc
Une technique méconnue mais précieuse

Marc Labille
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Encore méconnue en France, la chasse à l’arc gagne des adeptes depuis sa légalisation en 1995. Aujourd’hui, cette technique à la fois exaltante et efficace offre une alternative précieuse pour réguler l’intrusion de gibier dans des lieux insolites ou difficilement chassables. 

Une technique méconnue mais précieuse
En Saône-et-Loire, les chasseurs à l’arc sont fédérés au sein de l’association Chassarc71.

En Saône-et-Loire, l’association Chassarc71 compte une trentaine d’adhérents adeptes de la chasse à l’arc. Ces chasseurs d’un autre genre privilégient les techniques dites de l’approche et de l’affut. En effet, les battues sont moins prisées des chasseurs à l’arc car le mouvement du gibier en fuite limite les possibilités de tir, explique Vincent l’un des adhérents de Chassarc71. Légalisée depuis 1995, la chasse à l’arc est devenue une technique de chasse très complémentaire de la chasse traditionnelle. On fait appel à elle là où l’usage des armes à feu devient trop dangereux. Elle est aussi idéale dans le cadre de l’ouverture anticipée de la chasse au sanglier à partir du 1er juin. « On fait de plus en plus appel à nous pour lutter contre des dégâts de gibier occasionnés sur des sites difficilement chassables comme un golf, un centre équestre, des vignes… », introduit Vincent. Dans tous les cas, l’usage de fusils serait trop risqué vis-à-vis des habitations, des riverains, des animaux domestiques.

Sollicité par la ville de Chalon

En Saône-et-Loire, l’association Chassarc71 a été sollicitée par la ville de Chalon-sur-Saône pour un territoire de 22 hectares en zone périurbaine. Ce terrain constitué d’une ancienne friche industrielle, pour partie boisée et comprenant quelques parcelles de cultures, est infesté de sangliers, chevreuils, renards et même ragondins qui ont pris l’habitude de venir s’y réfugier. Sa proximité avec la ville, des usines et de grands axes de circulation interdit l’usage d’armes à feu ou le recourt à des battues, présente Vincent. Mis en contact avec la Ville par l’intermédiaire de la Fédération des chasseurs, et après que les louvetiers aient conclu à l’impossibilité de réaliser des battues, la chasse à l’arc s’est révélée une solution pour gérer ce territoire. Depuis quatre ans maintenant, les adhérents de Chassarc71 assurent eux-mêmes cette gestion de la présence des animaux sauvages en assurant effarouchements et prélèvements. Comme n’importe quel territoire de chasse, un bail est établi entre les archers et la Ville de Chalon. Chaque saison, les chasseurs à l’arc procèdent à leurs demandes de bagues auprès de la Fédération des chasseurs.

Approche, affut perché, poussée silencieuse…

La saison débute dès les premiers jours de juin par un repérage sur le terrain (observation des coulées, indices, utilisation de pièges photographiques, etc.). Les premiers tirs sont réalisés fin juin ou début juillet. La chasse à l’arc se fait soit à l’affut au sol, soit à l’affut perché ou encore à l’approche. Le tir à l’affut perché consiste à installer une plateforme fixée au tronc d’un arbre à environ 3,50 m de hauteur. C’est la technique du "tree-stand" (perchoir dans un arbre). Elle fait appel à un matériel spécifique portatif que le chasseur installe sur le tronc. « L’affut perché permet de voir les animaux arriver de loin. Il rend le chasseur moins repérable à son odeur que s’il était au sol », confie Vincent. « La technique de l’approche consiste à se rendre sur une zone où les animaux viennent boire, s’alimenter ou regagner leur couche », poursuit l’archer. Approche et affut sont les méthodes utilisées pour les tirs d’été. En automne, les deux techniques peuvent être complétées par des "poussées silencieuses". Plusieurs chasseurs parcourent le territoire à pied, provoquant une fuite "tempérée" du gibier. Des archers les attendent à des postes spécifiques. 

Chaque saison, les chasseurs à l’arc prélèvent plusieurs chevreuils et plusieurs sangliers sur ce territoire périurbain de 22 hectares. Ces prélèvements traduisent une concentration nettement supérieure à d’autres territoires plus ruraux, fait remarquer Vincent. « Nous avons levé jusqu’à 15 chevreuils au cours d’une poussée silencieuse ! », illustre-t-il.

