Prémultiplication de greffons et porte-greffes
Une Qanopée appelée à grandir

Cédric Michelin d'après communiqués
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Ce mardi 17 octobre avait lieu à Oger dans la Marne, la pose de la première pierre de la future serre pour sécuriser les plantations de vigne à l’avenir. Qanopée de son nom est un projet issu d’un partenariat entre trois régions viticoles : Beaujolais, Bourgogne et Champagne. Sa production vise à pérenniser la prémultiplication des greffons et porte greffes, ainsi que leur conservation comprenant une serre bioclimatique “insect-proof” modulaire et un bâtiment d’exploitation.

Une Qanopée appelée à grandir
La mise en service du site est fixée au 30 juin 2024. Les premiers plants de cette serre devraient être disponibles dès 2027.

« Qanopée est un projet d’ampleur, essentiel pour nos vignobles, car il permet de sécuriser notre matériel végétal et préserver ainsi l’avenir de notre activité de vignerons et celle de nos enfants », estime Thiébault Huber, président de la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB) et aussi président de l’association Qanopée (lire encadré).

En effet, depuis plusieurs années déjà, la filière viticole – notamment bourguignonne - connaît des difficultés d’approvisionnement en matériel végétal (porte-greffes, greffons, plants). De plus, tout le monde en convient, le changement climatique est là et de nouvelles variétés de vigne sont nécessaires. Sans oublier non plus les attentes sociétales autour des traitements phytosanitaires. Le matériel végétal est donc un élément fondamental.

Le plein champ sous la menace sanitaire

De longue date, certaines interprofessions assurent, par délégation de l’IFV une activité de prémultiplication du matériel végétal au service de leurs ressortissants.

La prémultiplication consiste à produire du matériel végétal de catégorie base : greffons et porte-greffes, qui seront assemblés pour produire des plants de base destinés à implanter les vignes de multiplication de greffons certifiés. Cette production stratégique se situe en amont des étapes de production des plants de vigne par les pépiniéristes, qui permettent de répondre aux besoins des professionnels. Traditionnellement effectuée en plein champ, elle est aujourd’hui menacée pour des questions sanitaires, en lien avec le climat, en raison de l’extension ou de l’émergence de certaines maladies (court-noué, enroulement, flavescence dorée, bois noir, esca, virose du pinot gris…). Dans le cadre du Plan national de lutte contre le dépérissement du vignoble (PNDV), les interprofessions viticoles et l’IFV ont proposé un nouveau modèle de production de ce matériel végétal de base, en milieu confiné et hors-sol, à l’abri des vecteurs de maladies. Un cahier des charges de la prémultiplication en milieu confiné a d’ores et déjà été rédigé. Il s’appliquera à l’ensemble des prémultiplicateurs à partir de 2029.

Variétés résistantes et nouveaux porte-greffes

Afin de s’adapter au nouveau cahier des charges et de répondre aux enjeux sociétaux et climatiques de la filière, les vignobles du Beaujolais, de Bourgogne et de Champagne ont décidé d’unir leurs forces et leurs moyens, avec un quadruple objectif :

- Sécuriser la qualité sanitaire du matériel végétal de base, maillon essentiel de la pérennité du vignoble ;

- Permettre de s’adapter avec agilité à l’évolution de la demande en matériel, qu’il s’agisse des cépages “traditionnels”, de variétés résistantes ou de nouveaux porte-greffes ;

- Assurer la disponibilité de ce matériel dans chaque région, pour répondre rapidement aux besoins spécifiques de chacun ;

- Conserver la biodiversité génétique des variétés des trois régions.

La construction d’une unité de production

Face à la pression sanitaire, l’utilisation de serres “insect proof”, à l’abri des principaux vecteurs de maladies à virus, bactéries et phytoplasmes, apporte des garanties sanitaires optimales afin de se prémunir de ces maladies. Le projet Qanopée prévoit des constructions en plusieurs temps (2022-2028) en fonction de l’avancée progressive de la démarche, de la structuration de la prémultiplication au niveau national et des besoins en matériel végétal. Dans une première tranche, sont prévus :

• Une serre bioclimatique de 4.500 m2 “insect-proof” pour la culture du matériel végétal. Cette serre comprendra des espaces dédiés et séparés physiquement :

> pour la production de porte-greffes et de greffons de base des vignobles du Beaujolais, de la Bourgogne et la Champagne mais aussi du Jura ;

> pour la conservation du matériel de biodiversité issu des conservatoires régionaux des membres fondateurs ;

> pour la production de plants prémunis contre la maladie virale du court-noué.

