Fabien Tissier à Uxeau
Une fabrique d’aliment fermier pour être plus autonome

Marc Labille
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Depuis 2015, Fabien Tissier fait évoluer l’alimentation de ses animaux vers davantage d’autonomie. Cela passe par une meilleure valorisation de l’herbe et l’incorporation de céréales, de méteils et de protéagineux dans les rations. Une diversité de matières premières qui a nécessité la construction d’une fabrique d’aliment fermier.

Une fabrique d’aliment fermier pour être plus autonome
Avec du méteil, des céréales et de la féverole produits sur l’exploitation, Fabien Tissier a dû s’équiper d’un stockage et d’une fabrique d’aliment fermier.

À Uxeau, Fabien Tissier a entièrement revu l’alimentation de ses animaux. Bilan fourrager, analyses de fourrages, répartition par catégories d’animaux, équilibrage des rations lui ont permis de régler des problèmes de santé sur son troupeau. Cette nouvelle conduite alimentaire l’a aussi amené à valoriser davantage de protéines produites sur l’exploitation et d’être moins dépendant des tourteaux achetés. Aujourd’hui, Fabien cultive de la prairie temporaire, du méteil fourrage et grain, de la féverole, des céréales. Ces différentes matières premières autoproduites entrent dans la composition des rations des animaux et cela nécessite un minimum d’organisation. Fabien Tissier s’est donc équipé d’une fabrique d’aliments à la ferme. L’ensemble se compose de cinq cellules de stockage, de plusieurs vis de transfert des grains, d’un aplatisseur, d’une mélangeuse… Pour limiter les frais, Fabien a construit son installation lui-même en recourant à du matériel d’occasion et des matériaux de récupération (lire encadré).

Cellules, aplatisseur, mélangeuse

Dans le couloir de service d’une stabulation, il a monté un ensemble composé de deux cellules à fonds coniques associées à une trémie alimentant un aplatisseur. Ces deux cellules autoconstruites totalisent 18 tonnes de capacité de stockage. Dans chacune d’entre elles, des vis verticales servent à remonter le grain dans la trémie d’alimentation de l’aplatisseur. Deux autres cellules cylindriques (de 16 et 10 tonnes) complètent ce stockage ainsi qu’un silo conique à aliment de 8 mètres cubes. Trois des plus grandes cellules sont équipées d’un système de ventilation. Une vis mobile complète l’équipement ainsi qu’une mélangeuse. L’ensemble est commandé depuis un même tableau électrique centralisé.

Méteil, triticale, féverole, tourteau…

La double cellule de 18 tonnes reçoit le méteil. L’une de ces deux cellules est vidée avant l’hiver pour le flushing des brebis et la complémentation des veaux. Du tourteau de colza prend le relais. Une autre cellule contient le triticale, une quatrième l’orge qui sera remplacée l’an prochain par la féverole pour l’instant stockée en big-bags. Avec cette fabrique d’aliment fermier, Fabien réalise désormais lui-même ses assemblages de matières premières alors qu’auparavant, cette étape se faisait chez le fabricant d’aliment. Avant l’hiver, avec sa conseillère en nutrition, il calcule ses rations en fonction des analyses de fourrages et des matières premières fermières dont il dispose. Puis, il commande ce qui manque, le complémentaire nécessaire pour la saison.

Composants pesés, minéraux incorporés

Dans l’hiver, Fabien prépare ses aliments tous les jours. Grâce à son installation, le remplissage de la trémie de l’aplatisseur est mécanisé. Les matières premières aplaties sont ensuite reprises pour être introduites dans la mélangeuse. Fabien pèse les quantités. À terme, il installera des pesons sur la mélangeuse pour quantifier plus facilement les composants. L’aliment mélangé est ensuite acheminé vers les animaux à l’aide du valet de ferme. L’éleveur signale que la mélangeuse lui permet d’incorporer les minéraux (par exemple pour le flushing des brebis) ou même l’anticoccidien pour les broutards.

Graines entières ou aplaties, mélangées ou pures

Dans la conception de son installation, Fabien a fait en sorte de pouvoir prélever chacune de ses graines entières. Une nécessité pour les brebis. Sur les cellules cylindriques, un système de trappes et de tuyaux permet de détourner le grain prélevé par la vis de son chemin vers l’aplatisseur. À la base de l’une de ses cellules autoconstruites, Fabien a aménagé une ouverture lui permettant de prélever du grain à la main.

Grâce à cette installation à peu de frais, Fabien espère parfaire son indépendance vis-à-vis des tourteaux. L’an dernier, il n’a eu à en acheter que 2,5 tonnes et il est déjà parvenu à s’en passer depuis qu’il a repris en main son alimentation. Il y a deux ans, le diagnostic Cap Protéines avait mis en lumière un niveau d’autonomie protéique de 96 %.

 

Une fabrique d’aliments pour 2.500 € seulement

Une fabrique d’aliments pour 2.500 € seulement

Au total, Fabien Tissier estime que son stockage avec fabrique d’aliments lui est revenu à seulement 2.500 €. La même installation neuve aurait coûté près de 15.000 €, évalue le jeune éleveur. La mélangeuse lui a été donnée et c’est son père qui l’a restaurée. Pour construire la partie centrale de sa fabrique, Fabien a utilisé d’anciens poteaux de lampadaires et des tôles de récupération. Les cellules cylindriques d’occasion sont revenues respectivement à 150 et 250 €. Les vis ont coûté une centaine d’euros chacune. L’aplatisseur 500 €. Les 2.500 € tiennent compte d’une petite extension de couverture au-dessus d’une cellule extérieure et du béton.

Trèfle, fauche précoce, méteil, féverole, pâturage tournant…

Fabien Tissier est installé sur 92 hectares à Uxeau avec un cheptel d’une soixantaine de vaches charolaises et une soixantaine de brebis charollaises. En 2015, une épidémie de diarrhée frappant les petits veaux a mis au jour un problème alimentaire. Aidé de ses conseillers chambre d’agriculture et Alsoni, le jeune éleveur a entièrement repris en main l’alimentation de ses animaux en rééquilibrant les rations par une meilleure valorisation des fourrages de l’exploitation. Les diarrhées ont disparu dès le premier hiver avec des frais vétérinaires en chute libre. Conforté par ces résultats, Fabien s’est mis en tête de produire davantage de protéines pour se substituer aux tourteaux coûteux. Il a modifié la composition de ses prairies temporaires en incorporant davantage de trèfles et fait en sorte de faucher « au bon moment ». Fabien Tissier a introduit dans sa rotation du méteil, mélange de triticale, pois et vesce. Cette culture fournit de l’enrubannage riche en protéine ainsi que du méteil grain. L’agriculteur produit aussi de la féverole. Le méteil grain remplace l’aliment complet distribué aux brebis pour préparer leur agnelage et leur lactation. L’enrubannage de méteil est quant à lui destiné aux génisses en croissance. Complété avec un peu de céréales fermières, il convient bien au laitonnes, confie Fabien qui a pu réduire ses achats d’aliment grâce à ces nouvelles cultures. Parallèlement, le pâturage tournant a produit les mêmes effets en supprimant les nourrisseurs à volonté pour les broutards. Rationnés et complémentés plus tard dans la saison, les broutards réalisent les mêmes GMQ mais à moindres frais.