Des émotions plus fortes

Au-delà de son efficacité reconnue pour pallier les inconvénients d’une battue aux armes à feu, la chasse à l’arc est un peu comme un réapprentissage de l’art de la traque ; une reconnexion avec la nature, avec l’animal… Plus exigeante, elle est aussi une source de plus grande satisfaction, confie Vincent. De fait, la chasse à l’arc demande un temps de préparation : identifier l’animal, prendre une décision, actionner l’arme… La chasse à l’arc, c’est beaucoup de sorties, de contacts avec les animaux, mais aussi de nombreux échecs ! Alors qu’avec une arme à feu moderne, un chasseur peut, sans être grand tireur, atteindre facilement sa cible à 150 m, avec un arc, c’est une autre affaire !… Le tir à seulement 20-25 m impose une stratégie d’approche plus élaborée. Les archers recourent même à des appeaux, par exemple pour imiter le cri d’un animal blessé qui va attirer un renard… À moins de 25 m de l’animal, un rien peut faire échouer de longues minutes d’affut : un vêtement qui fait du bruit, l’ombre de l’intrus trahie par le soleil, un vent changeant, la forme des mains ou du visage soudain repérée par le gibier… « À 15 m, on est dans l’environnement de l’animal. La chasse à l’arc demande plus de temps, elle est plus aléatoire, mais elle procure des émotions plus fortes », confie Vincent. Elle est aussi mieux perçue par le grand public. « Quand on a un arc, les gens viennent plus facilement nous parler que lorsqu’on tient un fusil », constate le passionné. 

Une redécouverte initiée en Amérique du Nord

En France, la chasse à l’arc était interdite jusqu’en 1995. Si l’arc fut bel et bien une arme très répandue dans le pays au Moyen Âge et avant que l’arbalète puis les armes à feux ne la supplantent durablement, il a mieux résisté outre-Atlantique. L’arc a même connu une sorte de renaissance à la fin du XIXe et au début du XXe siècle aux États-Unis. À la fin de la guerre de sécession, les sudistes, interdits d’armes à feu, ont été contraints de redécouvrir l’art du tir à l’arc. Au tout début du XXe siècle, lors d’ultimes découvertes du nouveau continent, un scientifique fit la connaissance d’un Indien d'Amérique encore préservé de la nouvelle culture européenne. L’homme a pu transmettre son savoir au scientifique qui en a fait des ouvrages écrits. Ce précieux témoignage a contribué à la réhabilitation du tir à l’arc en Amérique du Nord. Dans un pays riche en grands espaces sauvages et épris de libertés, les récits héroïques de ces nouveaux pionniers de la chasse à l’arc ont fait des émules dans les années 1930 à 1950. En France, cette redécouverte s’est propagée dans les années 1950-60 avec la création de la toute première association sportive de chasseurs à l’arc. Illégale à l’époque, la chasse à l’arc valait à ses adeptes d’être inquiétés par les autorités ce qui mettait en lumière un vide juridique concernant cette arme. Les chasseurs à l’arc se sont alors battus pour rendre légale leur activité, ce qui fut fait en 1995.

Légalisé en France en 1995

La légalisation de la chasse à l’arc est assortie d’un certain nombre d’obligations qui s’inscrivent dans le cadre des règles régissant la chasse en général (dates d’ouverture, dispositif de marquage du gibier, plans de chasse, etc.). Pour chasser à l’arc, il faut être titulaire du permis de chasser et avoir suivi une formation d’une journée. Cette formation qui porte sur la législation, le matériel et la théorie, est dispensée en Saône-et-Loire par la Fédération départementale des chasseurs qui fait venir un formateur de l’association Chassarc71. La formation donne lieu à la remise d’une carte. Autre contrainte réglementaire, chaque flèche tirée par le chasseur à l’arc doit porter son numéro de permis de chasser. Le chasseur à l’arc est ainsi tenu de « signer son tir ». Une disposition qui incite à soigner les tirs de telle sorte que l’animal souffre le moins possible.