Biotechnologies végétales
Pour le climat : changer de paradigme

Les biotechnologies végétales permettent de sélectionner rapidement des variétés de plantes adaptées au changement climatique. Selon l’Association française des biotechnologies végétales (AFBV), la recherche doit avoir les moyens d’explorer ce nouveau champ d’investigation.

Pour le climat : changer de paradigme

« L’urgence climatique impose le recours aux biotechnologies végétales », a déclaré Georges Freyssinet, le président AFBV lors du point presse organisé le 11 octobre dernier en marge du 11e colloque intitulé "Biotechnologies végétales et changement climatique". En fait, le changement climatique impose à l’agriculture de mener deux combats à la fois. Celui de l’adaptation des pratiques agricoles à des périodes caniculaires récurrentes et celui de la réduction des émissions de gaz à effet de serre dont l’emploi d’engrais azotés est la première cause.

Selon Georges Freyssinet, « la recherche agronomique doit s’impliquer dans des programmes de lutte contre les stress abiotiques » alors que ces 30 dernières années, elle se concentrait sur la résistance aux ravageurs et aux maladies, autrement dit aux stress biotiques. « Le secteur public devrait retrouver un rôle de premier plan dans l’amélioration des technologies et la recherche de la fonctionnalité des gènes impliqués dans les caractères recherchés », déclare l’AFBV. Et le secteur privé doit pouvoir s’appuyer sur un cadre réglementaire européen approprié pour commercialiser des plantes issues notamment de l’édition génomique.

Le temps presse

Selon Claude Ménara, agriculteur depuis 40 ans dans le Lot-et-Garonne, administrateur de l’AGPB et membre de l’AFBV, l’accès à l’eau, le numérique et la robotique sont les trois piliers sur lesquels l’agriculture française se repose déjà pour s’adapter au changement climatique. « Mais sans le recours aux biotechnologies, les progrès resteront faibles », affirme-t-il. Or le temps presse. La réglementation européenne en vigueur sur les biotechnologies du début des années 2000 est dépassée. Elle ne prend pas en compte l’évolution de la discipline et les nouveaux protocoles mis au point pour conduire des travaux de sélection variétale. De plus, des pays concurrents ont déjà pris les mesures nécessaires pour distinguer les plantes obtenues par édition génomique et des plantes génétiquement modifiées. Pour autant, les capacités d’action sont limitées. En 2024, se dérouleront les prochaines élections européennes aux termes desquelles de nouveaux députés européens seront élus.

Si dans les prochaines semaines, la Commission européenne fait une proposition de réglementation sur les biotechnologies, celle-ci pourra difficilement être applicable en 2024. Le Conseil européen doit en effet l’avoir auparavant validée et le Parlement européen, l’avoir votée avant l’arrêt des travaux parlementaires, en pleine campagne électorale.

Le second combat : les GES

Selon Philippe Gate, ancien directeur scientifique d’Arvalis et membre de l’AFBV, réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’agriculture impose de revoir l’organisation de l’ensemble des filières, du champ à l’assiette. Alors que les agriculteurs doivent prendre les mesures nécessaires pour optimiser la fertilisation de leurs cultures en azote, les consommateurs doivent revoir leurs habitudes alimentaires et les industries alimentaires, leur niveau d’exigence. Produire du blé dur à 14 % de protéines pour fabriquer des pâtes quand l’Italie se contente d’une céréale à 12 %, est-il toujours justifiable ? Or augmenter de deux points le taux de protéines d’un blé dur impose l’épandage de 40 unités d’azote en plus par hectare.

Commission européenne : NBT et sols au programme 2023

NBT, restauration des sols, systèmes alimentaires durables, bien-être animal, gaspillage alimentaire. Tels sont les grands domaines liés à l’agriculture dans lesquels la Commission européenne présentera des initiatives en 2023, selon le programme de travail qu’elle dévoilera le 18 octobre. Au 2e trimestre, « nous proposerons une législation pour les nouvelles techniques génomiques telles que la mutagenèse ciblée ou la cisgenèse. Cela permettra de maintenir un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, et de contribuer à un système alimentaire plus résilient et durable grâce à des produits végétaux innovants », indique Bruxelles dans son projet de texte. Au 2e trimestre, sont également attendues une initiative pour la protection, la gestion durable et la restauration des sols et une révision de directive-cadre sur les déchets pour y introduire des objectifs de réduction du gaspillage alimentaire. Au 3e trimestre enfin, seront présentés la révision de la législation européenne sur le bien-être animal et – alors que les ONG craignaient que cette initiative passe à la trappe – un cadre législatif pour des systèmes alimentaires durables. 2023 est la dernière année dont dispose la Commission européenne pour présenter de grandes propositions législatives, les élections européennes étant prévues pour le printemps 2024.

 

 

Glyphosate, quelle autorisation ?

Aucune majorité qualifiée pour ou contre la prolongation d’une année de l’autorisation du glyphosate ne s’est dégagée le 14 octobre lors du vote des experts des États membres organisé en comité permanent sur les produits phytosanitaires. L’Allemagne et la France, notamment, se sont abstenues (la Croatie, le Luxembourg et Malte s’y sont opposés). L’autorisation du glyphosate dans l’UE expire le 15 décembre mais cette prolongation d’un an est nécessaire du fait de retard pris par l’autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) dans la finalisation du rapport d’évaluation des risques de l’herbicide. La Commission européenne indique regretter que les États membres n’aient pas été en mesure de soutenir sa proposition malgré l’obligation légale claire de prolonger l’approbation. Elle a l’intention de la soumettre une nouvelle fois dans le cadre d’un comité d’appel dans les prochaines semaines. Si une fois encore aucune majorité ne devait se dégager, la décision devra être prise par Bruxelles.

Carburant : des réquisitions pour l’agriculture ?

En visite dans une exploitation à Saulges (Mayenne) le 13 octobre, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau a évoqué la possibilité de réquisitionner du carburant afin de fournir les exploitations agricoles. « Si la situation dure, des réquisitions pourraient être ordonnées par les préfets pour permettre aux agriculteurs de travailler », a-t-il indiqué. Les préfets « ont en charge de regarder dans chaque département quelles sont les priorités qu’on peut effectuer pour ne pas laisser les situations se dégrader », a-t-il ajouté. Plusieurs FDSEA à travers la France ont déjà alerté les pouvoirs publics sur la pénurie de gasoil non routier (GNR). Les cuves se vident et l’inquiétude grandit. D’autant plus que le GNR a augmenté de 20 centimes le litre ces derniers jours et que les livraisons se font au compte-goutte. Dans l’Oise, près de 300 agriculteurs seraient déjà sans carburant en pleine période de semis notamment…

De l’alcool face aux sécheresses ?

C’est une étude qui pourrait faire sourire mais qui est très sérieuse. Des chercheurs japonais (institut Riken) ont cherché à savoir quel impact provoquerait l’apport de 0,1 % d’alcool dans l’eau servant à arroser les plantes. Leur objectif étant derrière de lutter contre les sécheresses. Car les scientifiques savent que les plantes en stress hydrique émettent de l’éthanol, déclenchant en cascade une adaptation de leur métabolisme. Leur hypothèse semble fonctionner puisque les chercheurs ont observé que cet ajout de 0,01 % d’alcool dans l’eau d’arrosage entraînait une fermeture des stomates, les pores par lesquelles les plantes respirent (évapotranspiration) à la surface des feuilles. Les pousses de blé ou de la plante modèle Arabidopsis thaliana ainsi traitées ont mieux résisté au stress hydrique. À la santé des plantes donc !