Jaunisse nanisante
Comment réduire le risque dès le semis ?

La lutte directe contre les pucerons à l’automne vecteurs de la JNO est relativement pointue, en particulier depuis le retrait du traitement de semences à base d’imidaclopride. L’orge d’hiver est plus sensible que le blé tendre. Sur orge, la JNO entraine assez fréquemment des pertes de plantes et d’épis, alors que sur blé cette maladie affecte plus généralement le remplissage des grains. À situation comparable en termes de localisation géographique et de date de semis, la nuisibilité est environ deux à trois fois plus élevée sur orge d’hiver comparativement au blé tendre d’hiver. Il n’en demeure pas moins que la protection contre la JNO ne doit pas être négligée sur blé tendre.

Comment réduire le risque dès le semis ?

1. Les conditions climatiques de l’automne sont déterminantes

Durant l’automne, des conditions favorables à la multiplication et à la dispersion des pucerons favorisent une transmission des virus à un plus grand nombre de plantes. Plus tard, les conditions hivernales qui suivent la transmission du virus à la plante influencent la multiplication du virus dans les plantes. Une croissance continue des plantes au cours de l’hiver est favorable à la multiplication des particules virales dans les plantes. À l’inverse, une période de froid ne sera favorable ni au développement des plantes, ni à l’activité des virus au sein de celles-ci. Enfin, une infestation de pucerons relativement limitée peut avoir de fâcheuses conséquences dans le cas d’un enchainement d’évènements favorables aux virus et défavorables à la plante.

Toutes les régions ne sont pas soumises aux mêmes conditions climatiques automnales et chacune doit subir le risque en tenant compte du climat. Par exemple, à Dijon (fig 1), les températures ont été élevées au long cours aussi bien au cours de l’automne 2018 qu’au cours de celui de 2019. Par ailleurs, il y a un an, la pluviosité de l’automne a pu être contraignante pour intervenir au bon moment sur les pucerons.

En amont des méthodes de lutte chimique, il existe cependant deux leviers pour gérer les risques de JNO : le choix de la variété en orge d’hiver et la date de semis.

2. Les variétés d’orge d’hiver tolérantes à la JNO sont robustes

Plusieurs variétés d’orge d’hiver sont tolérantes à la JNO. Malheureusement, dans une région brassicole comme l’est Bourgogne Franche – Comté, une seule est sur la liste des variétés recommandées par l’aval de la filière (CBMO). Même si des pucerons peuvent coloniser les plantes de ces variétés, leur transmettre le virus de la JNO et occasionner quelques symptômes de JNO (décolorations de bouts de feuilles), les pertes de rendement liées à cette virose sont négligeables alors que, dans de mêmes conditions, les variétés d’orges sensibles peuvent perdre plus de 50 % de rendement (fig 2).
Il est donc recommandé de semer ces variétés sans anticiper sur les dates optimales de semis et de ne pas appliquer de protection insecticide en végétation (même si quelques pucerons peuvent être observés à l’automne). En revanche, aucune de ces variétés n’est tolérante à la maladie des pieds chétifs ce qui impose de surveiller la présence des cicadelles susceptibles de transmettre le virus WDV et d’intervenir si nécessaire.

À ce jour, aucune variété de blé tendre tolérante ou résistante à la JNO n’est disponible en France. Des travaux de recherche sont en cours.

3. La date de semis est un levier pour limiter le risque mais pas une solution

Les semis les plus précoces rencontrent plus souvent des conditions favorables aux insectes vecteurs de viroses. À l’opposé, les semis plus tardifs rencontrent en règle générale des conditions qui leur sont moins favorables et par conséquent limitent la transmission de virus aux plantes. Ceci explique pourquoi la proportion de parcelles présentant une forte intensité de virus de la JNO est fréquemment plus élevée pour les semis plus précoces et diminue lorsque les semis sont plus tardifs.

Le risque de viroses demeure néanmoins présent pour les semis tardifs : les enquêtes pluriannuelles (Bayer/Inra/Arvalis) ont révélé près de 30 % des parcelles de blé et jusqu’à 40 % des parcelles d’orge d’hiver concernées lorsque le semis est réalisé après les dates optimales recommandées (fig. 3).

Il ne faut donc pas anticiper les périodes de semis préconisées dans chaque région par Arvalis pour limiter une exposition excessive des cultures aux pucerons et aux cicadelles. Choisir les dates les plus tardives de la plage recommandée (avec des variétés adaptées) permet à l’opposé de réduire dans une certaine mesure le risque de viroses (fig.4 et fig.5). Mais cette précaution ne permet en aucun cas de faire complètement disparaître le risque. Un semis tardif n’affranchit donc nullement à la surveillance des cultures à l’automne et éventuellement à la lutte insecticide en végétation. Cette dernière peut s’avérer plus fructueuse qu’en cas de semis précoce, car elle s’applique généralement sur des populations plus faibles de ravageurs.

Luc PELCE et Diane CHAVASSIEUX (ARVALIS - Institut du Végétal)