• Un bâtiment technique et administratif de 900 m2 ;

• Tous les aménagements indispensables (voiries et réseaux divers, assainissement, parkings…).

Le projet se veut ambitieux concernant les performances énergétiques et environnementales des constructions. À moyen ou long terme, cette unité sera enrichie d’une serre pour la production de plants de base sur le même site. Le projet Qanopée a été pensé avec une architecture flexible et évolutive dans la mesure où il sera possible de construire de nouvelles chapelles pour répondre aux enjeux de fourniture de matériel ou d’innovation variétale, comme la conservation de plants prémunis vis-à-vis du court-noué.

La mise en service du site est fixée au 30 juin 2024. Les premiers plants de cette serre devraient être disponibles dès 2027.

Un investissement de plus de 8 millions d’€

Une quarantaine de critères ont été pris en compte pour le choix du site d’implantation, dans six domaines : qualification du foncier disponible, accessibilité aux réseaux et facilités d’utilisation, possibilité de financements publics, capacité des acteurs locaux à conduire le projet, qualification de l’environnement professionnel, technique et scientifique ainsi que le bassin de main-d’œuvre et le potentiel au regard du développement durable. C’est finalement le site champenois situé dans la commune de Blancs-Coteaux à Oger (Marne) qui a été retenu pour le projet Qanopée.

Le montant estimé global du projet s’élève à 8 millions d’euros hors taxes, comprenant les études préalables, le pilotage du projet, et, surtout, la construction de la nouvelle unité de production avec son bâtiment d’exploitation. Pour assurer son financement, le collectif est lauréat de l’appel à projets 2021 “Mise en œuvre de projets pilotes dans les domaines de l’agriculture, la viticulture et la forêt” de la Région Grand Est. Ce dispositif a notifié à l’association Qanopée l’apport de 4,826 M€ de Feader (Europe) pour le financement du projet, conditionné à la levée d’une contrepartie nationale totale de 1,207 M€. L’apport initial des interprofessions s’élève à 826.000 € auxquels il faut rajouter un emprunt de 1,403 million d’€ pour l’heure. Pour l’ex-directeur général du BIVB parti à la retraite, « la Bourgogne a une approche particulière de la prémultiplication. Et l’interprofession s’est efforcée de mobiliser les acteurs pour répondre au nouveau cahier des charges de l’IFV. La réponse a été trouvée à l’échelle interrégionale, ce qui est une grande réussite », estime Christian Vanier.

Qanopée en quatre points

Qanopée a pour objet de mettre en œuvre un nouveau modèle de production durable pour sécuriser, en qualité et en quantité, le matériel végétal à destination des plantations de vignes mères certifiées pour nos régions, assurant ainsi la pérennité de nos vignobles. Les quatre livrables du projet sont :

• La création d’une nouvelle entité juridique qui regroupe les trois vignobles ;

• La construction d’une unité de production dédiée à la conservation et à la prémultiplication des greffons et porte-greffes, comprenant une serre bioclimatique “insect-proof” et un bâtiment d’exploitation ;

• La coconstruction avec les partenaires nationaux de la mise en œuvre du nouveau cahier des charges sur la prémultiplication en milieu confiné de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) ainsi que la prise en compte de ses conséquences sur l’organisation française de la prémultiplication ;

• L’étude et le développement de ces nouveaux itinéraires de production, aussi bien dans le domaine technique qu’économique.

Une nouvelle entité juridique

Qanopée est un projet novateur, par sa dimension collective et l’originalité de sa gouvernance. Pour la première fois, trois régions viticoles s’unissent dans un projet au service de la filière. L’Alsace ayant décidé de ne pas continuer l’aventure. Une association (Loi 1901) réunissant les trois interprofessions (Comité Champagne, Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne, Inter Beaujolais) a été créée le 24 octobre 2022 pour porter le projet. Le Bureau est constitué d’un président, d’un vice-président et d’un trésorier, chacun représentant l’un des trois membres fondateurs, tout comme le Conseil d’Administration, composé de trois administrateurs. Ce dernier est investi de pouvoirs étendus pour gérer, diriger et administrer l’association. Il est assisté d’un Comité technique (responsables techniques et experts du matériel végétal des régions) et, dans un second temps, de membres actifs agréés par l’assemblée générale extraordinaire. Du personnel (directeur, techniciens) sera recruté pour assurer la nouvelle activité de prémultiplication du matériel végétal de base sous serre insect-proof et le fonctionnement des installations.